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Morano, la valetaille que l’on fouette : L’affaire Morano ou ce moment désagréable quand l’aristocratie fouette un palefrenier devenu malséant.
Publié le mercredi 7 octobre 2015  |  La Nouvelle République




Il ne s’agit pas de plaindre un personnage déprimant -Mme Morano fut cette ministre qui faisait renvoyer une vendeuse de chez Kookaï qui lui avait mal parlé -mais de s’interroger, maintenant que la droite digne l’éloigne de ses rangs: qu’a-t-elle dit, qu’a-t-elle pensé, qui soit tellement nouveau, tellement plus insupportable que notre bruit quotidien? Elle exprime, Mme Morano, que la France est un vieux pays majoritairement peuplé de blancs chrétiens, qui ne doit pas changer et dont le peuple subit l’invasion du monde? Mais c’est juste une banalité dans le paysage de l’idiotie tremblante! La même émission où Morano se perdit, un enfant de la presse ripolinée d’extrême droite (Valeurs actuelles) venait vendre un livre qui marche, contant et organisant l’irrésistible ascension d’Eric Zemmour vers l’Elysée. Lequel Zemmour, il y a peu sur RTL, expliquait que Mme Merkel, en accueillant les migrants (qui allaient “faire des petits”) “prenait le risque de détruire une Allemagne millénaire”, la hantise racialo-culturelle d’un bateleur prophète ne se limitant pas aux frontières du pays. Morano serait déphasée? On n’avait pas vu. Elle s’inscrit dans cette France qui se croit dispa-raître, que l’on entretient dans sa tremblote, que l’on gave de nostalgies faute de lui répondre socialement… Morano, avec son enthousiasme de soudard médiatique, est la suite logique et l’interprète exacerbée des démagogies de ses maîtres -ceux qui la punissent désormais, mais lui ont montré le chemin. Pour mémoire.

En 2011, Claude Guéant, ministre de l’Intérieur expliquait ceci, dans un entretien au Monde, que les Français souhaitaient que “la France reste la France”, il s’agissait d’islam et d’immigration. Un an plus tôt, Nicolas Sarkozy s’en allait pourfendre l’immigration incontrôlée -un échec évidemment- pour rebondir sur un fait-divers sanglant à Grenoble. En 2011, Laurent Wauquiez opposait sa Haute-Loire au Washington de Strauss-Kahn. C’étaient les juifs cosmopolites qui nous étaient étrangers. En 2015, c’est tout neuf, François Fillon veut introduire les statistiques ethniques pour connaître “la réalité du peuplement de notre pays” afin de piloter la politique d’immigration: il y aurait donc bien un dosage, culturel, ethnique, à respecter, un choix à faire… Racial? Quel méchant mot. Personne ne pense que François Fillon porterait atteinte aux droits des Français non-blancs. Mais madame Morano non plus. Il est simplement des styles plus ourlés, et des vocabulaires mieux maîtrisés. Mais sur le fond…. C’est elle qui paye, évidemment. Elle le mérite? Elle n’a été, chez Ruquier, qu’elle-même, et le personnage qu’on lui a demandé d’incarner depuis des années. Elle n’a fait que répondre aux attentes des seigneurs; ainsi périssent les petits, d’excès de zèle. Nadine Morano est une souffrance blanche. Elle s’est vécue ainsi. On le lui a raconté. Quand le sarkozysme s’installait à l’Elysée, elle rageait de n’être que député quand une Rachida Dati devenait ministre. Dati, qui est méchante et fine, m’avait résumé Morano: “C’est la fille gauloise des cités qui ne supporte pas que ses voisins arabes réussissent ou aient un appartement plus beau.” La haine ethnique était là, et ce malheur d’être étrangère chez elle et supplantée par les nouveaux venus. “C’est un problème de s’appeler Nadine”, demandait-elle? Puis Nadine est devenue ministre, pas plus nulle qu’un autre. Puis Nadine est devenue Morano. Elle a découvert la gloire au temps où Monsieur Buisson plantait ses graines, et aucune décence ne borderait la reconquête identitaire. Ce qu’elle ressentait (que ressentent tant de gens en un pays déboussolé), elle pouvait le dire; ça se disait autour d’elle, au-dessus d’elle, c’était juste et validé. Elle était, Nadine, leur peuple, leur guerrière! Personnage de la droite, des media, du populo, de l’air du temps, à détester ou à exposer, une bonne cliente…

On a dit à Nadine qu’il n’était pas illicite de devenir Morano. Elle l’est devenue. Jusqu’à Ruquier. Sa faute, sa bêtise, sa méchanceté, leur idéologie. Quand elle humiliait une femme voilée sur une plage en publiant sa photo, elle communiait dans l’islamophobie faussement féministe, et quand elle voulait interpeller une femme en burqa gare du Nord, elle mettait en pratique une loi du sarkozysme, que la gauche n’a pas abrogée. Evidemment, la race était en trop, l’autre soir. Pas bien maligne, Nadine. Mais elle ne pouvait que s’y laisser prendre, depuis le temps qu’on l’encourageait. Elle paye de s’être crue essentielle quand elle n’était que décorative, et d’être devenue un embarras, une fille de peu ayant oublié la mesure. Si on est d’humeur optimiste, on peut imaginer une rédemption. Que la droite, en chassant Morano (en la chassant vraiment, on en est loin), fasse sa révolution idéologique et devienne réellement libérale, et cesse de nous raconter une France d’antan, une France immuable, qu’il faudrait chérir, restaurer, protéger d’un présent haïssable. Le drame de tout ça, c’est le refus d’aujourd’hui. Si la France fut gauloise et blanche, elle ne l’est plus, plus seulement cela. Elle est autre chose, métisse et plurielle parfois, inchangée ailleurs dans ses paysages humains, disparate et incertaine et conflictuelle, et elle s’invente sur le tas, sans que les puissants qui ont sa destinée en charge soient capable de mettre des mots sur ce bouillon de cultures. Ce n’est pas qu’une affaire de la droite, notons. La laïcité fétichiste de la gauche est un miroir de l’identité sarkozyenne, dont la race de Morano est une exacerbation. Tout le monde devrait en sortir, des fantômes et des poussiéreux, et commencer à nous parler de nous, ce que nous sommes, les chrétiens et les autres, et aussi désamorcer les peurs de toutes les Nadine, au lieu de les encourager avant de les censurer. Sinon, ce qui arrive aujourd’hui, c’est juste de la valetaille que l’on fouette, cette histoire. Ca ne fera même pas tenir tranquille les gueux, et ça ne lavera pas l’âme des grands.

Claude Askolovitch

Journaliste POLITIQUE
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