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L'Indicateur Renouveau N° 1409 du 3/1/2013

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Crise au nord Mali : Quand les anciens présidents gardent le silence
Publié le jeudi 3 janvier 2013  |  L'Indicateur Renouveau




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Trois hommes qui, pendant plus de quarante ans, ont tenu les rênes du pouvoir. Le Mali est en train de sombrer, et pourtant Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré n’estiment toujours pas nécessaire de faire entendre leur voix.

Depuis le coup d’Etat qui a renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT) le 22 mars, et la chute des grandes villes du Nord, passées sous le joug des salafistes et des trafiquants, nul n’a entendu la voix des anciens présidents. Le dernier rebondissement en date : la démission forcée du Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, dans la nuit du 10 au 11 décembre… Mais rien de tout cela n’aura suffi à faire sortir du silence les trois hommes qui ont présidé à la destinée du Mali ces quarante dernières années : ni Moussa Traoré (1968 à 1991), ni Alpha Oumar Konaré (1992 à 2002), ni ATT (2002 à 2012) n’ont jugé bon de prendre la parole depuis le début de cette crise. Une crise pourtant si grave qu’il est anormal qu’un homme d’Etat garde le silence.

Amadou Toumani Touré : dépité, il se tait et se terre

Exilé à Dakar presque dans l’indifférence générale depuis le 20 avril, il a très mal vécu les violentes critiques qui ont suivi sa chute, les accusations de corruption, de collusion avec les islamistes et même de trahison. Le 10 avril en effet, alors qu’il s’apprêtait à démissionner, il avait prévu de s’adresser à ses concitoyens, mais ses pairs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), Blaise Compaoré en tête, l’en ont dissuadé. Gentiment mais fermement.

Aujourd’hui, il n’en voit plus l’utilité. Président pendant dix ans, il ne comprend pas d’où vient ce désamour. N’est-ce pas lui qui, en 1991, en renversant Moussa Traoré, a ouvert la voie à la démocratie ? Revenu aux affaires en 2002, n’a-t-il pas multiplié les grands chantiers et les programmes de construction de logements sociaux ? Pourquoi ceux qui l’acclamaient n’ont-ils pas tenté de sauver sa fin de mandat ?

« Au moins, je m’en suis sorti indemne, a-t-il soufflé à l’un de ses visiteurs. Je n’aurais pas connu une fin de règne à la Laurent Gbagbo, et ma femme n’aura pas connu l’indignité de Simone ». Rentrera-t-il un jour au Mali ? Ce n’est pas à l’ordre du jour, mais vivre loin de son pays est « une torture », assure un de ses anciens conseillers. « Il ne pourra pas rester à l’étranger indéfiniment ».

En attendant, il a pris ses quartiers à la villa Pasteur, la résidence des hôtes de marque de la présidence sénégalaise. Située dans le quartier du Plateau, elle offre une vue imprenable sur la baie de Dakar… ATT, 64 ans, a repris du poids mais s’ennuie ferme. Celui qui, durant ses deux mandats, se plaignait de ne pas avoir une minute à lui ne sait plus comment occuper ses journées. Alors, accompagné des quatre fidèles gardes du corps qui l’ont suivi dans son exil, il fait du sport. De la marche et, parfois, du jogging, mais à petites foulées pour ne pas fatiguer son genou, récemment opéré en France. Il prie aussi, lit le Coran.



Alpha Oumar Konaré : retranché dans sa tour d’ivoire

Dire que son mutisme surprend est un euphémisme. Comment Alpha Oumar Konaré, grand pourfendeur du régime autocratique de Moussa Traoré et premier président démocratiquement élu du Mali, peut-il continuer de se taire ? Comment lui, l’ancien président de la Commission de l’Union africaine (UA, de 2003 à 2008) dont les coups de sang ont résonné au siège d’Addis-Abeba, peut-il rester sans réaction ? Et pourquoi n’entend-on pas davantage son épouse, Adame Ba Konaré, une femme engagée dont les prises de position contre le discours prononcé à Dakar par Nicolas Sarkozy ou contre l’intervention de l’Otan en Libye avaient été fort remarquées ?

Indifférent à l’agacement qu’il suscite, Alpha Oumar Konaré vit donc retranché dans sa luxueuse résidence de Titibougou, un quartier huppé de l’est de Bamako, réduisant au minimum ses déplacements. Des visites, il en reçoit peu et surtout pas de ses anciens compagnons de l’Adema, dont il craint qu’ils n’instrumentalisent ses propos.

Fin mars, quelques jours après la chute d’ATT, il a ouvert sa porte au ministre burkinabé des Affaires étrangères, Djibrill Bassolé (dont le pays joue les médiateurs dans le Nord-Mali) ; il a reçu aussi l’Italien Romano Prodi, devenu début octobre le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahel. Mais c’est tout. Il n’a pas vu la nouvelle patronne de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, en déplacement à Bamako mi-octobre.

Même le président nigérian, Goodluck Jonathan, très préoccupé par la montée en puissance des islamistes, a dû se contenter fin octobre, alors qu’il était à Bamako, d’un entretien téléphonique. Dans son nid, Konaré passe beaucoup de temps à lire et à écrire, selon un de ses proches. Il voyage aussi (il était encore en France début décembre), mais toujours dans la discrétion.



Moussa Traoré : il se montre, beaucoup, mais ne pipe mot

La photo a fait la une de tous les journaux maliens. Prise le 21 août dernier lors des funérailles d’un général de brigade, elle montre, installée côte à côte dans des fauteuils capitonnés, le président Dioncounda Traoré, Cheick Modibo Diarra, le capitaine Sanogo et… le général Moussa Traoré, 76 ans. L’image a fait jaser. Condamné à mort en 1993 (une peine commuée par la suite en prison à vie), puis gracié par Konaré en 2002, il bénéficie du statut d’ancien chef de l’Etat.

Il fait aujourd’hui figure d’autorité morale et religieuse. C’est pour cela qu’il aurait refusé de s’exprimer publiquement. Pourtant, quelques jours après le coup d’Etat, des putschistes se sont rendus à son domicile pour l’assurer de leurs bonnes intentions. Lui, il n’a jamais été question de le faire arrêter. En avril, c’est son gendre, Cheick Modibo Diarra, qui a été nommé à la Primature. Traoré a-t-il lui-même proposé son nom ? Sans doute pas, mais, consulté par les militaires, il aurait donné son aval après coup.

La composition du gouvernement rappelait d’ailleurs l’époque Traoré : le général a beaucoup insisté pour que Tiéna Coulibaly, son ancien ministre de l’Economie dans les années 1990, récupère le même poste. La démission forcée de Diarra est-elle un revers pour Traoré ? Pas nécessairement. Son successeur, Diango Cissoko, avait été secrétaire général de la présidence sous son règne, et Traoré n’est pas mécontent de cette nomination.

Dans sa demeure aux murs saumon du quartier de Djicoroni-Para, il continue de recevoir des visiteurs à un rythme soutenu : militaires, politiques, anonymes et religieux (parmi lesquels le Chérif de Nioro, Mohamed Ould Cheichnè). Et à chacune de ses apparitions publiques lors de cérémonies auxquelles on ne peut se soustraire au Mali (baptêmes ou funérailles), c’est le même scénario : on se presse, on se bouscule pour serrer la main du général ou recevoir sa bénédiction. Malgré tout, le général a préféré garder le silence.

Ben Dao

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