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Lassana Guindo, Directeur National de la Géologie et des Mines (DNGM): «Le Mali dispose aujourd’hui de plus de 500 t d’or en réserves»
Publié le jeudi 3 janvier 2013  |  Le 22 Septembre




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Nous vous proposons la première partie de la grande interview que le Directeur National de la Géologie et des Mines, Lassana Guindo, a bien voulu nous accorder. Il y évoque, entre autres sujets, l’impact de la double crise sécuritaire et institutionnelle que le Mali traverse sur la recherche minière, le boom de l’or et ses revers de médailles, la timidité de nos opérateurs économiques face aux immenses opportunités offertes par le secteur…

22 Septembre : M. le Directeur Général, quel est, selon vous, l’impact de la grave crise politico-sécuritaire que traverse actuellement notre pays sur la recherche et l’exploitation minière au Mali?

Lassana Guindo: C’est une question très pertinente. Vous savez que l’activité minière a des caractéristiques fondamentales qui se déclinent notamment à travers les coûts très élevés des investissements et les risques liés à cette activité. L’état du pays compte beaucoup dans la poursuite de celle-ci. Pour aller droit dans la question, du 22 mars à ce jour, le secteur a subi des impacts négatifs dans le domaine de la recherche minière. Vous savez bien que c’est la phase au cours de laquelle on investit assez d’argent, sans être sûr du retour sur investissement. Donc la stabilité du pays est très importante dans cette phase cruciale. Qu’avons-nous vu ces derniers temps? Les sociétés juniors, qui viennent généralement faire la recherche, se sont retirées parce qu’elles n’ont pas assez de garanties par rapport à leurs investissements. Il faut préciser ici que ce sont des investissements provenant de plusieurs investisseurs distincts réunis qui doivent être rassurés. Au niveau donc de la recherche minière, nous savons qu’il y a eu un peu de retrait par rapport à cette activité. Pour ce qui est de l’exploitation, la majorité des mines, comme vous pouvez le constater, sont situées dans la partie sud du Mali. Cette partie est calme et il n’y a aucun problème. Nous avons assisté d’ailleurs à une petite augmentation de la production aurifère. La petite menace qui planait, à un moment donné, était relative au ravitaillement des mines en intrants, à savoir les produits pétroliers, les produits chimiques et d’autres produits qui interviennent dans l’exploitation minière. Pour me résumer, je dirais qu’il y a eu un léger impact négatif sur la recherche, qu’il y a eu un recul des sociétés de recherche. En revanche, quant à l’exploitation, elle se passe vraiment dans de très bonnes conditions. Nous enregistrons même une petite augmentation de la production aurifère.

L’on assiste actuellement à un véritable boom de l’or au Mali, avec à la clé la mise en production de nouvelles mines, la découverte de nouveaux indices et la ruée vers l’orpaillage dans les trois provinces aurifères de l’ouest, du centre et du sud. Qu’en attendez-vous?

Vous savez que le boom dans ce secteur est lié à l’état même du marché. Ce boom se justifie par la ruée vers le secteur aurifère surtout. Contrairement à notre politique aurifère qui va plutôt vers la diversification. Si le prix d’autres substances minérales, surtout le fer, baisse, le prix de l’or, au contraire, est en train de monter…

A combien s’élève-t-il aujourd’hui?

Aujourd’hui, nous sommes à peu près à 1500 dollars l’once (mi décembre). Traduit en FCFA et en gramme, cela fait à peu près 28 000 FCFA le gramme. Ce sont, en fait, des prix inégalés depuis très longtemps. C’est ce qui justifie également le bond vers ce secteur. Ce bond se justifie également par l’orpaillage. J’ai l’habitude d’entendre dire qu’il y a aujourd’hui très peu de bras valides à Bamako et dans les villages environnants, situation due à la ruée vers cette activité d’orpaillage. Il y a une autre explication à cela: au Burkina Faso, en Guinée, au Ghana, ils ont tous fermé leur saison d’activité artisanale, parce que pendant l’hivernage ils ferment. Par contre, chez nous, car n’ayant pas de politique adéquate par rapport à cela, il y a eu conséquemment une ruée vers le Mali. Je profite de vos colonnes pour signaler que la grande majorité de cette activité d’orpaillage se passe dans l’illégalité. Cela se passe, en effet, sans respect de la législation. S’y ajoutent beaucoup de difficultés, à travers notamment l’utilisation de produits chimiques qui sont prohibés dans cette branche. Il y a aussi d’autres fléaux qui se développent, à l’image de la drogue et des problèmes de santé. De nouvelles mines ont été découvertes, comme Gounkoto; il y a également eu également l’ouverture de la mine de Kodiéran, une mine pratiquement malienne, car son promoteur n’est autre qu’Aliou Boubacar Diallo.

Et Gounkoto?

Pour Gounkoto, l’étude de faisabilité a été validée. C’est une réserve d’environ 80 tonnes d’or métal. Les études sont en cours. Elles pourraient révéler des gisements supérieurs à cela. Les premières études prennent en compte seulement le niveau superficiel, la partie oxydée. Il y a d’autres options, que nous sommes en train de développer. Ce qui permettra d’augmenter substantiellement la production.

C’est une grande mine?

En effet, c’est une grande mine, une mine de classe mondiale. Nous saluons la société Randgold, dans la mesure où elle s’est énormément investie dans la découverte de cette mine. C’est une mine dont la découverte remonte à 2009. Pour ce qui est du développement, on l’a inaugurée en 2012.

Que faut-il faire pour qu’enfin le maximum de Maliens profitent de cette manne?

Les retombées pourraient se décliner à travers la part que le Mali détient dans les sociétés d’exploitation minières; soit 20%. Ce niveau de participation a été défini par la loi, le Code minier. En plus des dividendes que nous percevons au prorata de notre niveau de participation, il y a également tout ce qui se passe au niveau du développement communautaire. Vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes interpellés par la question selon laquelle l’or ne brille pas pour tout les Maliens, le Mali ne récoltant que la poussière.

Mais je vais vous dire que l’activité minière ne concerne pas uniquement le Mali. Elle est en train de se développer énormément au Burkina Faso et le Ghana a une grande expérience de ces activités. Idem pour l’Afrique du Sud, l’Amérique Latine, le Canada… Cette activité est assise sur une loi minière qui est généralement l’émanation d’une discussion qui se passe entre tous les partenaires. Moi je crois que nous devrions tout d’abord voir ces sociétés comme nos partenaires. L’Etat, dans sa politique minière, dit que ce n’est pas lui en tant que tel qui va faire l’exploitation. Son rôle se limite à la mise en place de l’infrastructure minière, c’est à dire la recherche fondamentale. Il a le devoir de faire la recherche et de mettre ces informations à la disposition du privé. C’est le privé qui doit être le moteur du secteur. C’est qui se passe actuellement au Mali. Le rôle absolu de ces sociétés c’est de venir développer et exploiter nos mines. La loi dit que quand la richesse est dans le sous-sol, elle appartient à l’Etat. Cette même loi dit que la ressource appartient à la personne qui l’exploite. Ce qui implique le paiement de royalties à l’Etat. En somme, ce sont des taxes de propriétaire. C’est insuffisant. Nous pouvons revoir ces niveaux.
Que pensez-vous de ces 20%?

Les 20%, ce n’est pas seulement au niveau des sociétés minières. Au niveau de n’importe quelle autre société l’Etat détient aussi 20%.Cela a été décidé avec les institutions de Bretton Woods, avec des partenaires techniques et financiers qui préconisent que, pour une question de compétitivité, le niveau de participation de l’Etat ne doit pas dépasser 20%. Par le passé, il y avait beaucoup de sociétés publiques qu’on a été obligé de privatiser, à cause notamment de problèmes de gestion. Je vais dire également comment la population malienne pourrait profiter de cette manne. Je crois que le Mali jouit d’une certaine expérience en matière d’exploitation minière Cela fait bientôt 20 ans que nous avons commencé l’industrie minière, sans compter le fait que nous sommes dans l’artisanat minier depuis des siècles. Mais, au-delà de tout cela, il y a une très bonne manière de profiter de cette activité, qui ne consiste pas à rechercher seulement le paiement de taxes ou de dividendes à l’Etat. Il y a maintenant des opérateurs maliens qui peuvent profiter de ce secteur. J’ai effectué en 2011 un voyage au Ghana. J’ai vu comment ce pays profite de son secteur minier, beaucoup plus que nous. Imaginons tout ce que les mines importent comme intrants, en termes de produits pétroliers, chimiques, effectuent comme grands travaux de construction, de routes. Les mines utilisent énormément de matériaux de construction….
… A l’image du ciment?

Effectivement. Tous les ciments utilisés par ces sociétés viennent de Dakar. Les Sénégalais ont même créé deux cimenteries uniquement pour les mines du Mali. Le transport est également assuré par des transporteurs sénégalais. Nos gens sont là, mais ils n’arrivent pas à profiter de cette manne. Je demande à nos opérateurs économiques d’être plus agressifs. En réalité, on peut profiter d’une mine sans que cela ne se limite aux seuls taxes et impôts. On peut fournir une multitude de services aux mines. A ce propos, l’exemple-type c’est le Botswana. L’Etat botswanais a débloqué de grands créneaux pour les opérateurs économiques, afin qu’ils puissent intervenir dans les mines et ils profitent beaucoup de cette branche d’activité. Quand on met le tout bout à bout, il y a une grande partie des richesses qui devraient rester au Mali, ici….

…Vous pensez certainement aussi aux vivres et à d’autres fournitures…
Un exemple: à Loulo, dans l’année, on consomme pour un million de dollars rien qu’en alimentation. J’ai vu une fois dans l’avion que même la salade venait d’ailleurs, alors que sur le site même de la mine, il y a des cours d’eau permettant aux habitants de s’investir dans le maraîchage…

Donc ce n’est pas la faute des autorités…

Non, je crois que c’est la population qui doit avoir un réflexe proactif, au lieu de dire «je veux du travail». On voit qu’il y a des grèves dans les mines. On dit: «il faut nous construire des mosquées, des routes». C’est bien. Mais un jour la mine va prendre fin. Il faut que nous nous l’appropriions et que nous nous demandions: «que faut-il faire pour y arriver?». C’est le plus important.

A ce rythme, le Mali ne pourrait-il pas détrôner bientôt le Ghana de son rang de 2ème producteur africain d’or?

Vous savez, qu’il s’agisse du Mali, du Burkina ou du Ghana, tous ces pays sont dotés d’immenses ressources naturelles…
Même le Burkina?

L’or au Burkina, c’est plus récent, mais ce pays est en train de venir en force. De 4 tonnes, la production du Burkina est passée à 11 tonnes annuelles et, aujourd’hui, les Burkinabé en sont à une trentaine de tonnes. Nous, au Mali, nous sommes à une cinquantaine de tonnes. Vous savez, le niveau de production minière est tributaire du niveau de la recherche. Les mines qui sont aujourd’hui en activité ont été découvertes à la suite de recherches qui se sont déroulées il y a plus d’une vingtaine d’années. Nous avons vu que, de la période de la découverte de ces mines à maintenant, la recherche a été timide. Surtout au niveau de notre structure, la Direction Nationale de la Géologie et des Mines (DNGM). Il y a eu très peu de projets de grande envergure. (A suivre)

Entretien réalisé par Yaya Sidibé, Journaliste indépendant

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