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Loi instituant le quota en faveur des femmes: L’ombre de la communauté musulmane a plané sur le vote
Publié le lundi 16 novembre 2015  |  Le Prétoire
Célébration
© aBamako.com par A S
Célébration de journée Panafricaine des femmes
Le CICB a abrité, le 31 Juillet 2015, la cérémonie de célébration de la journée panafricaine des femmes




La prudence était de mise ce jeudi 12 novembre 2015 à l’Assemblée nationale afin d’éviter de tomber dans la «gueule» des associations musulmanes du Mali. En effet, lors de l’examen du projet de loi instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives, les députés, contre toute attente, ont voté par bulletin secret, une première dans la procédure d’adoption d’une loi ordinaire pour cette législature.

Après le vote controversé du Code des personnes et de la famille, adopté par l’Assemblée nationale, le 3 août 2009, aucun homme politique ne veut prendre le risque de se voir sous les projecteurs des associations et autres organisations musulmanes. C’est du moins le comportement qu’ont fait montre les députés lors du vote de la loi portant sur des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives.
En effet, près de douze heures de débat vif entre les députés, ponctué de deux suspensions des travaux sur demande du groupe Adema/Asma et celui du RPM.

Le ton a été donné lors de l’adoption des amendements proposés par la Commission du travail, de l’emploi, de la promotion de la femme. Le vote a eu lieu le jeudi soir très tard dans la nuit à l’Assemblée nationale, en présence du ministre de la promotion des femmes. Ainsi, après examen du texte, 115 députés ont voté pour, 22 voix se sont exprimées contre, et 3 députés se sont abstenus. Certainement par peur de se voir sous les projecteurs des associations musulmanes, les députés ont choisi de faire le vote par bulletin secret. Il faut noter que même si le règlement intérieur ne l’interdit pas, c’est la première fois qu’une loi ordinaire est votée par bulletin secret depuis le démarrage de cette 5ème législature de l’Assemblée nationale en 2013. Sans risque de se tromper, le mauvais souvenir du vote du Code de la famille en août 2009 est passé par là. Quand bien même le vote par bulletin secret est autorisé la loi, plusieurs observateurs de la chose politique estiment que les députés ont manqué de courage politique ce 12 novembre 2015. En effet, s’interrogent-ils, ce projet de loi était-il autant sensible au point de faire appele à ce mode de vote ?
Les arguments se croisent

Si certains députés pensent que le temps est ainsi venu de mettre fin à la discrimination à travers l’adoption de cette loi, d’autres estiment que la notion de quota est une atteinte à la légalité des chances. De l’honorable Kalilou Ouattara du RPM en passant par Bréhima Béridogo, unique député du Parena et membre du groupe parlementaire VRD, les argumentaires n’ont pas manqué pour expliquer la nécessité de cette loi dans une démocratie comme la nôtre. Selon eux, la loi ne touche nullement à aucune de nos habitudes. Mais il s’agit plutôt de corriger une injustice à l’égard des femmes. Par contre, Yaya Sangaré et Youssouf Aya du groupe Adema/Asma ne partagent pas ce point de vue. Ils se disent favorables au changement et à la promotion du genre, mais s’inscrivent en faux contre toute démarche qui touche à nos valeurs sociétales. Pour l’honorable Aya, cette loi se propose d’influencer sur le choix du peuple dans la désignation de ses représentants. Donc, elle encourage la discrimination fondée sur le sexe.
Selon, Yaya Sangaré, du point de vue constitutionnel, la notion de quota porte atteinte à la légalité des chances. Aussi, note-t-il, sa mise en œuvre rencontrera forcement des difficultés sur le plan politique.

Pourquoi l’opposition n’adhère pas à la loi
Pour sa part, l’honorable Mody N’Diaye de l’URD, principal parti de l’opposition parlementaire, demande d’approfondir la présente loi.
Invité du «dialogue de générations» initié par la Maison de la Presse, le 3ème vice-président de l’Assemblée nationale, l’honorable N’Diaye, conformément à la position de la VRD à laquelle il appartient, estime que dans certaines localités du pays, quel que soit ce que vous faites, vous n’aurez pas de femme sur votre liste. «Tel que ça été voté, cette loi doit être améliorée. Sinon, elle n’est pas bonne à l’état», déclare-t-il. C’est pourquoi, précise-t-il, l’opposition s’est abstenue lors du vote de cette loi. Partant, l’orateur a suggéré que l’on préconise une politique incitative et que l’on mette à contribution le financement des partis politiques pour la réforme de la société. «Nous ne sommes pas contre la promotion des femmes, mais qu’elle s’effectue dans la règle de l’art. Il faut d’abord réformer la société pour pouvoir bien appliquer ce genre de texte», conclura l’élu de Baraouéli.

Les statistiques en net recul depuis 2002
En réponse aux préoccupations de ses interlocuteurs, le ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Mme Sangaré Oumou Bah, a indiqué que cette loi n’est pas contraire à la constitution. «C’est juste des mesures temporaires permettant aux femmes de participer pleinement à la vie politique, économique et sociale de notre pays». Le Ministre Bah et le président de la commission du travail, de l’emploi, de la promotion de la femme, de la jeunesse, des sports et de la protection des enfants, Schadrac Keita, ont tous souligné la nécessité d’adopter cette loi.

La représentation des femmes au niveau des postes électifs interpelle plus d’un, avec une situation de régression. Si en 1997, 18 femmes ont pu être élues à l’Assemblée nationale, c’est grâce a l’application volontaire d’un quota de 30% de femmes aux listes présentées par le parti majoritaire aux élections législatives. Mais depuis 2002 on enregistre un recul, regrette-elle. En effet, poursuivra Mme le ministre, cela fait maintenant deux législatures que le nombre de femmes parlementaires est en diminution. Dans la législature de 2002-2007, on dénombrait 15 femmes sur 147deputés à l’Assemblée nationale, soit moins de 10%.

Par ailleurs, au niveau communal, les statistiques font état de 8 maires sur un total de 703. Sur les 10774 conseillers communaux, on ne compte que 927 femmes. De même, les conseillers nationaux ne représentent que 6 femmes sur 73, soit également moins de 10%, précise le rapport de la commission. Pire, indique le même rapport, dans l’environnement politique régional et mondial actuel, le Mali occupe le 66ème rang sur 97 pays classés pour la représentation des femmes dans le gouvernement et le 12ème rang sur 145 pays classés au plan de la représentation dans le parlement.

La fin d’une injustice ?
Adopté par le conseil des ministres depuis le 30 juillet 2014, le projet de loi instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives est constitué de trois articles. Désormais, les femmes vont bénéficier d’un quota de 30 % au moins pour les nominations dans les institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali par décret, arrêté ou décision. La nouvelle loi détermine aussi les catégories électives, y compris les conditions dans lesquelles la recevabilité d’une liste de candidature est soumise à la proportion maximale de 70% de femmes ou d’hommes.
Un décret sera pris en Conseil des ministres pour définir les modalités d’application dudit projet de loi. Selon la ministre de la Promotion de la Femme, cette loi corrige une injustice dont les femmes sont victimes depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. Ce triste constat est la suite logique de la non-participation des femmes dans la prise des décisions d’où la nécessité d’accorder un quota au genre.

Les amendements de l’Assemblée sont au nombre de trois.
Le premier amendement exige qu’à l’occasion de l’élection des députés à l’Assemblée nationale, des membres du Haut conseil des collectivités ou des collectivité territoriales, aucune liste d’au moins trois personnes, présentées par parti politique, groupe de partis politiques ou groupe de candidats indépendants, n’est recevable si elle présente plus de 70% de femmes ou d’hommes.
Le deuxième amendement précise que toutefois, la présente loi ne s’applique pas aux élections au niveau des chefferies traditionnelles des conseillers de villages et de fractions, des associations religieuses, de culte ou à caractère confessionnel ou encore tout autre regroupement disposant de statuts et règlements qui leurs sont propres.

Le troisième amendement indique que les listes de candidature aux élections locales doivent respecter l’alternance des sexes de la manière suivante : si deux candidatures du même sexe sont inscrites, la troisième doit être de l’autre sexe.
En tout cas, malgré les amendements apportés, sous l’influence des religieux, nos élus ont beaucoup hésité avant d’adopter cette loi. Il reste sa promulgation par le Président de la République qui subirait déjà des pressions venant de certains leaders religieux.

Nouhoum DICKO
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