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Me Kassoum Tapo à propos de l’état d’urgence : «Ceux qui transgressent cette mesure doivent être sanctionnés sévèrement »
Publié le lundi 14 janvier 2013  |  Le Prétoire


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© aBamako.com par S.A
Forum pour la paix dans une transition apaisée
Vendredi 29 juin 2012. Bamako. Maison de la presse. Honorable Maitre Kassoum Tapo


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Le Prétoire : Qu’en est-il exactement de la déclaration du président Dioncounda Traoré quant à la mise en application de l’Etat d’urgence ? D’aucuns pensent qu’il n’est pas habilité à le faire.

Me Kassoum Tapo: Au point de vue juridique, l’état d’urgence ne relève pas des prérogatives du président de la République. Ce sont les pouvoirs exceptionnels prévus par l’article 50 de la Constitution qui sont de son ressort et qui sont destinés à assurer la continuité de l’Etat ou à rétablir les disfonctionnements des institutions. Ces pouvoirs sont mis en œuvre par le Président lorsque les institutions de la République, l’intégrité territoriale et l’indépendance de la nation sont menacées. Evidemment, le Président ne peut pas exercer les pouvoirs prévus par cet article.

Les limites du pouvoir du Président par intérim s’appliquent à l’article 50, à la dissolution de l’Assemblée nationale, à l’organisation du referendum et à la nomination du Premier ministre. Ce sont les pouvoirs que le Président ne peut pas exercer, mais il a tous les autres pouvoirs prévus par la Constitution et l’état d’urgence n’est pas prévu à ce niveau. Ce n’est pas au niveau des mesures exceptionnelles que l’état d’urgence est prévu, mais au titre IV de la Constitution qui traite des rapports entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Et l’article 72 de la Constitution malienne dit que l’état d’urgence et l’état de siège sont décrétés en Conseil des ministres. Donc, c’est le Gouvernement qui décide de l’état d’urgence. Il est à préciser que cet état ne peut durer plus de dix jours. Au-delà de ce délai, la prorogation doit être autorisée par l’Assemblée nationale. C’est ce que dit l’aliéna 2 de l’article 72. Evidemment, maintenant nous sommes en période d’inter session, la question qui se pose est que faut-il faire au bout des dix jours pour renouveler cet état d’urgence. Là aussi, nous avons adopté avant la clôture de la session une loi d’habilitation ou le Gouvernement pourra, je pense, utiliser cette habilitation pour proroger, par ordonnance, l’état d’urgence qui a été décrété.

Certains manifestants, tels que la Copam ou le MP22, pensent que Dioncounda a pris cette mesure pour les empêcher de marcher. Est-ce que c’est le sens qu’on peut donner à l’état d’urgence ?

L’état d’urgence autorise l’Administration à prendre des décisions et des mesures restrictives des libertés individuelles et collectives. Cela voudrait donc dire que pendant cette période d’urgence, aucune manifestation ne peut être admise. Les libertés de réunion, de manifestation sont ainsi suspendues. Ce sont des mesures restrictives des libertés publiques. Les citoyens doivent avoir conscience des dangers qui menacent la nation pour accepter de réduire leurs activités pendant cette période d’état d’urgence. Ce sont des actes qui peuvent perturber l’ordre public. Donc, évidemment, je ne pense pas que l’état d’urgence soit décrété pour empêcher ces groupements d’exercer leur droit, mais ce sont des groupements qui ne peuvent pas être au delà de la loi ou du moins au delà des intérêts nationaux. Tout le monde doit avoir conscience aujourd’hui que la nation est gravement menacée. François Hollande a dit que c’est l’extermination même de l’Etat du Mali qui est en jeu. Pendant ce temps-là, est-ce qu’on peut revendiquer une liberté quelconque de manifester? Moi, je pense que la décision du Président est une mesure totalement justifiée et que le Gouvernement n’avait pas le choix que de décréter cette mesure. Maintenant, j’espère que le Gouvernement va prendre toutes ses responsabilités et appliquer ces mesures-là dans toute leur rigueur et que personne n’y échappe. Ceux qui vont transgresser cet état d’urgence doivent être sanctionnés sévèrement.

Au-delà de toutes ces situations, en tant qu’homme politique ou homme de Droit, comment avez-vous apprécié l’intervention des forces internationales auprès de celles du Mali, notamment la France qui a prouvé toute sa détermination à nous aider à sortir de cette crise ?

Je voudrais rendre un hommage très appuyé au président François Hollande. Avant-hier, dans toute la région de Mopti, je dirais même tout le Mali, personne n’a dormi depuis que l’agression de Kona a commencé. Nous avons passé 48 heures de nuit blanche et tous les ressortissants de la ville de Mopti étaient complètement désespérés. Hier, cette détermination ou cette autorité avec la laquelle le Président François Hollande a déclaré l’intervention française, a soulagé tout le monde. Je crois que la France a pris ses responsabilités. C’est la puissance la plus proche du Mali qui a la responsabilité de nous aider à préserver l’intégrité de notre territoire. Je crois que le peuple malien le revaudra au peuple français et l’histoire retiendra que la France a pris ses responsabilités à un moment donné pour sauver notre République. On peut dire aujourd’hui que la France a pris ses responsabilités, notre pays est sauvé.

Notre armée est vaillante, elle est brave, elle s’est battue comme on l’a vu, mais elle se bat avec ses moyens. Nous n’avons pas les moyens évidents de combattre ces rebelles qui ont toutes sortes d’armements récupérés sur la Lybie et qui ont également les moyens financiers énormes venant de toutes sortes de trafics. Donc ce sont des gens qui sont puissants et notre armée n’était pas préparée à cette guerre-là. Donc aujourd’hui, je crois que la communauté internationale a compris qu’au-delà du Mali, c’est toute la sous-région qui est menacée. Et même, je dirais que c’est toute l’Afrique ou du moins le monde libre qui est menacé par ces islamistes et la communauté internationale a pris sa responsabilité en nous appuyant. Je crois qu’il faut saluer cela. Tous ceux qui justement s’agitaient pour dire qu’il n’est pas question que la Cédéao ou X intervienne, je crois que ce débat doit être clos. Notre armée même sait qu’elle a besoin d’être appuyée. Il y a déjà un ressortissant français qui est mort pour nous et nous n’avons plus le droit de dire des choses désagréables vis-à-vis de la communauté internationale.

Pensez-vous que les débats sur les concertations nationales ou la tenue des élections avant le mois d’avril 2013 sont encore d’actualité surtout que maintenant la communauté internationale est engagée pour la libération du Nord?

J’ai toujours dit que les concertations, telles qu’envisagées, n’avaient aucun sens. Elles n’ont absolument aucun objet aujourd’hui. On va se concerter sur quoi ? Il y a deux objectifs clairs. Il s’agit d’abord de la récupération du nord qui est en train de se faire. Que ceux qui s’agitent ici aillent au Nord. J’ai reçu des appels des jeunes de Mopti qui sont en train de s’organiser. Dès qu’ils ont appris que Kona a été attaqué, ils ont commencé à s’organiser, à s’armer. Et ils ont déclaré qu’ils vont mourir mais n’accepteront jamais d’abdiquer devant les assaillants. Et nous les élus, on allait les rejoindre à Mopti. On n’aurait jamais laissé Mopti être envahi. Et pendant ce temps, il y a des gens qui s’asseyent à Bamako pour faire des discussions absolument stériles. Quant aux élections, c’est pareil car j’ai toujours dit que les élections doivent se faire d’une manière sérieuse pour éviter des crises postélectorales qui peuvent être encore plus graves que la crise que nous vivons. Donc, ce ne sont pas des sujets de plaisanterie.

L’Union européenne a financé un audit du fichier qu’il faut saluer. On attend les conclusions de cet audit dans les jours à venir. Dès que nous les aurons, nous saurons quel fichier utiliser et dans quelles conditions. En ce moment, on va se préparer pour cela également. Aujourd’hui, chacun doit, comme le président de la République l’a dit, mettre de côté son agenda personnel, surmonter les égos et vraiment faire face à ce qui compte. La seule chose qui compte est l’intégrité territoriale, l’unité du Mali, la liberté de notre peuple et la paix du Mali. C’est ça qui est aujourd’hui important.

Quel appel avez-vous à l’endroit des Maliens, surtout ceux qui vivent dans des conditions inhumaines depuis bientôt un an et qui se sont réfugiés dans les pays voisins ?

Je leur dis courage et que ce qu’ils vivent, évidemment, nous ne le vivons pas. Mais, dans nos cœurs, nous avons les mêmes douleurs et les mêmes amertumes. Nous sommes et serons avec eux. Il y a des Maliens qui sont en train de mourir pour la libération du Nord et qui vont se battre encore pour eux. Donc, on ne les oublie pas. C’est une agression que nous ne méritons pas et à laquelle on ne s’attendait pas. Toute chose qui va nécessiter des sacrifices.

Ils sont les premiers aujourd’hui à souffrir de çà, mais qu’ils sachent qu’ils souffrent avec tous les Maliens. Je comprends et sais bien que quand ils voient ceux qui s’agitent aujourd’hui, ils pensent effectivement que la classe politique n’est pas consciente de la situation. Ce n’est pas toute la classe politique. Les regroupements qui s’agitent sont connus. Je pense que maintenant, il est temps que l’Etat prenne ses responsabilités vis-à-vis de ces regroupements. Ils ne peuvent pas empêcher la majorité des Maliens de vivre normalement. La nation est solidaire et l’Assemblée nationale a voté une Loi de finances qui mobilise toutes les ressources de la nation pour faire face à la guerre et à l’organisation des élections, dans une démocratie libre et apaisée. Par conséquent, on ne peut pas les oublier.

Propos recueillis par

Nouhoum DICKO

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