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Au Mali, une coalition de groupes islamistes hétérogènes mais coordonnés
Publié le mercredi 16 janvier 2013  |  lemonde.fr


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© AFP
Les trois régions administratives de Tombouctou, Gao et Kidal, dans le Nord du Mali, sont occupées depuis cinq mois par le Mouvement pour l`unicité du jihad en Afrique de l`Ouest (Mujao) et Ansar Dine (Défenseurs de l`Islam)


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La France a déclaré la "guerre contre le terrorisme", en lançant vendredi 11 janvier une intervention armée au Mali. La décision d'intervenir a été prise à la suite d'une offensive coordonnée des islamistes armés alliés à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) sur Konna, verrou entre le nord et le sud malien. Le nord du Mali, région en majorité désertique, est depuis fin juin sous contrôle total de ces groupes armés, qui prônent une application rigoriste de la charia (loi islamique) au nom de laquelle ils commettent diverses exactions. Ils avaient profité d'un coup d'Etat militaire contre le président Amadou Toumani Touré, le 22 mars, pour conquérir la région et évincer leurs ex-alliés du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touareg). La guerre est désormais engagée contre un ennemi hétéroclite, composé de plusieurs groupes aux intérêts mouvants.

UNE COALITION DE GROUPES ISLAMISTES

Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), émanation du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien, est un groupe se réclamant d'Al-Qaida, qui a fait allégeance à son fondateur Oussama Ben Laden en 2006 et opère dans une grande partie du Sahel. Il dispose de bases dans le Nord malien depuis 2007, d'où il mène régulièrement des attaques et enlèvements d'Occidentaux dans plusieurs pays du Sahel, dont notamment la prise d'otages à Arlit, au Niger, en 2010. AQMI est dirigée par des Algériens, dont Abdelhamid Abou Zeid, qui réside à Tombouctou, devenu fief de l'organisation. En octobre 2012, le chef d'AQMI, basé en Algérie, Abdelmalek Droukdel dit Abou Moussaab Abdelouadoud, a nommé Yahya Abou El Hamame "émir (chef) du Sahara et du Sahel" et destitué Mokhtar Belmokhtar, surnommé "Le Borgne", de la katiba qu'il dirigeait dans le nord du Mali.

Ansar Eddine ("défenseur de l'islam"), est un groupe islamiste touareg basé au nord du Mali, qui souhaite imposer la charia par la lutte armée. Il aurait été créé par un ancien militaire et une figure des rébellions touareg des années 1990, Iyad ag Ghaly. Le groupe est renforcé par des combattants qui étaient membres actifs de la branche maghrébine d'Al-Qaida. Son fief est Kidal et sa région. "Ansar Dine comporte une branche modérée et une aile radicale incarnée par Iyad ag Ghaly", estime l'universitaire Pierre Boilley, spécialiste des mouvements touareg.

Le Mouvement unicité et djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), longtemps présenté comme une dissidence d'AQMI, est devenu l'un des maîtres du nord du Mali. Il est composé essentiellement de Mauritaniens et de Maliens. Il est apparu au grand jour en décembre 2011 et s'est illustré par des prises d'otages. Il a revendiqué des enlèvements au Mali, mais aussi en Algérie, où il a revendiqué des attentats contre des forces algériennes. Fondé par le Mauritanien Hamada Ould Mohamed Kheirou, alias Abou Ghoum-Ghoum, le Mujao s'est rendu maître de Gao en évinçant le Mouvement national de libération de l'Azawad — MNLA, fin juin, à l'issue de violents combats. Le mouvement a été inscrit sur l'une des listes d'organisations terroristes par le département d'Etat américain, le 7 décembre.

"UN ENNEMI INSAISISSABLE"


Le spécialiste des mouvements touareg, Pierre Boilley, confiait au Monde dans son édition du 16 janvier que "les troupes islamistes ne sont pas toutes des salafistes acharnés. Il existe différents courants mais ils restent minoritaires. Par ailleurs, beaucoup de combattants ont rejoint ces rangs pour des raisons financières. AQMI a de l'argent grâce aux otages, les caisses d'Ansar Eddine sont en partie remplies par Alger et le Mujao reçoit des fonds manifestement par l'intermédiaire du Croissant-Rouge qatari et des réseaux saoudiens. La fidélité des soldats islamistes n'est pas que religieuse et peut donc vite s'évanouir".

Les chercheurs s'accordent à dire que ces groupes sont loin d'être homogènes et d'avoir les mêmes agendas. "Il y a de vrais jihadistes, des touareg indépendantistes qui luttent depuis la fin des années 1970 contre l'Etat central, des trafiquants de drogue et d'armes, beaucoup de jeunes qui n'ont pas de perspectives d'emploi, des groupes qui remettent en cause les chefferies traditionnelles maliennes...", énumère Jean-Yves Moisseron, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement — IRD. "Parmi cet agglomérat, tous ne sont pas forcément terroristes et leur fantasme n'est pas nécessairement d'instaurer la charia au Mali. Ils ont des intérêts divers", souligne-t-il. "Au sein même de ces groupes, les alliances sont fragiles. Tout ça est très mouvant et très fragile, et constitue un ennemi extrêmement difficile et insaisissable", selon M. Moisseron.

ENTRE 2 000 ET 3 000 COMBATTANTS

Le nombre de combattants reste très imprécis, les chiffres les plus communément admis étant d'environ un millier de djihadistes aguerris et 5 000 à 6 000 combattants au total, comprenant supplétifs et récentes recrues. Selon l'envoyé spécial du Monde au Mali, Jean-Philippe Rémy, "les différents groupes, même écornés par les premières frappes, compteraient 2 000 à 3 000 hommes". Un responsable politique lui a précédemment confié que les groupes armés disposeraient de 150 à 200 pick-up.

DES ARMES LÉGÈRES D'INFANTERIE

Les combattants islamistes du nord du Mali disposent surtout d'armes légères d'infanterie, provenant des arsenaux libyens ou achetées à des trafiquants d'armes grâce aux revenus tirés de trafics et de rançons d'otages. Selon Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), les djihadistes disposent de fusils d'assaut kalachnikov, de fusils de précision, de mitrailleuses légères de 7,62 mm et de mitrailleuses lourdes de 12,7 et de 14,45 mm. Ces dernières peuvent être montées sur la plate-forme des pick-up tout comme les bi-tubes antiaériens de 14,5 mm ou de 23 mm (ZSU de conception soviétique) qui portent jusqu'a 2 500 mètres. Ces armes, conçues pour tirer sur des avions ou des hélicoptères volant à basse altitude, sont utilisées par les combattants du désert en tir tendu contre d'autres véhicules terrestres, explique-t-il.


Les combattants détiennent probablement aussi quelques obusiers de 105 mm et quelques missiles sol-air SAM7. Eric Denécé assure que ces missiles ne représentent pas une "menace significative" en raison des conditions drastiques de conservation et de maintenance indispensables pour leur fonctionnement. Un ex-responsable d'un service de renseignements français s'exprimant sous le couvert de l'anonymat ajoute que les islamistes ont sans doute quelques Milan (missile antichar filoguidé, de fabrication française vendu par la France à Kadhafi).

Les islamistes se sont procuré leurs armes, selon Eric Denécé, lors d'opérations militaires contre les armées algérienne ou mauritanienne et dans les arsenaux de l'ex-armée libyenne du colonel Kadhafi. Il ajoute qu'ils disposent également d'armes livrées en 2011 par la France aux rebelles libyens du Djebel Néfoussa à la frontière tunisienne. Selon l'ancien responsable du renseignement, le marché international clandestin constitue également une source d'approvisionnement.

"UNE COORDINATION RAPIDE, EFFICACE"

Jean-Philippe Rémy rapportait dimanche 12 janvier, que les trois groupes armés "ont, en un temps record, opéré une concentration de forces. (...) Première constatation : la coordination entre ces trois groupes a été rapide, efficace." Selon notre journaliste, "dans les mois écoulés, les combattants de la coalition réunie autour d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ont eu le temps pour penser et préparer une guerre de mouvement et d'esquive, sur un terrain immense et peu peuplé qui s'y prête". Les dépôts d'armes ont été enterrés et les stocks d'armes disséminés dans des zones reculées. L'intervention française soudaine, note notre envoyé spécial, "ne perturbe pas, à ce stade, la stratégie que de nombreux observateurs prêtaient à AQMI et ses alliés : ne tenir aucune position, apparaître et disparaître, profiter du relief, et frapper par surprise sur un territoire difficile à surveiller".

Ils étaient regroupés, jusqu'à dimanche, "le long d'un axe Bambara-Maoundé Douentza, soit au sud de Tombouctou". Les combattants d'AQMI, tout comme leur chef Abou Zeid, ont disparu de la ville et sont partis au front. Lundi 14 janvier, précise Jean-Philippe Rémy, "les groupes armés islamistes ont évacué trois villes du nord du Mali, opérant ce que le porte-parole d'Ansar Eddine, Sanda ould Boumama, qualifie de 'retrait tactique'". Douentza, Tombouctou et Gao ont été vidées de leurs habitants dans la journée. Un connaisseur du milieu insurrectionnel islamiste, à Bamako, a confié à notre envoyé spécial que "ces frappes cassent la chaîne de communication. Mais il est loin d'être garanti que cela suffise. Ils bénéficient de nombreux relais pour s'approvisionner. Ce terrain, c'est le leur. Leurs troupes sont en grande partie composées de gens de cette région". Une grande partie de leur dispositif est désormais en mouvement.

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