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David Sagara, ancien ministre en exclusivité sur la COP21 ‘’Le Mali a des avantages sûrs à en tirer !’’
Publié le jeudi 7 janvier 2016  |  Le Canard de la Venise
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© aBamako.com par as
Nouveaux membres du gouvernement d`Union nationale formé le 20 aout 2012
21 aout 2012. Bamako. Ministre de l`Environnement et de l`Assainissement, David Sagara.




Ancien ministre de l’Environnement et de l’Assainissement pendant la transition et Ingénieur agronome de formation, David Sagara nous livre ses impressions sur la 21ème Conférences des Parties sur le Climat (COP21) à laquelle il a participé du 30 Novembre au 12 Décembre 2015 dans la capitale française, Paris. A l’issue de cet entretien, il nous a démontré que cet accord inespéré peut être avantageux pour le Mali, voire pour l’Afrique si les puissances respectent leur engagement. M. Sagara semble aussi être un peu sceptique sur le fait que cela peut être un complot pour freiner le développement des pays pauvres.
Vous avez participé aux travaux de la COP21. Êtes-vous satisfait du protocole d’accord adopté à cet effet, le 12 Décembre 2015 à Paris ?
Permettez-moi de remercier le ministre en charge de l’Environnement et du Développement Durable du Mali, Monsieur Ousmane Koné qui nous a permis d’apporter notre modeste contribution à la COP21. Je pense que c’est un exemple à suivre par les autres départements ministériels en vue de valoriser les compétences techniques et politiques des anciens ministres ou des cadres qui ne sont plus aux affaires. Je suis satisfait sur les avancés des décisions politiques, mais pas assez sur le contenu technique.
Pourquoi ?
En effet, c’est la première fois que nous assistons à une telle implication des pouvoirs politiques du monde entier sans exception au chevet de la planète. Les grands pays pollueurs étaient là même s’ils ont voulu de temps en temps tirer les décisions vers le bas. Cette prise de conscience et cette implication est une autre façon d’engagement de changement de paradigme dans la gouvernance mondiale de l’environnement. Sur le plan technique, les nuances sont assez grandes encore dans les formulations et les interprétations d’ailleurs d’une langue à une autre comme pour dire que plusieurs accords sont dans un seul. L’engagement principal entre 1,5°C et 2°C reste encore flou même si chacun à son idée derrière la tête. Après, c’est le financement dans l’adaptation, c’est-à-dire, comment aider les pays en développement et les insulaires à faire déjà face aux risques et catastrophes en cours ? Là encore les 100 milliards de dollar US par an, constituant un plancher jusqu’en 2020 soulèvent plusieurs questions : aide additionnelle ? Qui débourse quoi ? En fiduciaire ? Le marché carbone ? Ne vous aux réponses à ces questions de certains techniciens qui eux-mêmes ne comprenant pas le système, l’enjeu financier qui sous-tend les changements climatiques dans l’économie globalisée mondiale. Ils ont des réponses à tout sans une véritable maîtrise des enjeux en tant que système. Il y a d’autres grandes questions non répondues dans ces accords qui chevauchent entre d’autres accords du même genre que personne ne comprend d’ailleurs.
Dans tous les cas, il faut toujours saisir les opportunités qui sont réelles à la COP21. Les avancés politiques permettront si les peuples et les Etats s’engagent d’inverser la courbe d’augmentation de la température globale moyenne mondiale. C’est l’affaire de tous pas seulement des Etats, mais aussi des communautés locales qui ont acquis des capacités de résilience multiséculaires souvent oubliées par les techniciens.
Quels sont les avantages et les inconvénients, de ce protocole d’accord sur le développement économique du Mali ?
Le Mali a des avantages sûrs à tirer de la COP21. D’abord, le Ministre et sa délégation ont bien vendu « le Fonds vert climat » qui est une nouveauté pour les pays africains. Le Mali est vraiment en avance, donc avec l’ensemble des acteurs, Etat, société civile, communautés, etc. et a l’avantage de renforcer ce fonds et mobiliser les ressources disponibles sans amalgame avec d’autres type d’aide au développement. Le fonds vert climat du Mali a été salué partout le monde à Paris malgré quelques interrogations. Le socle pour le Mali, pour faire face aux changements climatiques, est de maintenir son puits de carbone national sans retarder son industrialisation à travers la transformation des produits agricoles surtout à valeurs ajoutées captables par les acteurs. Pour les autres avantages , le Mali ne pourra que suivre les autres pays dans le respect des accords en donnant à l’AEDD (Agence de l’Environnement et de Développement durable) tout son pouvoir sans pour autant faire un repli technique ne tenant pas compte des autres aspects de l’économie (la culture, l’agriculture, etc.).
Cependant, je ne dirais pas des inconvénients, mais des défis sont posés au Mali comme à tous les autres pays d’Afrique :
- Comment utiliser efficacement les différents financements du « fonds vert climat » ;
- Comment concevoir et exécuter des projets d’adaptation sans tomber dans le saupoudrage inutile ;
- Comment intégrer les projets d’adaptation aux différents schémas d’aménagement du territoire dans une approche intégrée ;
- Comment mieux impliquer les collectivités locales surtout le niveau régional dans la conception et mise en œuvre des différents projets ;
- En réalité le grand défi c’est comment amorcer une véritable économie verte ou circulaire ;
- Quelle est la volonté politique réelle pour aller vers la mise en place d’une véritable économie transversale liée à la gestion environnementale en faisant de l’environnement une grande opportunité dans le développement industriel du Mali.
Mopti, constituée une zone inondée et exondée, où les populations ne vivent majoritairement que de l’agriculture, l’élevage, la pêche et l’artisanat, ne s’appauvrira-t-elle pas davantage avec l’application de ce protocole d’accord ?
Je vois qu’en tant que journal régional, vous êtes intéressés à savoir si votre chère région en tire des bénéfices ? Sans tomber dans un quelconque régionalisme, même si je suis originaire de Mopti, l’option de régionalisation adoptée par le Mali est la bonne voie qui permettra la mise en œuvre des grands programmes de développement régional axés sur la création de richesse à ce niveau. Tant qu’il n’existe pas un système de création de richesse à large spectre local, la dépendance aux financements extérieurs restera notre voie de progrès. Et cela est dommage !
Pour la région de Mopti , le grand défi reste comme indiqué par le président de la république au sommet de la COP21, le fleuve Niger qui est en danger à causes des effets néfastes des changements climatiques, mais aussi des initiatives des différents pays traversés par ce fleuve, cordon de vie des peuples riverains. Apres le fleuve comme vous l’avez indiqué, c’est la zone exondée, occupée par plusieurs cercles sinon la majorité. A cause des effets de changements climatiques, cette zone exondée est en voie de sombrer dans des conflits surtout fonciers et intercommunautaires où l’accroissement démographique n’est pas une opportunité de développement à travers l’utilisation de la jeunesse, mais un goulot d’étranglement avec son cortège d’exode rural. Dans cette zone l’insécurité alimentaire au sens générique du terme se manifeste par la malnutrition aigüe surtout des enfants de 0 à 5 ans et des femmes allaitantes. L’avenir semble s’assombrir malgré le génie créateur des populations dans des différents systèmes d’exploitation agricole. Si on détermine l’échelle d’incidence aux changements climatiques de 0 à 7, la région de Mopti se trouverait autour de 5 comme le classement en 5ème région.
Pour faire face à cette situation inquiétante dans une zone de transit vers le grand Nord du Mali, seuls des systèmes d’aménagement de territoire permettant un véritable plan de développement régional et local restent la voie la plus probable vers la construction d’une résilience durable. Plusieurs projets et programmes sont en cours ou ont été exécutés dans cette région, mais les impacts positifs de ces derniers restent encore très faibles, voire insignifiants, ne permettant pas d’inverser la courbe des effets négatifs des dérèglementations climatiques. Comment les régions seront couvertes par des initiatives nouvelles au-delà de l’approche projet ?
Quand on sait que les USA, L’Europe, et même certains pays d’Asie, pour se développer, ont détruit leurs forêts et ont sévèrement pollué l’atmosphère.
Pensez-vous qu’on peut se développer économiquement sans faire comme eux ?
Là vous touchez le vrai nœud du problème des changements climatiques. C’est là que la notion de responsabilité globale, mais « différenciée » intervient comme pour dire que les pays riches se sont mal enrichis et que les pays en développement ne doivent pas suivre ces modèles non soutenables. Mais le juridiquement contraignant de l’accord de Paris doit intervenir. A quel tribunal ? Quel mécanisme pour suivre tout ça ? Rien ! Les engagements politiques à la COP21 semblent révéler un autre type de vision du monde dont l’honneur et le sérieux des Etats Nations sont attendus. Il y a aussi la veille des sociétés civiles souvent très mal organisées, mais capables de faire de l’alerte précoce à travers le système de suivi intégré dans les résolutions de Paris.
La grande question qui reste à savoir, c’est les moyens de financements du développement par des énergies renouvelables dites propres, le transfert des technologies et le maintien des énergies fossiles. Je pense que les choix politiques doivent urgemment être orientés vers l’économie verte en tenant compte des équilibres environnementaux et de façon progressive. Il ne doit pas y avoir une imposition ou un complexe à cela, dans tous les cas, les peuples souverains des pays africains doivent prendre leur responsabilité dans le sens de faire face aux grands défis climatiques. L’Afrique se trouve dans un tournant décisif qu’elle ne doit pas rater cette fois-ci et des réflexions doivent être engagées partout dans les universités, au sein des gouvernements, dans les regroupements régionaux, dans les pouvoirs traditionnels, etc. en un mot une approche systémique capable de projeter la construction de l’Afrique.
Ne plus exploiter le pétrole, les ressources minières, la forêt, moyennant de l’argent est la solution selon les sociétés civiles. Pensez-vous que les Nations peuvent tenir ce choix ?
Effectivement ! Les énergies fossiles doivent être séquestrées dans le sol pour le moment en vue d’éviter de produire les gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Mais le pétrole gouverne le monde actuel, la grande production de ce liquide a fait la révolution industrielle, la révolution verte, etc. mais comment amorcer ce tournant même si les grands producteurs et utilisateurs de pétrole ont entendu le message du monde à la COP21 et commencent à accepter les changements à opérer. Cependant, la recherche technologique tarde à offrir des réponses durables aux entreprises internationales. C’est la grande problématique posée.
Et si c’était la solution pour freiner les pays africains dans leur développement, c'est-à-dire, la suite logique de la colonisation ?
Oui, le complot semble être partout mais celui-ci concerne tout le monde, le changement climatique touche tous les peuples et nul ne peut se targuer d’être épargné. Cependant, un véritable équilibre doit être recherché dans le transfert des technologies et dans les types de consommation en retournant vers la nature dans une approche d’équilibre Eco systémique. Il ne s’agit pas de freiner les pays africains, et même si c’est le cas, les autres ne seront pas épargnés des conséquences du non développement des pays africains avec son cortège de réfugiés climatiques et de conflits. Il s’agit du destin de la planète, un défi mondial.
Comment faire comprendre ces engagements aux paysans de nos villages ?
Contrairement aux idées reçues, les paysans sont souvent en avance sur les autres acteurs dits scientifiques. Les communautés rurales ont construit des résiliences depuis des siècles en vue de faire face aux risques et catastrophes liés aux changements climatiques. D’ailleurs, c’est aux paysans d’expliquer aux autres les effets des changements climatiques, car c’est eux qui produisent la nourriture du Monde, c’est eux qui habitent dans les milieux les plus reculés, dans les eaux. Halte aux idées reçues et faisons appel aux communautés rurales dépositaires des connaissances historiques et du savoir-faire pratique. C’est à cela que l’approche systémique sera utile dans la conception et le développement des stratégies nouvelles si on veut encore rester très longtemps sur la planète terre.
La COP21 a donné son fruit. Et après, que faut-il faire, en vue de la COP22 ?
La COP22 doit d’être la COP21 bis. Je pense ce sera ainsi dans la mesure où elle se tiendra au Maroc, l’autre France. Ça sera l’occasion d’approfondir les contenus de l’accord de la cop21 et de mettre en place un vrai mécanisme de suivi des engagements pris en lien avec le protocole de Kyoto en vigueur jusqu’à 2020 avec la passerelle de Doha. C’est aussi l’occasion pour les pays africains de rester une seule et unique Afrique des résiliences en renforçant la cohésion dans la démarche des négociations. Les chefs d’Etat doivent d’ores et déjà engager leurs gouvernements dans le sens d’anticipation face aux multinationales qui adhèrent à la démarche sans une très grande conviction. Que la solidarité mondiale prévale !
Quel appel avez-vous à l’adresse de la population ?
Je demande à la population de s’intéresser à ces concepts sur les changements climatiques souvent trop manipulés par les « experts », au lieu de subir. je lui demande également d’agir et de prévenir. Elle doit avoir confiance en elle sans complexe aucune.

Entretien réalisé par Alfousseini Togo
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