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Entretien avec Dr Ibrahim Togola, Président de l’ONG Mali Folkecenter : «Avec les énergies renouvelables, le Mali peut devenir exportateur net d’énergie»
Publié le lundi 11 janvier 2016  |  Le 22 Septembre




Docteur en technologie solaire, Docteur ès sciences, promoteur de la société Power Solar et Président de l’ONG Mali Folkecenter, du Réseau Climat et des opérateurs du secteur de l’électrification rurale au Mali, Dr Ibrahim Togola a bien voulu nous accorder cet entretien exclusif, dans lequel il évoque la COP 21 et les enjeux des énergies renouvelables.
M. Togola pouvez-vous vous présenter, tout d’abord, à nos lecteurs ?
Je suis le Dr Ibrahim Togola. Je suis le Président de l’ONG Mali Folkecenter, Président du Réseau Climat et Président des opérateurs privés du secteur de l’électrification rurale au Mali.
Quels sont les principaux enseignements que vous tirez de la COP 21 à laquelle vous avez récemment participé à Paris?
Nous pouvons dire que l’Accord de Paris est une grande satisfaction pour toute l’humanité et les acteurs qui sont aujourd’hui préoccupés par l’avenir de notre planète. A l’ouverture de la COP 21, il y avait 150 chefs d’Etat et de gouvernement. C’est un record absolu. Il y avait plus de 30 000 participants, venus du monde entier et plus de 20 000 délégués de différents gouvernements.
Vous avez aussi un consensus global de 195 Etats sur l’engagement détaillé, qui est contraignant. Cela montre que l’humanité entière est consciente du fait qu’il faut faire quelque chose pour le climat, quelque chose de très fort, de très symbolique, pour préserver ce que nous avons de plus cher, notre mère planète Terre, qui est le toit commun à nous tous, dans la mesure où il n’y a pas de terre de substitution.
Nous n’avons que cette planète, que le bon Dieu nous a donnée et qui est un héritage. Bien sûr, on peut toujours faire mieux, mais il faut un début. II faut dire aussi que les préoccupations de l’Afrique ont été prises en compte. Nous avons un fonds d’adaptation, nous avons un fonds pour les questions de transfert de technologies et nous avons une prise de conscience totale pour la promotion des énergies renouvelables.
Les petits pays ont été entendus. Maintenant, quels sont les dispositifs que les uns et les autres vont mettre en place au niveau interne pour tirer le maximum de bénéfices de ce grand Accord de Paris, tel est l’enjeu.
Quel est le montant du fonds d’adaptation?
Les pays industrialisés se sont mis d’accord pour mettre en place un fonds de 100 milliards de dollars chaque année, pour financer les actions liées à l’augmentation de la résilience dans les pays les moins avancés.
Pour l’Afrique seulement ou pour tout le monde?
Pour tous les pays en voie de développement, qui sont les pays les plus vulnérables. Entre autres, l’Afrique, le plus grand bénéficiaire. C’est à nous maintenant de concevoir des projets bancables, de créer des alliances innovantes, des partenariats gagnant - gagnant et un environnement attrayant.
Il nous revient que vous êtes partenaires dans la réalisation de la centrale solaire de 33 MW de Ségou. Pouvez-vous nous en dire plus?
Je dirais que je suis plus que partenaire dans la centrale de Ségou: je suis l’initiateur du projet. En matière d’énergies renouvelables je dois, tout d’abord, rappeler que le Mali, dans l’histoire, a été le premier pays à créer un Laboratoire d’énergie solaire, en 1964, bien avant beaucoup de pays industrialisés.
Le Mali a eu aussi, par le passé, la plus grande centrale solaire du monde, une centrale solaire thermodynamique, à Diré en 1968. En tant que jeune du lycée de Badala, j’ai été frappé par l’ouverture du CRES (Centre Régional d’Energie Solaire, dont on était tous très fier. A la fin de mes études, à mon retour au pays, en 1998, au vu de tout cela, je me suis dit qu’on devait faire quelque chose. Je me suis spécialisé dans les énergies renouvelables, particulièrement l’énergie solaire. Ce qui m’a amené à sceller un partenariat stratégique avec l’un des leaders dans le monde en matière d’énergie solaire, SCATEC SOLAR, le plus grand producteur indépendant d’énergie solaire en Afrique, une société norvégienne.
Ensemble, on s’est lancé dans cette aventure. Nous avons été rejoints par la Société Financière Internationale (SFI) du Groupe de la Banque Mondiale. Ce qui a donné naissance à la centrale de Ségou. C’est aujourd’hui la plus grande centrale en Afrique de l’Ouest, avec à la clé un investissement important, 33 milliards de FCFA et une capacité de 33 MW.
Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, nous a fait l’honneur de poser la première pierre de cette infrastructure stratégique, le 11 décembre 2015, lors de son périple récent dans la quatrième région. Je suis à la base de ce projet, qui va redonner à notre pays son éclat et son leadership dans le secteur des énergies renouvelables.
Combien d’emplois ce projet va-t-il créer?
Durant la phase de construction, nous allons avoir 200 emplois et durant la phase d’opération, nous allons avoir une cinquantaine d’emplois permanents. Mais le plus important n’est pas le nombre d’emplois. La centrale permettra à la société Energie du Mali d’économiser des milliards de FCFA en substitution des combustibles fossiles et de contribuer aussi à la sécurité énergétique du Mali.
La centrale fournira 57 Gwh par an, qui correspondent à peu près à la consommation de 60 000 foyers maliens en permanence. Ce qui est également très important.
De quel potentiel jouit le Mali en matière d’énergies renouvelables?
On peut affirmer que le Mali est un scandale en matière de potentiel en énergies renouvelables. C’est un pays qui est béni par les deux plus grands fleuves de l’Afrique de l’Ouest, le fleuve Niger et le fleuve Sénégal. C’est un pays agro – sylvo – pastoral, avec un énormément de cultures, de résidus agricoles et de résidus d’élevage.
Sans compter l’important potentiel hydraulique des deux fleuves. Donc agriculture, élevage, potentiel de biomasse immense, à travers ces deux cours d’eau, pays bien arrosé par le vent au nord et dans la partie ouest du pays, soit les régions de Mopti, Tombouctou et Kidal et la bande sahélienne dans les régions de Kayes et de Koulikoro pour les grandes et petites éoliennes. Et le soleil sur l’ensemble du territoire national.
Face à ce constat, je dirais que nous avons un potentiel énorme, qui, combiné, peut satisfaire non seulement l’ensemble des besoins énergétiques du pays mais même permettre au Mali, d’importateur, de devenir exportateur net d’énergies. Ségou montre qu’il y a une volonté politique dans ce sens.
D’autres localités sont bien placées dans le pipeline, comme Kati, Kita, Sikasso et Koutiala. Il y a une volonté manifeste de développer ce potentiel. Il s’agit maintenant de créer un environnement attrayant, en facilitant et en offrant aux investisseurs nationaux et étrangers davantage de garanties pour venir dans ce secteur.
Quels sont vos projets à court, moyen et long termes?
S’agissant des projets, il y a évidemment Ségou qui est là. Nous développons d’autres projets solaires au Mali et dans la sous-région, et même au-delà, comme en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Burkina et au Bénin, en Ouganda.
Nous travaillons actuellement dans ces pays pour développer des projets qui sont très avancés. Nous travaillons pour développer également des projets éoliens au Mali, surtout dans la partie nord du pays. Nous sommes sur le projet des déchets, la transformation des déchets urbains, des déchets solides, c’est-à-dire des ordures, pour assainir la ville de Bamako et produire des énergies propres à partir des déchets…
Cela fait rêver…
S’il plait à Dieu, cela sera bientôt une réalité, car nous y travaillons activement…
Quels sont vos partenaires?
Nous travaillons avec des partenaires comme la Banque Mondiale, la Société Financière Internationale, nos partenaires norvégiens, le Danemark, des partenaires asiatiques et les Etats-Unis d’Amérique…
Interview réalisée par Yaya Sidibé
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