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Chronique satirique : La stratégie des imams
Publié le mercredi 13 janvier 2016  |  Le Procès Verbal
Atelier
© aBamako.com par FS
Atelier de validation du rapport sur l`employabilité des diplômés et formés en langue arabe
Le CICB a abrité le Jeudi 27 Août 2015, l`Atelier de validation du rapport sur l`employabilité des diplômés et formés en langue arabe. Photo: Mahamoud Dicko




Nul besoin d'être docteur en théologie comme Youssef Al-Qardawi pour comprendre que l'islam et la démocratie ne sont pas compatibles. Le premier proclame la souveraineté de Dieu, la seconde celle du peuple. Le premier repose sur les lois divines, la seconde sur les lois humaines. L'islam exige que l'Etat se soumette au Coran et à la "Sounnah" (voie prophétique) alors que la démocratie impose la laïcité, séparation de l'Etat et de la religion. Enfin, l'islam interdit le commerce de l'alcool et les jeux de hasard, tandis qu'ils sont autorisés par la démocratie au nom de la liberté d'entreprise. Sans parler de l'inégalité hommes-femmes instituée par l'islam (notamment en matière de témoignage et d'héritage), alors qu'en démocratie, tous les citoyens sont réputés égaux en droits et en devoirs. Du coup, ceux qui racontent qu'islam et démocratie vont de pair sont des bonimenteurs de classe exceptionnelle.
Créé pour promouvoir l'islam, le Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM) aurait dû, en toute logique, se battre pour l'avènement d'une République islamique. Mais on se rend compte, à l'usage, que les ambitions du HCIM se limitent à assurer à ses leaders la célébrité et les trois repas quotidiens. Loin de combattre le système démocratique en vigueur, le HCIM a même délégué son secrétaire général, Mamadou Diamounténé, à la tête de la CENI. Quelqu'un pourrait-il me citer un verset ou un hadith autorisant un soldat de Dieu à superviser la mise en place d'autorités et d'institutions laïques ?
En fait, l'exemple de Diamounténé tire au clair une réalité: plutôt que d'exiger une République islamique, le regroupement islamo-politique qu'est le HCIM veut domestiquer la République démocratique. Le tout, bien entendu, avec la bienveillante assistance des hommes politiques trop contents de ne pas rivaliser, dans les urnes, avec des adversaires si coriaces. Résultat: un vaste marché de dupes où les politiciens croient se servir sur le dos des imams alors que les imams pensent traire les politiciens comme des vaches laitières.
Ladji Bourama en sait quelque chose. Pour se faire élire, il a récité à la télé un bon tiers du Coran tout en faisant de l'expression "Inch Allah" ("S'il plaît à Dieu") son refrain. Toujours prompt à envoyer des boeufs et du poisson aux organisateurs du "Maouloud" (c'est le prêcheur Haidara qui trahit le secret), Ladji ne comptait parmi ses amis que des imams et des muezzins tels que le Chérif de Nioro, Mahmoud Dicko et Moussa Bah, président de l'association islamique "Sabati 2012". Et son programme, intitulé "Mali d'abord, inch Allah", porte, comme on le voit, la bénédiction divine. Au bout du compte, voilà Ladji élu avec 77% des suffrages aux dépens des "hassidis"...
Bien décidé à imiter son cher aîné, l'ancien Premier Ministre Moussa Mara ne quitte plus les mosquées. Lundi, il fait la prière de l'aube à la mosquée du Badialan. Mardi, il répète l'exercice à la mosquée de Banconi. Mercredi et jeudi, il prie à Hamdallaye. Vendredi et samedi, il rencontre l'imamat. Dimanche, il lit ostensiblement le Coran au pas de sa porte. Il ne lui reste plus qu'à ouvrir une medersa, ce qui, inch Allah, lui vaudra des subventions saoudiennes et, à l'horizon 2018, des suffrages à la pelle !
Aujourd'hui, on surprend Soumaila Cissé, le chef de file de l'opposition, à rappeler que "la politique doit rester dans sa loge et la religion dans sa loge". Fort bien! Mais pourquoi a-t-il cru nécessaire, pendant la campagne électorale de 2013, de réciter la sourate "Al-Fatiya" à la télévision ? A moins qu'à l'époque, le grand candidat laïc n'ait confondu Coran et Code électoral...
La stratégie des dignitaires religieux est simple comme bonjour: ils veulent récolter les doux avantages du pouvoir sans en assumer les rudes contraintes. Se sachant craints comme la peste, ils ne manquent donc aucune occasion de sortir leurs muscles et de rouler de gros yeux. Histoire d'intimider un Etat déjà réduit en plâtre par les coups de bâton des bandits enturbannés.
Ainsi, bien qu'il ait souvent répété, le doigt sévèrement pointé au ciel, qu'on ne le trimbale pas et qu'il n'agit pas le couteau sous la gorge, Ladji Bourama oublie cette belle profession de foi dès qu'il a affaire aux leaders du HCIM. Messieurs les imams n'ont qu'à claquer du doigt pour lui arracher tout ce qu'ils veulent. Pourtant, ils ne parlent pas le latin-grec ni ne conjuguent les verbes au subjonctif ! Le festival de trimbalage du pauvre Ladji est initié par Mahmoud Dicko, président du HCIM, et son ami Moussa Bah, patron de "Sabati 2012". Voyant que depuis 2013, ils n'étaient plus consultés en haut lieu, les compères provoquent un meeting.
Devant des centaines de fidèles musulmans, ils descendent Ladji dans les flammes. A les en croire, celui qu'ils ont fait monter à Koulouba n'aurait rien fait de bon depuis son élection. "Je reste l'ami d'IBK, mais je ne sacrifierai pour lui ni ma patrie, ni ma religion!", martèle Dicko. Quelques heures après cette diatribe, les deux imams sont reçus à la résidence présidentielle de Sébénicoro avec, au menu, force salamalecs et gigots de mouton. Il ne restait plus qu'à leur masser les pieds avec du miel et de l'eau de jasmin!
Le spectacle n'a pas, bien sûr, échappé à l'attention d'un autre dignitaire religieux: Chérif Ousmane Madani Haidara, Guide de l'association islamique Ançardine. Ce brillant orateur, qui révendique un million de disciples dûment munis de cartes d'électeurs Nina (rien que ça !), ruminait une colère noire depuis que Ladji Bourama avait refusé de le recevoir pour qu'il intercède en faveur du GATIA, cette milice d'autodéfense qui refusait de quitter Ménaka malgré les injonctions de la Minusma.
Haidara ne digérait pas non plus que Ladji Bourama, depuis son élection, n'ait pas mis le pied au stade du 26 mars pour participer aux festivités du "Maouloud" organisées, chaque année, par Ançardine. Pour ne rien arranger, Haidara a vu une provocation dans le décret d'état d'urgence que Ladji Bourama a signé la veille du "Maouloud" 2015. Eh bien! Non seulement Haidara a mobilisé ses foules au mépris de l'état d'urgence, mais en outre, il a déclaré devant quelque 80. 000 fidèles: "Nul ne peut nous intimider ! Le "Maouloud" ne cessera d'être célébré au Mali que lorsque les hommes de foi cesseront d'y vivre.
Or, des hommes de foi, il y en aura toujours au Mali!". Au lendemain du "Maouloud", le prêcheur confie aux journalistes invités à son domicile: "Le jour où un président de la République tentera d'interdire le "Maouloud", Dieu l'évincera immédiatement de son poste !". Et de promettre: "Je jure au nom d'Allah que nous installerons un imam au pouvoir!". Dans les heures suivantes, Haidara est triomphalement reçu à Koulouba. A sa sortie d'audience avec Ladji Bourama, il annonce que la paix est revenue et qu'il renonce à son projet de porter un imam au pouvoir. Qu'a fait Ladji Bourama pour mériter ce pardon précoce ? On le saura peut-être un jour, inch Allah !
C'est désormais un article semi-constitutionnel: quiconque veut prospérer sous nos tropiques doit rechercher, au préalable, les bonnes grâces des leaders religieux. Avis aux ministres, sous-ministres et hauts fonctionnaires qui souhaitent faire de vieux os à leurs postes. Avis aussi aux nomades politiques qui, depuis trois ans, attendent vainement un coup d'oeil (ou de main) de Ladji Bourama.
A l'intention de tous les usagers politico-administratifs, un petit conseil pratique: en rendant votre visite de courtoisie, privilégiez, s'il vous plaît, les imams qui savent mobiliser les foules au point de menacer le gâteau du grand chef. N'écoutez surtout pas les rêveurs qui s'accrochent aux vieilles théories de laïcité et autres blagues du genre: ces gens-là n'ont rien compris à la démocratie made in Mali.
Un bon démocrate est d'abord celui qui arrive à manger trois fois par jour. Et pour y arriver, il faut prendre ses ordres à la mosquée. Ne laissez donc nulle place, pardon!, nulle mosquée où la main ne passe et repasse ! Pour avoir oublié ce sage conseil, un personnage aussi puissant que le procureur général Daniel Tessougué ne vient-il pas d'être prématurément renvoyé à ses plantations de tomates?
Tiékorobani
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