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Treta/IBK : Une autre intelligence de la rupture en cours
Publié le lundi 25 janvier 2016  |  Le Prétoire
Lancement
© aBamako.com par Androuicha
Lancement du Programme National d`Empoissonnement des Plans et Retenues d`Eau au Mali.
Kolongo, cercle de Markala dans la région de Ségou, le 08 décembre 2015. Dans le cadre des activités marquant sa visite effectuée en 4è région, le président Ibrahim Boubacar KEITA a procédé au lancement du Programme National d`Empoissonnement des Plans et Retenues d`Eau au Mali.




Au lendemain de la sortie de Tréta du gouvernement, dans la presse, les bureaux, les couloirs, les grins, les rues et parfois même dans les lieux de prière, les commentaires vont bon train. Beaucoup se contente de trancher en faveur ou contre l’une ou l’autre des parties en conflit sans que ce jugement ne soit nourri d’intelligence véritable de la politique.

D’abord, il faut commencer par relever et mettre au clair un amalgame auquel beaucoup n’a pas échappé. Nombreux, parmi les commentaires de nos compatriotes, sont ceux qui laissent entendre que la crise oppose le RPM et IBK comme si celui-ci a cessé d’y faire partie. Or pour qu’on puisse dire que la crise oppose IBK au parti, non seulement, il faudrait que celui-ci cesse d’y faire partie, mais encore et surtout qu’il puisse être possible d’ériger le RPM en un corps compact, exempt de toute division interne sans oublier que depuis l’élection de celui que l’on appelle affectueusement IBK, le rang du RPM n’a pas cessé de se grossir et donc qu’il soit possible de ramener le parti à Tréta. Ainsi, il n’est peut être pas exagéré de dire que l’ancien ministre du développement rural a pris trop au sérieux son rôle en s’estimant être celui à qui le RPM devrait revenir naturellement à l’absence d’IBK parce qu’appelé à exercer la fonction de premier magistrat. Avec toute son expérience du parti, de l’homme IBK et du pouvoir, il devrait comprendre que celui-ci a toujours été et reste le seul maître non seulement du pouvoir mais aussi du parti pour la simple raison que dans toute l’histoire de notre pays voire de l’Afrique, le parti a toujours été la chose de celui qui est au pouvoir. Il devrait se souvenir non seulement du cas de l’ancien ministre de l’Education nationale, feu Mamadou Lamine TRAORE, mais encore et surtout de celui du président lui-même. Malheureusement, il s’est cru investi d’une puissance indéboulonnable en croyant avoir reçu à faire partir les Premiers ministres Oumar Tatam Ly et Moussa Mara. À notre avis, comprendre les choses de cette manière relèverait d’une grosse erreur. Pour commencer, au fond, il convient de rappeler juste que le Premier ministre Ly n’a pas été limogé, mais il a démissionné parce que trouvant qu’il ne pouvait pas continuer à travailler avec un président qui, de toute évidence, a pris cause et effet pour ses proches contre son PM. Quant à Mara, il est vrai qu’il a été limogé, mais il ne l’a pas été sous la pression du RPM. Il a été remercié par le président juste dans le but de redorer son blason auprès de la communauté internationale remontée contre lui pour sa gestion du dossier de Kidal à travers la mésaventure de son PM. On ne nie pas le fait que les Premiers ministres Ly et Mara n’aient reçu aucune pression de la part du parti. Non plus, on ne remet pas en cause l’existence du projet de Tréta visant à se faire nommer PM, mais au regard de ce que tout le monde sait de l’homme du président, il est difficile de croire, contrairement à ce que laisse entendre la plupart des commentaires, que les deux premiers PM soient partis du gouvernement à cause des pressions exercées par Tréta ou même par le RPM. IBK est-il du genre à céder à n’importe quelle pression surtout à celle venant de son propre parti ou d’un homme ? En tout cas, il est su être un homme de défi et donc celui qui s’assume lorsqu’il est appelé à faire face aux hommes et à l’histoire.

Faudrait-il le rappeler à Tréta que déjà, des proches du président et pas n’importe lesquels mijoteraient dans les couloirs du siège des campagnes présidentielles la faible participation du RPM pour ne pas dire des autres responsables du RPM dont au premier chef Tréta aux efforts de campagnes de l’élection du président. Aussi, au lendemain de son élection, IBK n’a-t-il eu cesse de rappeler à qui veut l’entendre qu’il ne doit sa victoire à aucun parti politique même pas au RPM. Au fond, son message n’était pas de dire que le parti a cessé d’être le sien, mais plutôt qu’il voulait être libre de tous les partis y compris du RPM. Pour le dire autrement, il voulait dire que son propre parti et tous les autres sont à lui sans qu’il ne soit lui au retour à aucun d’entre eux. Que Tréta ou autres militants du RPM aient l’ambition de devenir PM voire qu’ils envisagent de devenir président n’est pas en soi un crime. Au regard des principes et des lois en la matière, il est même plus juste de dire que de telles ambitions sont légitimes et légales. Cependant, aller jusqu’à chercher à tordre la main à son président à travers l’organisation de la marche revendiquant le poste de Premier ministre relève tout aussi purement et simplement, de la part de Tréta, de la provocation.



Au regard de ce qui précède, il est possible de dire que la sortie de Tréta du gouvernement relève de la trahison. Mais il convient de discuter ce jugement qui entre Tréta et IBK a trahi ? Il est relayé que ce sont Abdourhamane Sylla et Tréta qui ont mis IBK à la tête du RPM après être partis le chercher de son exil ivoirien au lendemain de son bras de fer avec le président Alpha Omar KONARE. Pour cette raison, il est dit que IBK ne doit ménager aucun effort pour que Tréta soit son PM. En le lui refusant, pire en le chassant purement et simplement du gouvernement, selon une lecture superficielle et moralisante, on est tenté de toute évidence de souscrire à la thèse de la trahison. Cependant, selon une analyse plus lucide des choses, il nous est possible de se faire une toute autre idée. Qu’il soit même vrai que ce soient Tréta et Sylla qui aient travaillé à porter IBK à la tête du RPM, après qu’ils soient tous partis du parti de l’abeille, cela n’oblige pas IBK à se soumettre à Tréta. IBK peut tout aussi dire qu’il en a été ainsi parce qu’il le méritait plus que tous les autres. Et il est en droit de dire que si Tréta l’a choisi parmi les autres prétendants du même poste, c’est bien en raison de ses qualités personnelles et non parce qu’il est simplement IBK. Mieux encore, il peut dire que si ses amis se sentaient eux-mêmes capables d’assumer le poste à la même hauteur que lui, ils se seraient choisis eux-mêmes. C’est pour dire qu’en politique, il n’y a pas plus bête que celui qui pense qu’elle est fondée sur le sentiment. Ce qui laisse entendre également que le bon acteur politique n’est pas celui qui travaille à partir du registre de la morale, mais plutôt celui de la raison parce qu’elle est le lieu où se jouent des intérêts et rien d’autre. Et partout où on a affaire à des intérêts, il convient de jouer à la comédie et donc ne pas prendre son rôle trop au sérieux comme Tréta l’a fait. Ce qui revient à dire que la politique est un domaine où on s’essaye et donc un lieu où on se dédouble comme le comédien le fait sur la scène. Tout comme le bon comédien est celui qui sait jouer son rôle en le dissociant de son être, le bon acteur politique est aussi celui qui sait séparer sa fonction de sa personnalité.

C’est donc une mauvaise lecture que de dire du président qu’il a trahi voire sacrifié Tréta au profit du PM Modibo KEITA. En choisissant ce dernier, IBK n’a aucun sentiment. Il a simplement choisi celui qui fait aujourd’hui son affaire. On peut bien aimer un ami, mais même dans la vie courante, il est difficile de le choisir contre soi-même surtout quant on voit que chacun se bat pour le pouvoir. Ceux qui crient à la trahison pourquoi ils ne le voient que du côté du président ? Ce jugement paraît assez amateur. N’est-il pas possible également de dire que la trahison est du côté de Tréta ? Quand on fait confiance à quelqu’un, il faut la lui accorder dans toutes ses décisions y compris celles que l’on estime être contre vous.

Donc, de part et d’autre, il est possible de dire que chacun des deux hommes a trahi ou a été trahi. Trahison ou pas, la vérité est que chacun lutte pour le pouvoir. Tréta lutte pour être président de la République, tandis que IBK travaille à ne pas perdre son fauteuil. Pour conserver son pouvoir, IBK ne se fait aucune illusion. Il sait que le départ de Modibo KEITA lui créera plus de problèmes qu’il ne lui apportera de solutions. Nommer le PM au sein de son parti constitue un choix politique inopportun qui va travailler dans le contexte où le pays se trouve, à exposer le parti aux luttes intestines, luttes qui visent à arracher du président le poste de Premier ministre et implicitement à se préparer pour la présidence. On peut donc dire en dernière analyse que la nomination d’un Premier ministre RPM débouche inéluctablement sur une guerre de succession. Au regard de la pratique de la démocratie libérale qui proclame que le poste de Premier ministre revient de droit au parti qui gagne les élections, c’est une obligation pour le président de nommer le Premier ministre à l’intérieur de sa famille politique. Cependant, le contexte socio-politique du pays est tel qu’il a besoin d’un Premier ministre non coloré comme Modibo KEITA, capable de lui apporter l’intelligence nécessaire pour rassurer les partenaires tant de l’extérieur que de l’intérieur. Dans le contexte où nous sommes, il a besoin d’un Premier ministre qui a toutes les qualités qui inspirent le respect et la légitimité dont un chef de gouvernement a besoin pour accomplir ses missions. Au fond, IBK se cherche et donc il ne supporte ni ne combat personne, ou plutôt il ne combat que ceux qui se mettent en travers de son pouvoir et supporte ceux qui font son affaire.

Bakabigny KEITA

Professeur de philosophie politique
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