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Art et Culture

Le Mali résiste en musique
Publié le mardi 2 fevrier 2016  |  lecourrier.ch
Première
© aBamako.com par Androuicha
Première édition du Festival Acoustik de Bamako (FAB)
Bamako, le 23 janvier 2016 à l`hôtel Onomo. L`artiste musicien de la musique malienne, Toumani Diabaté a animé un point de presse pour présenter la 1ère édition du Festival Acoustik de Bamako (FAB) qui se tiendra du 27 au 30 janvier 2016 à Bamako.




Cohabitation pacifique des cultures contre diabolisation. A Genève, les Ateliers d’ethnomusicologie rendent hommage au Mali.


La grande différence entre les attentats terroristes commis en Afrique et ceux commis aux Etats-Unis ou en Europe est que les premiers ont immédiatement pour effet de placer le pays touché dans une sorte de quarantaine internationale. La distance, le fait que les Occidentaux sont des cibles privilégiées, et peut-être cette vieille peur de l’inconnu, ont pour conséquence la diabolisation et l’isolation de la région, avec les conséquences économiques qui s’ensuivent.

«Le week-end dernier, Salif Keita jouait au Radisson Blu ­(hôtel ciblé par une attaque le 20 novembre dernier, ndlr) à l’occasion du mariage de la fille de l’ex-président par intérim Dioncounda Traoré, explique Paul Chandler, citoyen étasunien, joint à Bamako où il vit depuis plus de dix ans. Bien sûr les mesures de sécurité étaient renforcées, mais les gens s’adaptent à cette nouvelle réalité. Ils sont peut-être même plus conscients qu’il faut continuer à avoir des activités culturelles et ne pas céder à la peur.»

Au cœur du royaume des chasseurs

Le week-end prochain, le «Festival sur le Niger» de Ségou a ainsi décidé de maintenir son édition 2016, même si les concerts sur la grande scène du fleuve ont été exceptionnellement suspendus. C’est en cette même fin de semaine que les Ateliers d’ethnomusicologie proposent à Genève leur cycle Ô Mali. Avec entre autres l’hommage à Ali Farka Touré orchestré par ses fidèles disciples Afel Bocoum et Mamadou Kelly (je 4 février au Sud des Alpes) et une prestation de la grande griotte bamakoise Mah Damba (sa 6 février à l’Alhambra).

L’un des clous de la manifestation sera sans conteste le spectacle de danse et de musique Wassoulou, qui met en scène une cérémonie des chasseurs du village de Nioguebougoula et alentours. Les cérémonies des chasseurs ne s’exportent habituellement pas. Ce sont des événements sociaux et locaux organisés par de vrais chasseurs jouant leur propre rôle à l’occasion d’un événement particulier. La plupart des artistes-danseurs présents à Genève n’avaient d’ailleurs même pas d’acte de naissance il y a encore un mois! Les chasseurs maliens sont issus d’une très ancienne confrérie régie par les rites et les règles d’une société secrète. Réputés pour leur courage et leur force, leur musique est construite autour des percussions et des harpes donso n’goni et kamele n’goni. Elle véhicule une incroyable sensation de puissance hypnotique. Visuellement, la chorégraphie des acteurs, coiffés de masques d’animaux ou symbolisant des personnages mythiques, n’est pas moins impressionnante.

Voir la galerie de photos du Ballet Wassoulou prises par Paul Chandler


Un pays «hybride»

A l’origine de ce spectacle, on retrouve Paul Chandler. Ce musicien et enseignant à l’école américaine de Bamako sillonne depuis plusieurs années le Mali pour immortaliser les riches traditions musicales de ses différentes régions et les présenter dans une série de mini-documentaires. Assemblées et augmentées d’autres images tirées de ses archives, ces séquences ont donné le métrage Musical Traditions of Mali, projeté en première partie de la soirée de vendredi à l’Alhambra. Le fil conducteur? «Le Mali est un pays incroyablement ­varié, mais dont les différentes parties sont connectées entre elles. Rien que du point de vue religieux, les musulmans cohabitent avec les chrétiens et les animistes, quand ils n’ont pas intégré certaines de leurs pratiques. Ce pays est un véritable hybride!»

La population du Mali étant constituée pour moitié de moins de 18 ans, et le rap y étant le style le plus en vogue actuellement, Paul Chandler tire également les liens de la tradition jusqu’au hip hop, d’inspiration traditionnelle ou non. «La nouvelle génération ne semble pas porter tout le bagage historique des aînés. Elle ne s’intéresse pas aux viellies histoires, mais veut juste vivre comme tout le monde, en paix.»

La tradition ou la mort

Afel Bocoum, un Peul et un Sonraï du Nord, comprend très bien la musique des chasseurs, car ceux-ci sont d’anciens Peuls émigrés au Sud du pays. «La musique au Mali est précieuse car elle permet l’intégration, souligne-t-il dans le film. Le Mali compte beaucoup de langues et d’ethnies différentes. Le Nord est au courant de ce qui se fait au Sud et vice versa.» La survie de la musique traditionnelle est donc un enjeu crucial. «Si elle meurt, c’est notre culture qui meurt et c’en sera fini du Mali. Il y a tant de pauvreté, et la mentalité des gens est tellement en train de changer, qu’ils sont entrain d’oublier notre musique et ce à quoi elle sert. En plus, les politiques cherchent à nous diviser.»

Raison supplémentaire de diriger ses pas vers l’Alhambra, cette fin de semaine. A noter que certains des spectacles du cycle Ô Mali sont également proposés au Manoir de ­Martigny et au Musée des Confluences de Lyon.



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