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Nord du Mali : Que cache l’entrée du Gatia à Kidal ?
Publié le jeudi 4 fevrier 2016  |  L’aube
MNLA
© Autre presse par DR
MNLA (Mouvement National pour la Libération de l`Azawad)




Si ce n’est du folklore ou une scène de chantage à l’endroit du gouvernement malien, c’est une mise en scène qu’il faut d’ores et déjà prendre très au sérieux. Ainsi, pourrait être interprétée l’entrée fracassante avant-hier à Kidal des combattants du Gatia (Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés). La nouvelle, qui s’annonçait pour déclencher une vaste explosion de joie des citoyens à l’échelle nationale, s’est finalement affaissée en une somme d’interrogations sans réponses quand il s’est avéré au fil des heures que les « envahisseurs » étaient, en réalité, les hôtes de leurs ex ennemis de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad). Que se passe-t-il ? A quoi jouent les groupes armés (rebelles et pro gouvernementaux) ? Où sont passées les forces Barkhane ? Et celles de la Minusma ? Le gouvernement malien était-il informé du fait ? Et l’avenir de Kidal ?
Mardi 2 février 2016, une colonne de plus de 50 véhicules, avec à bord des centaines de combattants du Gatia, est entrée dans la ville de Kidal. L’information relayée tôt le matin par une chaîne de radio étrangère a subitement suscité un (grand) espoir de nationalisme chez bon nombre de Maliens qui s’apprêtaient à prendre la rue pour saluer la reprise de Kidal comme ils avaient accueilli l’entrée de la Plateforme à Anéfis en août 2015.
Cette réaction était d’autant plus légitime que la Ville de Kidal, et au-delà la toute la 8è région, étaient (comme) sorties du giron de la République depuis la malencontreuse visite de l’ancien Premier ministre Moussa Mara dans la capitale de l’Adrar des Iforas le 17 mai 2014. Depuis, tous les représentants et les symboles de l’Etat, du Gouverneur au drapeau (ramenés à Kidal par les autorités de la Transition de Dioncounda Traoré) ont été chassés de la région de Kidal. Pire, une demi-douzaine d’administrateurs civils avaient été assassinés ce 17 mai là et l’armée malienne décimée le 21 mai 2014. C’est donc un réflexe purement patriotique qui impulsait la (grande) fête que les populations maliennes s’apprêtaient vivre.
Mais, coup de théâtre. Rapidement, cet immense espoir s’estompe au fil du recoupement de l’événement.
Se confiant à un confrère de la presse étrangère, Azaz Ag Loudag Dag, un porte-parole du Gatia, déclare : « ce déploiement d’une centaine de véhicules et d’environ un millier de personnes s’est fait avec le consentement de nos frères de la CMA ».
Plus tard, le député Hamada Ag Bibi, un membre de la CMA, jubile presque : « C’est vraiment la paix qui est en marche. Nos frères de la Plateforme sont avant tout des parents. Ils sont venus à Kidal avec bien sûr notre feu vert, même si leur entrée a un peu fait peur à certains». Soit. Mais, des témoins vont jusqu’à affirmer avoir vu des drapeaux de la CMA et du Gatia brandis ou hissés sur des véhicules et dans la ville.
Les mêmes sources laissent filtrer que le colonel El-Hadj Gamou, officier loyaliste, mais leader spirituel du Gatia, figure parmi les personnes entrées à Kidal.
Complot contre la République ?
Finalement, la vérité est tombée comme un coup de massue : les combattants de la Plateforme sont entrés à Kidal conformément au protocole d’entente signé le 16 octobre entre les belligérants de la guerre d’Anéfis. « Nous voulons aller plus loin dans le processus de paix. C’est pourquoi nous avons mis sur pied plusieurs commissions de travail pour aller de l’avant. Et nous allons bien sûr participer à la structure qui va gérer la ville (ndlr : de Kidal) pour une période transitoire », a confié Azaz Ag Loudag Dag, pour dissiper toute interprétation de leur « implantation » à Kidal.
Comment des groupes armés rivaux, voire même des ennemis jurés (la CMA et la Plateforme), ont-ils pu se retrouver si facilement ? Comment des groupes pro gouvernementaux (réunis au sein de la Plateforme du 14 juin 2014) depuis les pourparlers d’Alger jusqu’après la signature de l’Accord de paix ont-ils pu tourner le dos à l’Etat ? Y-a-t-il un complot contre la République en vue ? Moult interrogations demeurent.
Mais, le vin étant tiré, l’heure est aux enseignements à tirer et les cas de figure possibles à explorer quant à l’avenir de Kidal et même du nord.
Pour certains analystes de la vie politique au Mali, on s’achemine inéluctablement vers une Alliance touarègue globale. Cela veut dire quoi ? Les membres de la CMA (coalition qui regroupe le Hcua, le Mnla et le MAA), ayant déjà rangé le Gatia de leur côté, vont tenter d’attirer les sédentaires dans un mouvement global qui risque d’englober Tombouctou et Gao. Ils essayeront de convaincre ceux qu’ils n’obtiendront rien du gouvernement étant son allié. Ils prendront l’exemple sur eux-mêmes. Aujourd’hui, leurs chefs seraient aux petits soins de l’Etat étant logés dans les hôtels huppés de Bamako et se pavanant dans des bagnoles de luxe.
D’un autre côté, certes au sein du Gatia, il y a des hommes de bonne volonté, amis la plupart de ceux-ci se battent pour eux-mêmes.
Mieux, au fil du temps, et avec les erreurs du pouvoir, le Gatia semble avoir changé de cap. Le tournant de ce virage a été amorcé depuis la prise d’Anéfis en août 2015. Sur ce coup, le président IBK a publiquement désavoué le mouvement et invité la Plateforme à quitter la ville, aussitôt occupée par la CMA.
Dernière piste de la volte-face des alliés du gouvernement : ils ont superbement été ignorés dans le remaniement du 15 janvier 2015, alors qu’ils comptaient faire une entrée fracassante dans l’équipe de Modibo Kéïta.
Au-delà de toutes ces hypothèses, plusieurs autres interrogations taraudent les esprits des Maliens. Quel statut pour Kidal à présent ? Y-a-t-il une complicité de la France ? Et de la Minusma ? Quel sera le comportement du gouvernement face à cette situation ? L’Accord de paix prendra-t-il un coup dans cette nouvelle donne ? Les réponses à ces questions tomberont à compte-gouttes. Avec le temps.
Sékou Tamboura
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