Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aBamako.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Menace de grève illimitée de l’ORTM: chantage su l’Etat sur fond de connivence politique
Publié le mercredi 10 fevrier 2016  |  Info Matin
Conférence
© aBamako.com par FS
Conférence de presse d`avant match Stade malien-Etoile du Sahel
La conférence de presse avant le match Stade malien-Etoile du Sahel tenue au Stade Modibo Keita le Samedi 22 Août 2015. Photo Car ORTM




Après deux débrayages successifs (les 21 et 22 décembre et les 27-28 et 29 janvier derniers), le comité syndical de l’ORTM va-t-il épargner les Maliens d’une illimitée ? Rien n’est moins sur. Il n’y a pas deux sans trois, dit-on. Aussi, c’est en toute logique de défiance de l’État que le secrétaire général Abdourhamane Touré et ses alliés brandissent, depuis le spectre d’une nouvelle grève illimitée, totale et radicale avec écran noir. Notre décryptage.

Depuis la fin de la dernière grève, comme tout bon chef d’orchestre, le secrétaire général du comité syndical de l’ORTM, Abdourhamane Touré, est à la baguette multipliant, point de presse, interviews, rencontres iconoclastes (comme celle tenue au siège d’un parti de l’opposition) pour souffler le chaud et froid.
S’il se défend, de manière grossière et malhabile, de toute bravade contre l’État, le secrétaire général du comité syndical de l’ORTM convainc moins sur les mobiles qu’il agite pour justifier sa menace d’aller à une grève illimitée avec écran noir. Sur le différend avec l’État, le syndicaliste communicateur se montre d’une singulière dextérité à la manipulation quant à ses points de revendication. À le lire entre les lignes, on a l’impression, à première vue, que rien dans le paquet des 7 revendications (porté à 8 lors de la dernière grève) n’a été accepté. Pourtant, le secrétaire général du comité syndical de l’ORTM, lui-même, avoue dans les colonnes de notre confrère « Le Prétoire » que son syndicat avait approuvé la restructuration. On peut, dès lors, s’interroger sur la bonne foi de ces syndicalistes qui ont laissé passer un texte relatif à leur avenir pour ensuite protester contre son application.
Au-delà de la présence iconoclaste d’un syndicat en séance de travail au siège d’un parti politique, en raison du principe sacro-saint de l’apolitisme syndical, certains points de revendications, voire l’ensemble du cahier de doléances, jurent avec l’esprit républicain, en tout cas tacle deux autres principes sacro-saints de la République : la séparation des pouvoirs et l’égalité des citoyens devant la loi.

Les points de Revendication
Pour justifier les raisons de ce chantage sur l’État très affaibli par plusieurs années de crises multiformes, le leader syndical déroule une liste de huit points de revendications, contre sept lors de la première grève observée, il y a un peu plus d’un mois :

1. L’abrogation des lois portant sur la restructuration de ORTM ;
2. La ratification d’une loi portant sur la redevance audiovisuelle ;
3. Le retour de la régie publicitaire à l’ORTM ;
4. L’harmonisation du statut des entités à créer dans le cadre de restructuration de l’ORTM ;
5. La relecture de la loi 82-102 et son adoption ;
6. Le démarrage des travaux des grands projets, telle que la tour de l’ORTM (pose de la 1ère pierre le 21 septembre 2011) ;
7. L’indemnisation des agents de l’ORTM pour le préjudice subi lors du coup d’État du 22 mars 2012 ;
8. Mettre la communication parmi les priorités de l’État comme la Défense, l’Éducation, la Santé, l’Agriculture et la Sécurité.
Comme mesure d’accompagnement de ce huitième point, le comité syndical demande de remettre la subvention et le budget spécial d’investissement à leurs niveaux anciens.

S’il est vrai que l’État est une entité homogène et cohérente, le comité syndical de l’ORTM ne peut sans savoir (nul n’étant sensé ignorer la loi) que les pouvoirs sont et restent séparés dans une République. Aussi, quelles que soient les bonnes volontés et dispositions d’un gouvernement il ne peut abroger, relire, adopter une loi, ratifier une ordonnance.

1. L’abrogation des lois portant sur la restructuration de ORTM’’.
Même si on dispense le comité syndical de l’exigence en matière de procédure législative, il ne peut ignorer que l’abrogation d’une loi ne procède pas du seul bon vouloir du gouvernement. Et qui plus est pour une loi qui vient d’être votée par les députés seulement en novembre dernier. Imposer donc à l’État d’abroger cette loi avant juin 2016 n’est pas seulement du chantage, mais un braquage contre la République.
Au-delà du formalisme, on peut se demander ce que veut le syndicat, parce qu’abroger cette loi revient à mettre aux calendes grecques, la transition numérique, à faire de notre pays le seul au monde qui sera hors réseaux d’images, qui n’aura plus d’images, selon les spécialistes.

2. La ratification d’une loi portant sur la redevance audiovisuelle
La redevance étant une charge, quelle que soit la bonne volonté du gouvernement, en vertu de la Constitution, elle ne peut s’imposer aux citoyens maliens en l’absence d’une loi. Donc, même si le gouvernement le veut, il lui faut une loi pour satisfaire les desiderata du Comité syndical. Puisque ce n’est pas le gouvernement qui vote la loi, il lui faut suivre la procédure législative classique, en la matière.

3. Le retour de la régie publicitaire à l’ORTM
C’est le seul point légitime de paquet soumis au gouvernement qui pose le moins de problèmes. En effet, même s’il faut changer les textes créant l’AMAP, il faut reconnaître qu’il est temps de rendre à César ce qui est à César. Sur ce point, tout le monde est d’accord.

4. L’harmonisation du statut des entités à créer dans le cadre de restructuration de l’ORTM :
Le changement exigé quant aux statuts des deux sociétés est une gymnastique qui cache bien mal les dessous politiciens d’une contreperformance de la télévision dont la responsabilité ne peut incomber entièrement à l’État. Parce qu’être compétitif, ne dépend pas seulement des moyens financiers, mais aussi de la qualité et de l’intégrité des ressources humaines ; du sens du devoir et de l’excellence.
Jusqu’à la crise de 2012, l’État injectait 5 milliards dans sa télévision, aujourd’hui 3 milliards. Va-t-on lui demander de ne pas avoir de droit de regard sur un instrument dont l’importance stratégique n’échappe à personne ?
En le faisant, l’État n’est-il pas dans son bon droit comme le fait tout bon père de famille ?

5. La relecture de la loi 82-102 et son adoption.
Il s’agit, en fait, de la loi portant statut particulier des cadres de l’information et de la communication adoptée sous la deuxième République. Comme on peut aisément imaginer : en 1982, en l’absence de cadres formés dans le domaine de l’information et de la communication, cette loi a permis le rattachement de plusieurs catégories de fonctionnaires et de conventionnaires à ORTM : enseignants ; animateurs de jeunesse, d’art et de culture sortant de l’INA ainsi que des militaires.
Une bonne relecture de ce statut devrait, 30 ans après, normalement conduire à un nettoyage, au propre comme au figuré, des écuries d’Augias et permettre à la télévision nationale de faire sa mue avec une nouvelle génération, surtout bien formée et motivée.
Or, dans la revendication syndicale, il s’agirait simplement de légaliser une situation désuète, qui n’est à l’avantage, ni de l’excellence professionnelle et des exigences de l’ouverture affichée. Il y a bien évidemment de grandes compétences à l’ORTM, de grands professionnels. Mais est-ce ceux-là qui demandent aujourd’hui l’impossible à travers le Comité syndical ? On peut en douter.

6. Le démarrage des travaux des grands projets, telle que la tour de l’ORTM (pose de la 1ère pierre le 21 septembre 2011)
Ce n’est pas la Tour de Babel. Mais plus que tout autre le Comité syndical sait que la Tour de l’ORTM le ressemble à s’y méprendre. En effet, si ce n’est pas un mythe, c’est quand même une grosse mystification politique orchestrée par l’ancien régime pour donner des couleurs à son bilan. Le projet dont la première pierre a été posée par le président ATT ne repose, comme chacun le sait, sur rien. Il rentre dans le cadre d’une convention que l’ORTM a signé avec les Chinois : en contrepartie des émetteurs que la Chine souhaite installer sur la colline, route de Kati, elle construira une Tour pour l’ORTM. Dans son populisme imprudent, l’État-ATT s’est approprié le projet alors qu’il s’agit, à l’origine, d’un engagement de la partie chinoise.
L’État étant de continuité par essence, le syndicat peut être fondé à demander l’édification de la fameuse Tour tout en n’ignorant pas, en responsable, la situation d’assistanat dans laquelle se trouve aujourd’hui le pays. Par ailleurs, après 50 ans d’indépendance, si le Mali veut continuer à avoir une télévision d’État, le temps est venu d’avoir une ambition au-delà de Bozola et de se donner les moyens d’acquérir une télévision digne de ce nom où les mouches n’empêchent pas les journalistes de faire le JT de 20heures.
Sur la question, il semble que le gouvernement et le syndicat sont en phase.

7. L’indemnisation des agents de l’ORTM pour le préjudice subi lors du coup d’État du 22 mars 2012
Contrairement aux précédentes revendications, celle-ci pèche par son anti-constitutionnalité. En tant que des journalistes, nous sommes, par corporatisme, de plaider pour notre chapelle. Mais la République est une et indivisible, tous les citoyens y naissent libres et égaux en droits. Dès lors, la loi ne peut être discriminatoire entre des citoyens de même situation et de mêmes conditions. À moins que le comité syndical de l’ORTM estime ses victimes sont plus dignes de réparation que les autres fonctionnaires de l’État, les soldats maliens, les simples citoyens tués ou ayant subis des dommages lors coup d’État du 22 mars 2012… Si une loi d’indemnisation des victimes a été déjà votée par les députés. Demander l’application de cette loi est une chose, mais demander son application sélective (pour une catégorie de victime) en est une autre.

8. Mettre la communication parmi les priorités de l’État comme la Défense, l’Éducation, la Santé, l’Agriculture et la Sécurité.
De toutes les revendications, c’est bien celle-là, à notre avis, qui trime avec la politique. En demandant d’ériger la communication au rang des priorités de l’État, le Comité syndical n’outrepasse-t-il pas ses prérogatives syndicales et ne franchit-il pas le rubicond politique ? Si constitutionnellement, le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation, la fixation des priorités de l’État relève du domaine régalien du président de la République, chef de l’État, qui, sur la base d’un projet, a été mandaté pour ce faire par le peuple souverain (combinaison des articles 26, 29, 54 et 55 de la Constitution). Or, dans la pratique, les priorités de ce dernier sont soumises au peuple, à l’occasion de la présidentielle et constituent pour ce faire, un contrat entre le peuple et son élu. Aussi, à moins que le Comité syndical de l’ORTM ne se substitue à l’Élu du peuple, il ne peut vouloir ni prétendre changer l’ordre de priorité de l’État par le biais de revendications catégorielles.

En définitive, on peut, s’agissant des celles-ci, revenir sur la question largement commentée les semaines précédentes : s’agit-il d’exigences syndicales ou purement politiques ?
L’attitude de défiance du syndicat envers l’État qu’il estime faible à réagir et sa connivence avérée avec des mouvances politiques (il a tenu séance de travail au siège du Parena) ne peuvent que donner un arrière-fond politique à ses revendications.
Il est vrai que le syndicalisme malien, depuis mai 1990, a tourné la page de la participation responsable ; que depuis, la Constitution a consacré et garantie en son article 20 la liberté syndicale ; et qu’au Mali, « les syndicats exercent leurs activités sans contrainte et sans limites autres que celles prévues par la loi ». Si la Constitution en son article 21 énonce et garantit le droit de grève, elle l’encadre : « le droit de grève est garanti. Il s’exerce dans le cadre des lois et règlements en vigueur ». Donc, loin du chantage du Comité syndical à l’écran noir en période d’État d’urgence, la loi ne permet ni la licence ni l’intifada syndicale. Au contraire, elle dit que « la défense de la patrie est un devoir pour tout citoyen ».
Est-il du devoir du Comité syndical, au nom de la défense de leurs intérêts personnels, de priver les Maliens de source d’information en cette période d’état d’urgence ? Et si pendant leur grève illimitée, il se produit (que Dieu nous en éloigne) une attaque terroriste comme celle du Radisson ? Le seul moyen dont l’État dispose pour éviter le chaos ne serait-il pas national ? C’est pourquoi, à notre sens, cette menace de grève illimitée ressemble à un chantage sur fond de défiance politique, au pire, à un radicalisme qui ne doit pas prospérer.
Oui, il faut mettre les travailleurs de l’ORTM et tous les fonctionnaires maliens dans les conditions de dignité et leur permettre de relever le défi de l’excellence. Mais force doit rester à la loi et l’État se doit de sonner le tocsin des libertés non consacrées par les lois et les règlements. Il y va de son autorité et de la sécurité de tous.
Mohamed D. DIAWARA
Commentaires

Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment