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Art et Culture

Le conflit au Mali a renforcé les liens de Rokia Traoré avec son pays
Publié le vendredi 12 fevrier 2016  |  AFP
Rokia
© AFP par VALERY HACHE
Rokia Traoré




Paris, - Le conflit qui secoue le Mali depuis 2012, vécu par Rokia Traoré comme "un coup de tonnerre dans une vie jusqu'alors tranquille", n'a fait que renforcer les liens de la chanteuse avec son pays, où elle s'est ancrée encore plus solidement.

Son sixième disque, "Néo So" ("Chez soi"), publié vendredi, a été préparé à Bamako, dans la quiétude des jardins de sa fondation, Passerelle.

"Le temps de travail, l'atmosphère de travail, n'ont pas été les mêmes" que ceux des disques précédents, a-t-elle confié à l'AFP.

"Plus de temps, plus d'espace, plus de détente. C'est dans ces conditions là que l'album s'est fait", poursuit Rokia Traoré, de passage à Paris, où elle entamera le 25 février une petite tournée française.

Les compositions de "Néo So" ont lentement mûri, comme les mangues de l'arbre sous lequel Rokia Traoré chante et joue de la guitare, sur une photo illustrant le livret du disque.

Fruit de ce travail: des musiques aux grooves agiles, plus ancrées dans la tradition de l'Afrique de l'ouest que le précédent, même si la pulsation rock est toujours présente. "C'était voulu comme ça, garder une couleur rock, mais avec une identité africaine clairement plus marquée", note Rokia.

Une identité à laquelle contribuent plusieurs nouveaux musiciens venus de divers pays d'Afrique de l'ouest, parmi lesquels le bassiste Matthieu Nguessan, qui apporte une belle impulsion.

Ce disque a failli pourtant ne jamais voir le jour. Après le début du conflit en 2012, Rokia Traoré s'est réfugiée en Belgique, et s'est alors sérieusement posé la question de son avenir de musicienne.

"Mais, non, il ne s'agissait pas d'arrêter. Partir comme ça aurait été une blessure à vie. Je ne m'en serai jamais remise", confie Rokia Traoré, transbahutée dans son enfance entre le Mali, l'Arabie saoudite, la France, l'Algérie et la Belgique au gré des affectations de son père diplomate.

"Donc je suis restée au Mali. Je viens toujours (en Europe), mais tout est au Mali", explique cette femme, qui a créé en 2009 Passerelle, sa fondation dont le but est d'aider des musiciens ou plasticiens à réaliser leurs projets, qui va ouvrir bientôt une scène de plus de 1.000 places à Bamako.

- 'J'ai grandi' -

Ces épreuves ont fait grandir Rokia Traoré. "J'ai grandi. J'ai grandi d'une manière que je ne pensais pas possible parce que je croyais déjà que j'étais grande. Et ça m'a révélé à quel point j'étais jeune et naïve", dit-elle aujourd'hui.

C'est une Rokia Traoré plus mature qui s'attaque avec succès sur son nouveau disque à "Strange Fruit", une chanson immortalisée par Billie Holiday sur le thème du racisme.

"Né So", la chanson-titre de l'album, écrite en 2014 après une visite à des réfugiés maliens au Burkina et qui prend une résonance particulière aujourd'hui, aborde un autre sujet douloureux, celui des réfugiés.

"Chez moi" (traduction française de "Né So"), ça n'est pas seulement la maison, mais c'est l'endroit où on se réalise, où on élève ses enfants, où on a un passé, un futur, où on reçoit la famille", dit Rokia Traoré. "Le réfugié subit une perturbation dans ce qu'il y a de plus basique dans une vie humaine. On a tous tendance à protéger notre chez-soi. Imaginez qu'eux n'en ont plus",
souligne-t-elle.

"Je n'ai pas perdu ma maison, j'étais une sorte de réfugiée de luxe", dit la chanteuse. "Évidemment, je m'estime beaucoup plus chanceuse qu'eux, mais c ue j'ai vécu me permet de pouvoir imaginer un tout petit peu ce qu'ils vivent."

Dans d'autres chansons, entre ballades, morceaux plus blues, et groove mandingue, Rokia Traoré, qui donnera six concerts en France fin février/début mars - dont un complet à Paris au 104 - aborde des thèmes comme la cupidité, le respect ou le bonheur.
chc/fmi/mm
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