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Génération réseaux sociaux
Publié le mardi 23 fevrier 2016  |  Les Echos
Deux
© Autre presse par DR
Deux gamines




Les ECHOS- Elles ont à peine 15 ans et elles auront fait le buzz toute la semaine dernière. Et de quelle manière ! Deux gamines presque ordinaires, un tantinet insouciantes et hyper culotées qui, dans un langage à la limite de la vulgarité et de manière crue parlaient des rapports hommes-femmes comme des personnes ayant de l’expérience à en revendre en la matière. Elles ont non seulement parlé d’un sujet tabou dans notre société, c’est- à -dire le sexe, mais elles ont eu l’outrecuidance de se filmer et, sans qu’on ne sache comment, cette vidéo s’est retrouvé sur les réseaux sociaux. Une vidéo qui aura été vue par des milliers de Maliens dont la majorité n’a pas pu cacher son courroux contre celles que certains n’ont pas pu s’empêcher de qualifier de dévergondées et de mal éduquées.
Cette vidéo des deux mineures maliennes est tombée pratiquement au même moment que celle du viol de la jeune Zhoura à N’Djamena, au Tchad et qui aura provoqué des mouvements de protestations inédits dans ce pays d’Afrique Centrale. Quelques mois plus tôt, c’est en Guinée, plus précisément à Conakry, ou des milliers de personnes ont aussi manifesté pour dénoncer et réclamer justice contre l’auteur d’un viol ignoble sur une jeune fille. Un auteur qui n’était autre qu’un jeune rappeur célèbre qui, à l’image des fils à papa de N’Djamena, avait osé filmer son forfait et diffuser les images indécentes sur les réseaux sociaux.
Last but not least, un rappeur malien en manque de notoriété, voulant réussir son come-back, a réalisé un clip quasi érotique pour faire le buzz. Mal lui en a pris, car c’est un effet contraire que son clip aura provoqué car décrié presque par tous, même les amateurs de voyeurisme. Mais ces exemples sont là pour nous interpeller quand au bon usage des réseaux sociaux avec l’éclosion d’une génération 2.0. Avec des smartphones à profusion, des tablettes en tout genre et des ordinateurs à portée des bourses, sans oublier une connexion aussi facile qu’un appel téléphonique, l’éducation des enfants devient une problématique à multiples facettes.
Que regardent-ils sur leurs objets connectés ? Quel type de communication entretiennent-ils et avec qui ? Quel genre de vidéo font-ils entre eux ? Avons-nous jamais tenté de contrôler un peu le contenu de leurs équipements ? Qui d’entre nous se donne la peine d’aller rencontrer les profs de son enfant ou de son frère, ou de sa sœur pour savoir comment les choses se passent à l’école ? Avons-nous même fixé des périodes et des endroits d’utilisation des téléphones et des tablettes ? A vrai dire, chacun est fier de montrer que son enfant est bien « branché » alors qu’en le faisant, on se « débranche » de lui, le laissant entre les tentacules des réseaux sociaux de plus en plus dévastateurs et imprévisibles.
Il est vrai que beaucoup d’adultes et de parents n’ont pratiquement aucune leçon à donner à leurs progénitures, tellement ils ont une conduite irresponsable sur les mêmes réseaux. Mais pour autant, faut-il baisser les bras et laisser des jeunes inexpérimentés faire des expériences traumatisantes qui les marqueront à vie ? Dans nos sociétés dites modernes, c’est le règne de l’individualisme à outrance. Les liens sociaux se sont distendus et les parents ont laissé leur rôle d’éducation à l’école qui est aussi en manque total de repères et de valeurs. Finalement, c’est la télé et les réseaux sociaux qui deviennent les acteurs de l’éducation des enfants.
Cheick Hamidou Kane, dans son ouvrage « l’Aventure Ambiguë », se posait une question qui sonne encore plus d’actualité de nos jours : « ce que nous gagnons vaut-il ce que nous perdons ? » Assurément non, car l’attrait de la nouveauté donne certes cette sensation d’ivresse, mais qu’en est-il de la gueule de bois du lendemain ? Nous sommes simplement face à nos propres turpitudes et l’inconséquence du choix de nos modes de vie. Aimer son enfant ne saurait être synonyme de le laisser faire tout ce qu’il veut et le laisser sans surveillance. Aimer son enfant, c’est aussi savoir lui notifier des limites à l’usage des réseaux sociaux et faire planer au-dessus de sa tête la menace d’une surveillance permanente et de contrôles inopinés. Sinon, ne soyons guère surpris demain de voir d’autres vidéos encore plus osées que celle de ces malheureuses demoiselles qui risqueront de trainer des séquelles psychologiques d’une expérience traumatisante, car n’ayant pas su assimiler à temps le bon usage des réseaux sociaux qui rendent de plus en plus les jeunes asociaux.
Maliden
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Les Echos N° 3864 du 3/5/2012

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