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Coumba Bah, Onu-Femmes : « au Mali, 44 % des femmes mariées sont abusées physiquement, sexuellement ou émotionnellement de la part de leur conjoint »
Publié le mardi 8 mars 2016  |  Delta News
Lancement
© aBamako.com par momo
Lancement du projet d’appui aux initiatives communautaires
Bamako, le 26 juin 2015, l’ ONU Femmes en partenariat avec l’ambassade de Japon au Mali a lancé le paragramme d’appui aux initiatives communautaires de réconciliation et de relèvement économique des femmes en période post crise au Radisson Blu.




C’est dans une interview qu’elle nous a accordée dans le cadre de la festivité du 8 mars que Mme Coumba Bah, responsable de la communication et la gestion du partenariat à ONU-Femmes, nous a fait cette révélation.
Peut-on savoir qui est Mme Coumba Bah ?
Je suis Coumba Bah, mère de 4 enfants dont 2 filles 2 garçons. Présentement je suis responsable de la communication et la gestion du partenariat à ONU-Femmes. Professionnellement, j’ai eu à travailler dans plusieurs domaines dont les plus récents sont la gestion du système de qualité, la vente / gestion commerciale ; la recherche et formulation dans l’agroalimentaire. Je suis diplômée de la prestigieuse université américaine – Cornell Université, basé dans l’Etat de New York où j’ai obtenu un Master en industrie et technologie agroalimentaire après un Bachelor en chimie et le Baccalauréat en sciences biologiques terminales du Lycée Notre Dame du Niger de Bamako.
Une brève présentation d’ONU-Femmes
ONU-Femmes est l’entité des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme. C’est l’organe mondial de coordination des questions genre, de défense et de promotion des droits de la femme de par le monde. Elle a été créée en juillet 2010, à la suite de la fusion de quatre autres composantes distinctes des Nations unies dont l’Unifem que nous connaissons bien au Mali - qui a intervenu activement sur le terrain pendant plus de vingt ans au Mali. Les trois autres constituantes sont : la Division pour l’avancement des femmes (Daw), l’Institut international de recherche et de formation pour l’avancement des femmes (Instraw) et le Bureau du conseiller spécial pour les questions de genre et de l’avancement des femmes (Osagi). L’organisation a ouvert ses portes au Mali en Avril 2011, donc moins d’un an après sa création. Ceci témoigne de la pertinence des questions liées au genre dans notre pays et aussi des bonnes relations entre ONU-Femmes et le Mali.
Que représente le 8 mars pour votre organisation ?
Célébrée depuis mars 1977, la Journée internationale de la femme revêt une symbolique forte pour ONU-Femmes. C’est une journée spécifiquement dédiée à célébrer la femme. Une occasion de dresser le bilan des progrès réalisés, d’appeler à des changements et de célébrer les actes de courage et de détermination accomplis par les femmes ordinaires qui ont joué un rôle extraordinaire dans l’histoire de leur pays et de leur communauté. Pour l’édition 2016, l’Organisation des Nations unies met l’accent sur les moyens d'accélérer l'agenda de 2030 à travers le choix du thème 2016 « Planète 50-50 d'ici 2030 : franchissons le pas pour l'égalité des sexes ». Il s’agira d’impulser un élan pour la mise en œuvre effective des nouveaux objectifs de développement durable à travers des engagements forts de la part des différentes parties prenantes, les gouvernements, parlements, partenaires aux développement et acteurs de la société civile.
Quels sont les maux dont souffrent la femme africaine en général et la femme malienne en particulier ?
Vous savez, dans le monde, on est tenté de dire que déjà le « mal » c’est d’être femme, d’être née avec le « mauvais » sexe. Ce qui fait que même s’il y a quelques améliorations dans certains pays occidentaux et du Nord, d’une manière générale toutes les femmes souffrent d’inégalités. Des inégalités qui sont d’ordre général sur les plans politique, économique et social ; dans l’accès aux opportunités d’emploi ; inégalités dans le traitement salariale, inégalités dans la distribution de rôles et de responsabilités au sein de nos familles. De par le monde, les femmes sont encore très vulnérables. Elles sont malheureusement très souvent abusées et violentées juste parce qu’elles sont femmes. De nos jours, encore une femme sur trois (soit 33 femmes sur 100) connaitra et vivra un acte de violence sexuelle et ou sexiste. Dans nos pays africains, particulièrement au Mali, le taux de femmes victimes de violences basées sur le genre est encore plus élevée (56% pour le Mali). Et pire, c’est aux mains de leur conjoint et époux que la plupart des actes de violences sont commis où il est documenté que 44 % des femmes mariées sont abusées physiquement, sexuellement ou émotionnellement de la part de leur conjoint au Mali. En plus des violences, d’autres manifestations d’inégalités peuvent être observées dans nos sociétés : au niveau de l’accès aux services sociaux de base : la santé, l’éducation et même à l’accès à la terre cultivable sachant que les femmes représentent plus de 49% de la population active agricole.
Pensez-vous que le Mali respecte les instruments internationaux qu’il a ratifiés dans le domaine de la promotion de la femme ?
Vous savez, je suis une personne optimiste qui choisit de toujours voir le verre à moitié plein. Allez de l’avant tout en apprenant du passé. Je salue le vote de la loi pour la promotion du genre que le Mali vient d’adopter. L’application effective de cette loi nous permettra de vite rectifier le tir et franchir le pas vers l’égalité, une vraie et équitable représentation des femmes au sein des instances décisionnelles tant sur le plans politique que nominatif. 30% de représentativité minimale accordée aux femmes va en droite ligne avec les directives édictées par la Convention pour l’élimination de toutes les discriminations à l’égard de la femme (Cedef) dont le Mali est partie prenante.
Que pensez-vous de la nouvelle Loi qui accorde désormais 30% des postes électifs et nominatifs aux femmes ?
J’ai une très bonne appréciation de cette loi. Comme je l’ai dit précédemment, le Mali vient de franchir un grand pas vers l’égalité des sexes. De ce fait, j’exprime toute ma reconnaissance à toutes les personnes qui ont œuvré de près et de loin pour l’adoption de cette loi, depuis l’élaboration du projet, l’adoption en conseil des ministres et maintenant le vote par l’Assemblée nationale. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que nous attendons donc la loi d’application et la mise en œuvre effective de la loi de promotion du genre à tous les niveaux par nous toutes et tous, citoyen(e)s et décideur(e)s malien(ne)s. Car en faisant avancer la femme, c’est tout le Mali qui avance.
Que pensez-vous de la ‘’politique genre’’ du Mali en matière électorale ?
Encore, je vais de l’avant. Nous corrigeons nos erreurs et c’est cela le plus important. Avec la nouvelle loi, les listes seront non seulement désormais « zébrées » 1 femmes pour tous 2 hommes. Mais toute liste qui ne respecterait pas le minimum de 30% de représentativité de femmes ou d’hommes sera simplement non validée et rejetée.
Si vous étiez ministre de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, quels projets auriez-vous à soumettre au gouvernement ?
Une question difficile à répondre car, je n’attends pas d’être ministre pour jouer ma partition dans l’édification de la nation, particulièrement dans le domaine de l’autonomisation de la femme et de l’égalité des sexes. Certes, c’est vrai qu’avec l’envergure qu’apporte un poste de ministre, ma voix portera encore plus et cela aux plus hauts sommets. Les quelques actions que je mènerais seraient sans doute dans l’implication des hommes, œuvrer à faire plus d’hommes féministes au Mali. La problématique de l’inégalité est à un tel niveau qu’elle ne saurait être résolue que par les seules femmes. Il nous faut beaucoup plus d’implications et d’engagements forts des hommes aussi. Un autre domaine que je continuerais à explorer serait au niveau de l’autonomisation sociale et économique de la femme rurale, surtout dans les domaines de l’éducation. L’éducation étant la fondation pour toute vie, sans compétences de bases, nul ne pourra prétendre à une chance dans ce monde global et compétitif. Nos femmes rurales doivent être instruites, elles doivent pouvoir lire et écrire, être formées à manier les technologies et outils du 21e siècle, et cela pas nécessairement dans les langues étrangères, même si la maitrise d’une autre langue que la sienne présente toujours des atouts.
Votre dernier mot aux femmes pour le 8 mars.
Bonne fête à nous toutes et tous, car mon dernier mot est valable aussi bien que pour les femmes que pour les hommes…. Vous oseriez nous laisser célébrer seules ? La fête n’est jamais belle en solitaire ! Alors, à nous toutes et tous, à nos marques, et franchissons le pas vers un Mali 50/50 ! Le marathon a déjà commencé.
Propos recueillis par B. Bouaré
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