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Autorités transitoires au Nord : Une solution ou un problème ?
Publié le dimanche 13 mars 2016  |  Aujourd’hui-Mali
Rencontre
© aBamako.com par A.S
Rencontre IBK-CMA-Plateforme
Bamako, le 27 février 2016 le président Ibrahim Boubacar Keita a rencontré les groupes armés a Koulouba




L’Accord de paix constitue un véritable goulot d’étranglement pour les autorités maliennes. Pressées de toutes parts par la communauté internationale, la Médiation, la classe politique, la société civile et les groupes armés pour accélérer la mise en œuvre des dispositions du document, l’Etat pose des actes qui semblent appeler plus de problèmes qu’ils n’en donnent la solution. La mise en place des autorités intérimaires dans les régions du nord, prévue par l’Accord et dont le projet de loi vient d’être adopté par le gouvernement, est l’illustration parfaite de cet état de fait. Le feuilleton fait beaucoup de bruits entre les élus locaux (soutenues par les populations) et les groupes armés de la CMA et de la plateforme qui vont prendre le relais. Le gouvernement est entre le marteau des maires et l’enclume des rebelles.
De lendemains chauds en perspective dans le landerneau politique du Septentrion. Et pour cause : le projet de loi qui consacre la substitution des autorités intérimaires aux délégations spéciales des collectivités territoriales, adopté par le Conseil des ministres lors de sa session du 24 février 2016 sur le rapport du ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat.
Qu’est-ce qui motive cette décision du Gouvernement? D’abord, les collectivités territoriales présenteraient des limites au regard, notamment, de leur taille réduite, de leurs attributions restrictives et de la durée de leur mandat. Ensuite, la mise en place des autorités intérimaires s’inscrit dans le cadre du renforcement de la continuité des organes élus des collectivités territoriales.
Car, contrairement aux Délégations spéciales, elles sont chargées, sans restriction, des attributions dévolues aux conseils des collectivités territoriales qu’elles remplacent. Enfin, le projet de loi s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. A ce niveau, il est dit effectivement qu’”afin d’assurer la continuité de l’Etat, les institutions actuelles poursuivront leur mission jusqu’à la mise en place des organes prévus dans le présent Accord. La mise en place, le cas échéant et au plus tard trois mois après la signature de l’Accord, des autorités chargées de l’administration des communes, cercles et régions du Nord durant la période intérimaire …”.
Mais déjà, en amont de l’adoption du texte, dans une correspondance en date du 10 février 2016, le ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat avait tenté de “travailler au corps et à l’esprit” les élus du Nord : “La mise en place des autorités transitoires dans les collectivités territoriales des régions de Tombouctou, Gao et Kidal est le fruit d’un compromis qui a l’avantage de s’inscrire dans le cadre général de la décentralisation et touche l’ensemble du pays. C’est une réforme de la Délégation spéciale… “, avait-il expliqué dans une correspondance pour prévenir la tension au sein des collectivités du Nord.
Peine perdue ? Peut-on légitimement s’interroger car l’initiative est loin de faire l’unanimité. Et pour cause : les élus du Septentrion ne sont pas d’accord et l’ont fait savoir même au président de la République. Les populations semblent les suivre dans leur lutte, faisant planer des risques de tension dans un délai immédiat, puisque la question est inscrite à l’ordre du jour du forum de Kidal prévu du 27 au 30 mars.
Pourquoi des risques de tension ?
Primo, les groupes armés ont entamé depuis fort longtemps une campagne d’information des populations sur les changements prévus dans la gestion des collectivités du Nord. Ils expliquent notamment que la gestion des collectivités reviendra bientôt à la CMA et à la Plateforme, alors qu’il y a des localités où ces mouvements n’ont même pas de représentants. Effectivement, le choix des membres des autorités intérimaires place systématiquement les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudéni et Ménaka sous le contrôle de la CMA et de la Plateforme.
Parce qu’il dit que les membres des autorités transitoires “seront désignés par le Gouvernement, la Coordination et la Plateforme au sein d’un vivier comprenant les autorités traditionnelles, la société civile, les conseillers sortants et les agents des services déconcentrés du ressort de la collectivité territoriale concernée… “. Du coup, les anciens maires et présidents de conseil sont mis à l’écart. Pis, des structures politiques locales de la CMA et de la Plateforme sont en train de pousser dans toutes les collectivités du Nord, en plus du fait que les groupes armés sont autorisés à se muer en partis politiques en prélude aux futures échéances électorales.
Secundo, les élus des régions du nord ont adressé trois missives au président de la République pour manifester leur opposition à l’idée d’instaurer des autorités transitoires, après que les mandats des organes des collectivités aient été prorogés jusqu’à la tenue des prochaines élections communales et régionales. Ils affirment leur attachement à l’unité nationale et à la cohésion sociale au bénéfice des communautés dont ils disent demeurer les seuls représentants légitimes. Pour les élus du Nord, il y a deux poids, deux mesures. Selon eux, la mesure doit s’imposer à tous et s’étendre à tout le Mali afin d’éviter de donner raison à toute idée séparatiste du pays.
D’où la question, synonyme du tertio de notre raisonnement: les autorités transitoires sont-elles nécessaires ? Avis partagés ! Mais, les détracteurs redoutent que cette mesure n’accentue davantage le clivage entre les régions de Tombouctou, Gao et Kidal et le reste du Mali. Aux autorités de savoir faire preuve de discernement.
Alou B. HAÏDARA
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