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Haute cour de justice : les responsabilités du président de la République et sa mise en accusation
Publié le vendredi 18 mars 2016  |  L’Indicateur Renouveau
Election
© aBamako.com par A S
Election du président de la haute cour de justice
L`élection du président de la haute cour de justice a eu lieu le 22/04/14 à l`Assemblée Nationale du Bamako




Sur les sites d’information, le 02 Mars 2016, la plainte du Bloc d’Intervention Populaire et Pacifique pour la Réunification Entière du Mali (BIPREM : une coalition d’associations de la société civile malienne, visant le Président de la République devant la Haute Cour de Justice (HCJ)., continue de susciter toujours des réactions sur la toile, dans la presse écrite et orale.

DIABOLISATION, BANALISATION de la première Institution, voila assez d’expressions pour condamner la plainte introduite par la BIPREM contre le Président de la République pour haute trahison, le crime de cette association est d’avoir utilisé un droit constitutionnellement reconnu. Aussi au lieu d’analyser l’initiative comme un symbole de la vitalité démocratique et triomphe de l’état de droit, nous assistons à une condamnation tout azimut de l’action, même une association musulmane s’est mêlée de la partie.

Contrairement à ces positions tranchées qui participent du soutien au Président de la République, donc une attitude partisane, j’ai décidé d’apporter ma modeste contribution en fouillant le Droit Positif Malien.

Du fait de la qualité de la personne visée, dont le Président de la République, dans cette plainte, la nouvelle se propage toujours et elle donne lieu à d’intenses débats et de polémiques. C’est une première au Mali. Aucun Président de la République n’avait fait, jusqu’ici, l’objet d’une telle plainte alors qu’il demeurait encore au pouvoir.

Sinon dans une société démocratique, exceptionnelle fut-ce la procédure d’impeachment, le Président de la République reste bien exposé à celle-ci. Au cours de son dernier mandat à la tête de l’Etat, le Président T. Boni YAYI avait essuyé à son tour le même coup sur la base de plaintes des citoyens béninois auprès des députés. Ces citoyens se présentaient escroqués par des sociétés de micro-finances qu’ils soupçonnaient de connexité avec le Président de la République.

Saisis, les députés ont alors déclenché la procédure tendant à la traduction, pour haute trahison, devant la Haute Cour de Justice, du Président T. B. YAYI. Il avait fallu l’intervention urgente d’anciens chefs d’Etat béninois pour désamorcer la procédure empruntée qui pouvait bien conduire à la destitution du Président de la République.

La gravité de la procédure pénale visant le Président de la République devant la HCJ ne fait donc pas l’ombre d’un doute. La mise en oeuvre d’une telle procédure, si elle marque bien une poussée démocratique, elle annonce toutefois l’existence d’une situation de crises dans le pays. Les diverses réactions enregistrées ça et là, pour ou contre sont donc tout-à-fait compréhensives. Celles-ci traduisent l’engagement des citoyens dans la gestion des affaires de la Cité. II est important aussi de rappeler que tout ce qui touche à l’institution présidentielle est toujours grave, mais la saisine de la justice n’est également jamais banale. .

Le Président de la République est le choix de la majorité des citoyens. Aux termes de la constitution, il « est le chef de l’état .Il est le gardien de la constitution. Il incarne l’unité nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des traités et accords internationaux. Il veille au fonctionnement régulière des pouvoirs publics et assure continuité de l’état » (Article 29 de la constitution de 1992 du Mali).

L’importance de ces attributions constitutionnelles présidentielles prouve bien la grandeur et la complexité des responsabilités du Président de la République. Mais celles-ci pourraient-elles justifier l’irresponsabilité absolue du Président de la République. Autrement dit, le Président de la République serait-il au-dessus des lois de la République ?

Les institutions de la République et particulièrement l’institution du Président de la République sont celles qui sont véritablement visées par la constitution. Elles ont la lourde charge de défendre l’Etat de droit et de consolider celui-ci. Aucune institution ne peut se soustraire de la rigueur de la constitution qui dispose que: « le fondement de tout pouvoir en République du Mali réside dans la constitution… » (Article 121 de la constitution de 1992 du Mali).

Toutes les institutions de la République exercent leur fonction sous l’autorité de la constitution, de même que les citoyens dans leurs rapports avec l’Etat. Quand elles commettent des actes contraires à la législation en vigueur, elles peuvent en conséquence être bien astreintes devant la justice.

C’est la justice, aux termes de la constitution, qui « garantit les droits fondamentaux de la personne humaine ainsi que les libertés publiques » (Article 85 de la constitution de 1992 du Mali ) et qui « veille au respect des droits et libertés définis par la présente constitution » (Article 81 de la constitution de 1992 du Mali).

Nulle personne n’est au-dessus de la loi et la constitution rappelle à cet effet que: « tous les maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs… » (Article 2 de la constitution de 1992). La question qui demeure dès lors est le respect des procédures juridiques établies devant conduire chaque catégorie de citoyens, en rupture avec les lois de la République, devant la justice

La présente intervention académique s’inscrit dans la perspective d’informer sur les procédures juridiques à suivre pour le triomphe de l’Etat de droit au Mali.

S’agissant de la responsabilité politique du Président de la République, aucun texte constitutionnel ne prévoit formellement celle-ci. Le Président de la République seul peut décider d’engager sa responsabilité politique et le choix de la circonstance ou de l’évènement lui revient également.

Le choix par exemple de la négociation, comme mode de règlement des conflits au nord-Mali, engage la responsabilité politique du Président de la République: étant donné que l’Accord d’Alger, issu de ces négociations, n’ait pas fait l’objet de référendum ni de lois ; celui-ci ne pourrait dès lors engager la responsabilité du peuple ni de la représentation nationale. Toutefois les conséquences d’un éventuel échec du mécanisme de règlement choisi peuvent susciter des plaintes adressées à l’assemblée nationale qui seul pourrait leur donner le sens de *haute trahison*..

Mais la responsabilité pénale du Président de la République, au sujet d’actes étrangers à la fonction présidentielle ou commis pendant l’exercice de sa fonction, est engagée conformément aux procédures juridiques établies dans la constitution et dans les lois de la République.

Pendant la durée de ses fonctions, la responsabilité pénale du Président de la République ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice. Sa mise en accusation « est votée par scrutin public à la majorité des 2 /3 des députés composant l’Assemblée Nationale » (Article 95 de la constitution de 1992 du Mali). Il est à préciser cependant que les députés, élus par leurs paires juges à la Haute Cour de Justice, ne peuvent prendre part aux votes. Ils sont donc défalqués du nombre de députés composant l’Assemblée Nationale.

Tout citoyen, toute association nationale, reconnue comme telle, peuvent bien saisir le bureau de l’Assemblée Nationale d’une requête contre le Président de la République en exercice. La constitution est bien restée muette sur cette question. Elle a plutôt défini la procédure à suivre pour la mise en accusation du Président de la République. C’est le bureau de l’Assemblée Nationale qui règle la recevabilité de la requête mais la véracité des griefs devant constituer la haute trahison est décidée d’abord par une commission ad‘hoc; constituée au sein l’Assemblée Nationale pour la circonstance donnée.

L’assemblée nationale, seule, en plénière, pourrait ensuite décider de la mise en accusation de Président de la République en exercice, se traduisant par l’adoption d’une résolution qu’elle adresse à la Haute Cour de Justice .Les allégations pénales portées dans la requête peuvent être bien énumérées, certes dans le Code pénal, mais l’Assemblée Nationale est toutefois habilitée à conférer à celles-ci le caractère d’actes constitutifs de Haute Trahison: seule infraction admise au soutien de la mise en accusation du Président de République devant la Haute Cour de la Justice.

Pour le professeur Hugues PORTELLI, « cette absence de définition donnait donc, toute l’attitude au Parlement de saisir la Haute Cour, laissant peser une épée de Damoclès sur le président » (droit Constitutionnel, Daltoz, Paris, 7ème édition, P198)Le Président de la République en exercice, pour des infractions détachables de sa fonction comme le viol ou le harcèlement ou du fait d’autres infractions étrangères a la fonction présidentielle, est poursuivi pénalement devant des juridictions de droit commun. Les victimes pourraient à cet effet bien saisir le juge pénal ordinaire.

Devant un tel cas, la Cour de Cassation française a estimé que « le Président de la République bénéficie d’une inviolabilité temporaire jusqu’à la fin de son mandat, justifiée par la protection de celui-ci. Il n’est protégé par aucun privilège de juridiction mais par une inviolabilité liée a sa fonction qui entraine suspension des poursuites (et de la prescription jusqu’à la fin du mandat) » (Hugues PORTELLI, Droit Constitutionnel, Op-cit, P.200).

Le Président de la République en exercice est donc bien susceptible d’être astreint également devant les tribunaux de droit commun notamment pour des actes étrangers a la fonction présidentielle. Cette position est aussi celle de la commission de réflexion sur le statut pénal du chef de l’Etat en France, dans son rapport du 12 décembre 2002.

Au regard de ce qui précède, on peut noter que le BIPREM s’était bien fourvoyé en saisissant directement la Haute Cour de Justice qui doit toutefois statuer sur sa saisine. Il revient à la Commission d’Instruction de décider, après instruction de l’affaire, soit du renvoi de celle-ci devant la Haute Cour ou de classer l’affaire sans suite. Elle est juridiquement tenue de se prononcer dans tous les cas, pour empêcher notamment un déni de justice.

Le BIPREM pourrait cependant bien saisir le bureau de l’Assemblée Nationale avec ou sans la décision de la Haute Cour de Justice pour la même cause. Les griefs qui ressortent dans leur requête sont bien des actes non détachables de la fonction présidentielle et du coup ne relèvent pas de la compétence des juridictions de droit commun.

Comme l’a souligné le professeur Charles CADOUX, «nul n’étant au-dessus des lois, il est normal que les membres de l’Exécutif soient, comme tout citoyen, responsables civilement et pénalement d’actes dommageables ou délictueux commis par eux » (Droit Constitutionnel et Institutions Politiques, Cujas, ,Paris, quatrième édition, P258).

Maître Alfousseyni KANTE

DESS en Droit Economique International

Huissier de Justice –

Section FARE Commune IV du District de Bamako
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