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Modibo Diakité, acteur du mouvement démocratique ‘’Il était impossible d’opérer un changement positif en s’appuyant sur les éléments les plus véreux de l’ancien régime’’
Publié le mercredi 30 mars 2016  |  L’Inter de Bamako
Moussa
© AFP par FRANCOIS ROJON
Moussa Traoré




Le Mali a célébré le 25ème anniversaire de la chute du général Moussa Traoré, le samedi dernier. A l’occasion de cette célébration, nous avons jugé nécessaire de donner la parole à un des acteurs du Mouvement démocratique pour décrypter le parcours de la démocratie dans notre pays. Modibo Diakité, puisqu’il s’agit de lui, fut ministre de la Fonction publique, membre- fondateur du CNID, vice-président de la Commission politique de la Conférence nationale de 1991 qui a jeté les bases de la démocratie malienne.

L’Inter de Bamako : Vingt-cinq ans après la chute du régime dictatorial de Moussa Traoré, quel bilan dressez- vous d’un quart de siècle de pratique démocratique dans notre pays ?

Modibo Diakité : 25 ans après la chute du régime dictatorial, militaire et militaro-civil de Moussa Traoré, on peut dire que le bilan de la gestion de notre pays est en deçà des attentes des populations en général et de tous ceux qui ont pris des risques pour l’avènement d’un Mali démocratique, réellement démocratique (pluralité des partis, des projets de société, des programmes de gouvernement).



Pourquoi les maux contre lesquels (corruption de la classe politique, délinquance financière, népotisme, enrichissement illicite, détournements de deniers publics) ont-ils été érigés en mode de gouvernance ?

Modibo Diakité : Les maux contre lesquels le peuple du 26 mars 1991 s’est levé (délinquance financière, népotisme, enrichissement illicite, détournements de deniers publics) ont non seulement perduré mais se sont amplifiés sous le Mali ‘’démocratique’’. Cela, parce que beaucoup de cadres et de responsables peu recommandables du régime militaro- civil de l’UDPM se sont ‘’convertis’’, grâce à des complicités haut placées, à la démocratie pluraliste. Il était impossible d’opérer un changement positif en s’appuyant sur les éléments les plus véreux de l’ancien régime qui comptait cependant des hommes politiques intègres, courageux, compétents et patriotes.

Comment en est-on arrivé à cette gestion désastreuse des femmes et des hommes qui promettaient des meilleures conditions de vie et de travail au peuple malien après le renversement de Moussa Traoré, le 26 mars 1991 ?

Modibo Diakité : La jonction des mauvais éléments du parti unique constitutionnel de l’UDPM et les partisans et les moins convaincus (et les plus pressés de s’enrichir) du Mouvement démocratique, soutenus par des forces hostiles à la révolution et aux intérêts du Mali a conduit à une gestion encore plus désastreuse du pays. D’où l’accentuation progressive du désespoir des populations.

Les châteaux de la sécheresse des années 1970 ont remplacé les démocrates milliardaires et le luxe insolent de ceux qui, hier, criaient au voleur, ne pensez-vous pas que la volonté affichée des acteurs du Mouvement démocratique était : «Ôtes-toi pour que je m’y mette».

Modibo Diakité : La péjoration de la spéculation foncière menace sérieusement les équilibres naturels tant en milieu rural qu’en milieu urbain. En conséquence, la boulimie avec laquelle les responsables politiques et financiers du régime ‘’démocratique’’ s’emparent des espaces ruraux et urbains ainsi que leur frénésie à acquérir ou à construire des châteaux, des immeubles au Mali et/ou en dehors du Mali inquiète aussi bien les populations maliennes que les partenaires au développement.

Les châteaux de la sécheresse des années 1970 ne constituent qu’une peccadille à côté de l’énorme capital foncier dont disposent les femmes et les hommes qui gèrent le Mali depuis 1991, ou plutôt depuis 1992. Le mot d’ordre non dit était : «ôtes-toi que je m’y mette pour faire le pire».

Le Mali est sous tutelle à cause de la mauvaise gestion des démocrates sincères et patriotes convaincus. Quelle solution préconisez-vous pour que les Maliens se retrouvent autour de ce qui est de plus précieux et cher pour eux : l’unité nationale ?

Modibo Diakité : Clémenceau disait : «La liberté c’est le droit de se discipliner soi-même pour n’être pas discipliné par les autres’’.

Ce pays a bâti les empires médiévaux (Ghana, Mali, Songhoï) qui font la fierté de toute l’Afrique. Il a abrité les Etats de la Renaissance qui ont opposé une résistance héroïque à la pénétration coloniale. Le pays n’a donc pas de leçon à recevoir de quiconque quand à son engagement patriotique et à sa capacité à gérer l’espace et les hommes.

Pour que les Maliens se retrouvent aujourd’hui autour de l’essentiel, l’unité nationale, il nous faut revisiter notre histoire et nos valeurs pour connaître et comprendre pourquoi nos ancêtres ont su, il y eu des siècles, gérer des espaces beaucoup plus étendus que le Mali actuel tout en y assurant sécurité et prospérité. A l’époque, il n’y avait ni ONU ni partenaires au développement.

Après l’incroyable gâchis de la gestion des démocrates, quel héritage peut-on retenir ?

Modibo Diakité : L’héritage que l’on peut retenir de la gestion des ‘’démocrates’’ c’est que la révolution du 26 mars 1991 fut une symphonie inachevée.

La démocratie sans mécanisme de régulation a conduit à une prolifération anarchique des partis politiques (=200 aujourd’hui). Les partis ne jouent plus leurs rôles (projets de société, programmes de gouvernement, information de l’opinion, formation des militants et es élus, mobilisation de l’électorat).

La société civile, qui a particulièrement proliféré, fait irruption dans le camp politique. Or toutes les sociétés civiles n’ont pas vocation à soutenir et à approfondir l’ancrage démocratique.

La faiblesse et la désertion des partis politiques ont obligé des associations religieuses à investir à raison le champ politique car les religieux sont aussi des citoyens et même des guides, des bergers.

Avez-vous confiance en l’avenir du pays ?

Modibo Diakité : il peut arriver qu’une nation traverse des moments difficiles. Une grande nation comme le Mali a suffisamment de ressorts pour ne pas couler. Mais tous les citoyens doivent se ressaisir à temps en développant : l’appropriation de notre histoire ;

– l’éducation (instruction, éducation civique, morale et religieuse ;

– la santé, quand une nation est atteinte dans le physique, elle l’est aussi au mental ;

– l’économie, faire en sorte qu’il y ait du travail pour tout le monde (particulièrement) et que chacun puisse vivre du fruit de son travail.

Réalisée par Yoro SOW
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