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Société: bruler vif les voleurs de motos est un acte qui protège involontairement les grands voleurs de la république
Publié le mardi 12 avril 2016  |  RP Medias




Il y a de ces paradoxes qui expliquent en eux seuls l’état d’évolution d’une société ou de son retard. Le modèle de société qui nous intéresse ici est celui formé par les maliens de Bamako. Les bamakois ne sont qu’une petite partie de la population malienne et non les maliens à part entière. La capitale malienne comme toutes les capitales du monde cristallise les tares en termes de mœurs. Ces derniers temps, un certain pallier a été franchi. Il faut dire que la fenêtre qu’offre internet sur le reste du monde a opéré une métamorphose irréversible sur la jeunesse malienne et sur le regard nouveau des anciens sur cette jeunesse.
Le cas qui sera traité ici est celui de la justice populaire. La population de Bamako n’a plus foi en la justice étatique, elle s’est forgé sa propre justice avec son éminent article 360 du code la rue. En effet, le vécu de cette population l’a conduit à ne plus vouloir confier ses litiges à la justice. Elle s’est auto proclamé justicier. C’est ainsi que l’on peut observer un peu partout des présumés voleurs de scooter se faire bruler vif tels un barbecue. L’image est insupportable et ne solutionne pas le problème sinon ça se saurait depuis le temps que l’article est en vigueur. Officiellement, très peu de gens soutiendront cette attitude qui consiste à se rendre justice sans jugement avec tout ce que cela nécessite en termes d’équité. En même temps, très peu de responsables politiques trouveront les éléments de langage pour raisonner les populations déchaînées.
Ces bamakois hors la loi ont réussi à imposer un code aux autres. Brûler les malfrats appartient désormais à la culture et à la tradition bamakoise.
Il peut arriver que l’on recherche une justice dans l’injustice. Si dans l’inconscient collectif bamakois il faut brûler au bûcher les voleurs on peut se demander s’il s’agit d’une catégorie de voleurs ou des seuls flagrants délits. En effet, il est établi que plus la valeur de ce qu’on vole est minime, plus on a de chance de se retrouver en charbon. Ceux qui servent de torche humaine n’ont jamais pu bénéficier d’une défense. La justice populaire est expéditive. Ceux qui rendent les sentences et les condamnés à mort sont tous de la basse classe sociale. Ceux là qui n’ont ni diplômes ni contrats s’autodétruisent sans pouvoir analyser les raisons qui ont conduit certains d’entre eux à voler. Ces bamakois de la basse classe sont témoins des événements vécus par la société. Par exemple, ils sont capables de déduire que la richesse spontanée du voisin qui est devenu député de l’assemblée nationale ou maire de la commune est le fruit de malversations. Ils savent que le salaire malien ne peut permettre à personne de s’offrir dans la même année une 4X4 Rav4, une Rover, 3 villas et payer des études dans les plus lointaines universités pour leurs progénitures. Ils savent que le voleur de moto est exclu du système scolaire et social par ce que l’élu qui fait soigner les maux de tête de sa troisième épouse à l’hôpital de la pitié Salpêtrière de Paris a utilisé les fonds destinés à l’école. Ils savent que le ministre ne peut pas offrir une villa et le billet pour le hadj au griot du quartier s’il n’avait pas utilisé l’argent destiné à l’hôpital public. Ils savent que la plupart des riches qu’ils croisent au feu de signalisation roulent sur le bien commun. Tous ces maliens qui se servent de la chose public atteignent des sommes qui donnent le vertige et qui n’ont rien à voir avec le prix d’un scooter. Ils en parlent à longueur de temps dans les grins et des fois lavent les voitures acquises sans effort qui appartiennent aux « fils de ».
Pour résumer nous avons deux types de voleurs au Mali qui sont en réalités présumés. Aucune justice n’a établi le lien entre leurs possessions et l’acte d’un vol même si dans certains cas il y a flagrant délit. Alors pourquoi la société a décidé de carboniser les petits voleurs tout en applaudissant les gros bonnets? Pourquoi le vol d’une mobylette semble être plus grave aux yeux de la société malienne que le vol de dénié public chiffré en milliards? A ces questions, il serait urgent que les sociologues maliens apportent des réponses. Si tout le monde se plaint des détournements de fonds, des surfacturations autour de tous les marchés publics, pourquoi la société ne brûle pas les présumés coupables de ces actes majeurs au même titre que ceux qui volent des « Djakarta » d’occasion. Si réellement le but de ces barbecues humains est de décourager les voleurs, faire un nivellement par le haut aurait eu l’effet escompté immédiat. Seulement le deux poids deux mesures de cette justice populaire qui se croit plus efficace que la justice étatique protège en réalité les plus forts au détriment des plus faibles. Pourquoi les bamakois ne brulent pas les grands voleurs de la république qui ne cachent pas leurs butins? Les détournements des gros bonnets conditionnent les petits vols de scooter et autres.
Encore un ratée de nos us et coutumes

Elijah De BLA
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