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Canicule à Bamako : La glace, cet autre or blanc
Publié le mercredi 13 avril 2016  |  L’Essor




La demande est telle par ces temps de forte chaleur que les vendeurs prieraient pour que la saison reste inchangée
« Le malheur des uns fait le bonheur des autres », dit-on. Ce proverbe illustre bien cette période de canicule à Bamako. Au moment où certaines personnes souffrent de la chaleur torride et de ses conséquences sur la santé, d’autres se frottent les mains. Ils sont, en effet, nombreux à tirer profit de cette période de forte chaleur : propriétaires de réfrigérateurs ou de congélateurs, vendeurs de matériels de froid, vendeurs de vêtement légers et vendeurs de glace.
Dans ce lot, les vendeurs de glace font partie de ceux qui profitent le plus de la situation. Leur chiffre d’affaire grimpe à telle enseigne que certains prieraient pour que la saison reste inchangée.
Depuis quelques semaines, la température grimpe à des niveaux proprement insupportables dans la capitale. Dès le lever du jour, la ville située dans une cuvette, se transforme en une fournaise, chauffée à blanc notamment par les gaz d’échappement de la circulation démentielle à certains moments de la journée.
Dans ce chaudron, l’atmosphère est suffocante. Par simple réflexe de survie, tout le monde recherche la fraîcheur. On court aux abris à l’ombre des arbres ou dans des maisons climatisées pour profiter des bouffées d’air frais déversées par les climatiseurs poussés à fond.
Pour se désaltérer, on donnerait tout pour de l’eau fraîche. C’est pourquoi la glace est devenue un produit très prisé. Elle s’achète toute la journée. D’abord par ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir un congélateur ou un réfrigérateur. Ensuite par ceux qui organisent des cérémonies sociales comme les baptêmes, les mariages et autres réunions de famille. Les morceaux de glace permettent de rafraîchir l’eau et les boissons prévues pour les invités. A ce moment de l’année, l’organisme a besoin de beaucoup d’eau pour éviter la déshydratation. La soif de chameau courant les rues, qui organise donc un rassemblement, a l’obligation de fournir à ses convives de quoi étancher une soif insondable.

La glace est aussi recherchée par des commerçants ou des particuliers qui l’utilisent pour conserver des aliments comme le poisson, la viande, etc.
L’occasion faisant le larron, nombre de propriétaires de congélateurs ou de réfrigérateurs se sont convertis en vendeurs de glace ou d’eau glacée pour profiter de cette demande infinie. Du coup, en plus des habituels points de vente, les vendeurs occasionnels ont investi les grandes artères et les abords des feux tricolores de la capitale. Vu la forte concurrence, certains sont obligés de vendre à la criée ou d’aller à la rencontre des clients. « Il y a de la glace bien congelée. En gros ou en détail. Venez je vous ferais une remise », crie Fifi à l’adresse des passants. Elle s’approvisionne dans une usine de fabrique de glace de la place au Quartier du fleuve. Cette dame d’une trentaine d’années, cède la barre de glace à 1000 Fcfa ou 1250 Fcfa. Si la demande explose, le prix fait de même et grimpe jusqu’à 1500 Fcfa. Sa clientèle est variée : bouchers, poissonniers, pâtissiers, boulangers. Pour des cérémonies sociales, comme des mariages, des baptêmes, des funérailles, les commandes sont importantes. Même les pompes funèbres ont besoin de glace pour transporter les corps d’une localité à l’autre.
Fifi a le réflexe commercial très aiguisé. Elle trouve les bons mots pour vendre son produit : « Mes glaces sont de bonne qualité. Elles sont solides et mettent du temps avant de fondre », assure-t-elle pour convaincre les acheteurs hésitants. Chez Fifi, nous avons croisé un acheteur. « Il y a eu un décès dans ma famille. Je viens d’acheter 30 barres de glace pour les obsèques à raison de 1000 Fcfa par barre », révèle le client.
PENURIES.
La glace est produite à l’échelle industrielle par la société Industrie de boissons et de glace (IBG). Cette usine qui existe dans sa forme actuelle depuis 1990, produit des barres de glace. Cette année, elle a apporté une innovation. En plus des barres de glace, elle produit des glaçons. « Il y a deux mois de cela, nous avons amené une nouvelle machine qui fabrique des glaçons. Ici tout est fait à la machine », explique un responsable qui assure que ses produits répondent aux normes internationales. « Nos glaces sont propres, hygiéniques et mettent du temps avant de fondre. »
Les principaux clients de l’IBG sont les propriétaires de bars, les boulangers, les opérateurs gaziers, les vendeurs de poisson. Hormis ceux-ci, les particuliers passent des commandes à l’occasion de cérémonies sociales.
A l’IBG, le sachet de glaçon de 4,5 kg est vendu à 500 Fcfa. La barre est cédée à 1000 Fcfa. Nous avons rencontré un client qui venait d’acheter 15 barres. « Je mets de la glace sur mes poissons pour qu’ils ne pourrissent pas. Il faut savoir que le poisson est un produit hautement périssable surtout en cette période de forte chaleur. Je préfère la glace de l’IBG pour sa solidité. Même en période de forte chaleur, elle met du temps avant de fondre », témoigne-t-il.
Mais le responsable de l’IBG estime que, malgré la forte demande du moment, le marché est saturé parce que la glace est produite aussi bien par des particuliers et que par d’autres usines. « Après deux cent barres, nous sommes souvent obligés d’arrêter la production pour ne pas voir nos glaces fondre », précise notre interlocuteur.
Pourtant, la glace est si demandée qu’il y a très souvent des pénuries dans certains quartiers. A tel point que les demandeurs prennent la précaution en lançant la commande dès le matin pour la quantité nécessaire à leur consommation journalière. Ceux qui n’ont pas le réflexe de faire la commande à l’avance, ne peuvent s’en procurer. Vers la mi-journée, la glace devient une denrée rare tant la demande est forte.
Oumou était malheureuse dimanche dernier parce qu’elle ne possède pas de glacière. Nous l’avons rencontrée dans une rue à Kalaban-coura ACI, la mine renfrognée, en train de courir dans tous les sens pour chercher de la glace pour ses invités. « Je n’arrive pas à avoir de la glace. En cette période, c’est comme ça chaque jour. Ma voisine achète le produit depuis le matin pour le stocker dans une glacière. Je souffre parce que mon mari a refusé de m’acheter une glacière alors que c’est lui qui boit le plus d’eau glacée », se lamentait-elle.
Malheureusement pour Oumou, elle n’habite pas à proximité d’un camp militaire. Les bases militaires sont de hauts lieux de production de glace. Les familles des militaires profitent largement de la gratuité de l’électricité dans les camps pour installer des frigos et des congélateurs en grand nombre. Nombre de vendeuses s’y approvisionnent.

Mme Traoré, épouse d’un militaire, possède ainsi deux congélateurs et un réfrigérateur. Depuis 2009, elle vend de la glace au détail et en gros. « Je vend à tout moment de l’année. Mais en ce moment précis de l’année, la glace est très prisée. Je tire un grand intérêt dans cette activité», confie-t-elle le sourire aux lèvres. La dame se plaint néanmoins des coupures fréquentes de courant qui empêchent en ce moment sa glace de se former rapidement. Elle cède le morceau de glace à 25 Fcfa et voit d’un mauvais œil la forte concurrence exercée par des vendeuses occasionnelles.
Awa Diarra est, elle, une habituée de la vente de glace. Employée dans une boulangerie au quartier de Senou, elle fait commerce de glace depuis plusieurs années. Son patron a installé 5 congélateurs dans sa boulangerie. En collaboration avec quatre autres femmes, elle confectionne quelques 10.000 sachets d’eau chaque jours de 8 heures à 16 heures.
Vieille routière, Awa a ses secrets de fabrication. Pour une congélation rapide de ses produits, elle arrose d’abord son congélateur avec de l’eau salée avant de les placer. « Non seulement mes glaces sont bien formées mais également j’économise du temps et vend plus », confie-t-elle.
Charité bien ordonnée commençant par soi, elle explique qu’une partie de ces glaces est utilisée pour les besoins de la boulangerie de son patron. Le reste de la production est vendue aux clients, en gros ou au détail. Certaines femmes viennent acheter en gros pour ensuite revendre la glace dans les rues. « Je ne me plains pas du tout car le marché est très rentable en cette période de canicule. Je peux gagner entre 20.000 et 25.000 Fcfa par jour », révèle Awa. A force de manipuler des sachets d’eau, elle souffre d’engourdissement des mains et même de plaies aux doigts. Mais le jeu en vaut la chandelle.

A. D. SISSOKO
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L’Essor N° 17187 du 17/5/2012

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