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Art et Culture

Musique et Sape : Pape Wemba tire sa révérence sur scène comme il l’avait toujours rêvé
Publié le mardi 3 mai 2016  |  Le Reporter




Depuis plus de 40 ans, il était l’une des stars africaines les plus populaires dans le monde. Avec cette superbe voix haut perchée de «Rossignol», Papa Wemba était l’une des grandes figures de la Rumba congolaise. Idole intemporelle, il fut aussi le prince de la «Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes» (SAPE). Un mouvement dont il a été l'un des initiateurs au Zaïre dans les années 70 et qui se caractérise par les plus grandes audaces vestimentaires.
Cette méga star, cette légende de la musique africaine, est morte sur scène à 66 ans dans la nuit du 23 au 24 avril 2016 à Abidjan.
Invité d’honneur du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua), il s’est écroulé 20 minutes après avoir chanté trois morceaux de son riche répertoire. Papa Wemba s’est éteint comme il l’avait toujours rêvé : sur scène, devant des milliers de fans aujourd’hui inconsolables comme des millions d’autres à travers le monde.
«Papa Wemba, légende de la musique congolaise est mort dans la nuit» ! C’est ce qu’a déclaré à la presse, le cœur meurtri, Salif Traoré, dit A'Salfo, le leader du groupe ivoirien, Magic System, et promoteur du Femua. On ne meurt jamais avant l’échéance du Seigneur !
Très attendu par une foule immense pour cette seconde soirée de ce prestigieux Festival, le Roi des Sapeurs et des Ambianceurs a donné un spectacle à la hauteur de son immense notoriété jusqu’à 5h 28, avant de s’écrouler sur la scène. C’est donc dans une panique totale que ses 6 danseuses se sont retrouvées autour de lui pour tenter de le réanimer. Constatant que l’artiste ne reprenait pas connaissance, la Croix-Rouge accompagnée des sapeurs pompiers suivis des policiers sont montés sur la scène et constatent que le Pape de la Rumba avait déjà quitté cette terre pour l’autre monde, celui de l’éternité.
Nairobi (Kenya) et Luanda (Angola), où le Pape de la Rumba était attendu après le Femua, ne le verront plus. Comme il l’a toujours rêvé, Papa Wemba ne pouvait choisir une meilleure fin, un meilleur endroit pour dire adieu à ses fans que la scène ! Un espace de communion où il a passé l’essentiel de sa vie en faisant non seulement danser ses fans, mais aussi en y exprimant ses opinions et ses convictions. Star planétaire, très sollicitée pour les collaborations, Papa Wemba est foncièrement restée Africain dans l’âme et dans son concept musical : la Rumba ! Un héritage qu’il a su moderniser en le préservant aussi des déviations souvent imposées par des producteurs qui ne pensent qu’au profit financier !
Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba alias «Papa Wemba» a vu le jour le 14 juin 1949 dans la région du fleuve Kasaï (sud du Zaïre, l’actuelle République démocratique du Congo). Comme il aimait le répéter dans ses multiples grandes interviews, il tenait sa passion du chant de sa mère, une «pleureuse» qu'il accompagnait aux veillées funèbres. Et cela, contre la volonté de son père qui rêvait d’une carrière en «Robe» (avocat) pour son fils. Après des débuts dans des chorales religieuses pour forger sa voix haute d’une tonalité exceptionnellement inimitable, il arrive à Kinshasa à la fin des années 60. Influencé comme toute sa génération par la culture anglo-saxonne, il prend le pseudonyme de «Jules Presley», en référence sans doute d’Elvis Presley.
En 1969, il fait partie des passionnés qui ont fondé le mythique «Zaïko Langa Langa», qui dépoussière la Rumba traditionnelle. Ce style atypique né à la fin des années 40 à base de combinaison de rythmes afro-cubains et chants congolais avec l’introduction des rythmes rock et des sonorités électriques. La prise de conscience aidant, Papa Wemba fait oublier Jules Presley et le groupe Viva La Musica est lancé dans le grand bain Kinois en 1977. C'est alors une star en Afrique centrale. Le Rossignol fonde le village de Molokaï, près de Kinshasa, dont il s'autoproclame chef coutumier. L’artiste ne tarde pas à s’imposer dans le showbiz africain et mondial.
En effet, avec l'émergence du concept du «World music» (musique du monde) dans les années 80, les producteurs européens s'intéressent à lui. C’est ainsi que la nouvelle coqueluche va fréquemment séjourner en France, voire en Europe. Au Zaïre, sa musique est une sorte d’exutoire pour la jeunesse, même s'il refuse de jouer tout rôle politique. Il en sera ainsi jusqu’à sa mort. Papa Wemba s'installe en France en 1986, alors que sa renommée touche même le Japon, «emballé par ce dandy africain qui s'habille chez les grands couturiers».
Au début des années 90, il se lie avec Peter Gabriel (ex-chanteur de Genesis, qui a lancé son label RealWorld), dont il assure les premières parties. Cette collaboration donne naissance à trois opus qui vont définitivement imposer Papa Wemba dans le showbiz international. Sa carrière va naviguer entre des œuvres d’inspiration traditionnelle pour le public africain et des mariages, voire des fusions souvent subtiles pour conforter sa notoriété mondiale. Malheureusement, la carrière internationale a perdu un peu de son éclat après la fin de son contrat avec RealWorld, en 1999.
Puis, on le retrouve davantage dans la rubrique des faits divers au début des années 2000, avec une condamnation en France pour aide au séjour irrégulier d'étrangers sous couvert de ses activités musicales. Il a passé plus de trois mois en détention préventive en 2003 dans le cadre de cette affaire. Mais ce père de six enfants est resté et restera une grande star en Afrique. Il était de tous les événements musicaux majeurs concernant le continent, chantant notamment en l'honneur des 90 ans de Nelson Mandela en juin 2008 à Londres.
À 66 ans, il était une des têtes d'affiche du Femua initié à Abidjan (Côte d’Ivoire) par le talentueux Salif Traoré, dit A'Salfo, le leader du groupe ivoirien Magic System. De la capitale ivoirienne Papa devait s’envoler pour Nairobi (Kenya) et Luanda (Angola), comme il l’annonçait sur son compte Facebook en début avril. Mais, l’homme propose, le destin dispose. L’héritier des Joseph Kabasele, Franco, Tabu Ley…va laisser un immense vide sur les scènes du monde. Mais la bibliothèque ne brûlera pas sans doute, comme le craignait souvent le regretté Amadou Hampâté Bâ !
Papa Wemba a partagé et transmis son savoir à la jeunesse (Lokua Kanza, King Kester Emeneya, Roga Roga, Passi, Koffi Olomidé Youssoufa…) ! À elle de reprendre le flambeau et de se montrer surtout digne du Baobab qui vient ainsi de se coucher en terre ivoirienne d'Afrique !
Papa Wemba, la star aux multiples surnoms (Mwalimu, M'zée, Jules Presley, Chef Coutumier, Bakala dia kuba, Fula Ngenge, Kolo Histoire, Kuru Yaka, Vieux Bokul, Grand Maya, Ekumani,Elombe, Formateur des idoles, Notre Père…) restera dans les cœurs de ses fans du monde entier comme «un grand monument de la musique africaine». Une légende qui a à son palmarès des succès planétaires comme «Analengo» (1980), «Maria Valencia», «Wake up» ou encore «Yolele»…
Des tubes qui sont aujourd’hui emblèmes de la «World music».
Un fabuleux héritage qui fait que si Papa Wemba a physiquement disparu de la scène de la vie, il est restera à jamais sur celle de l’art, de la musique et de la Sape !
Moussa BOLLY
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