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Editorial : SOS ici on brûle les voleurs !
Publié le lundi 9 mai 2016  |  Soloni




Au voleur ! Au voleur ! Battez-le à mort ! Non, un demi litre d’essence et une boite d’allumette et hop le tout est fait! Qu’on en finisse ! Ces voleurs nous rendent la vie impossible. Voici le cri assaisonné de passion qui se faisait entendre un dimanche matin très tôt, aux environs de 6 heures à Gouana, un village de la commune rurale de Kalabancoro. Ce quartier et beaucoup d’autres du district de Bamako commencent à être dangereux pour les noctambules car celui qui était pris pour voleur n’était qu’un ivrogne qui a passé sa nuit dans un bistro. Il fut battu et brulé vif. Une semaine après c’est un autre qui se faisait brulé dans le village voisin (Missala) pour avoir volé un poulet qu’il ne mangera jamais encore moins le vendre.
Dans notre toute première parution, le numéro 0001 du vendredi 27 mai 2011, il y a cinq ans, nous avions souligné ce problème en ces termes : « si ça continue, un innocent pourra se faire tuer un jour ». Justement cela s’est produit et continue de se produire sous l’œil impuissant, j’allais dire indifférent des autorités en charge de la sécurité. Il est grand temps de penser à ce problème qui commence à prendre de l’ampleur : brûler ou battre à mort toute personne suspecte, est devenu désormais un jeu excitant pour la population. Ne serait-il pas mieux d’arrêter le dit suspect, lui livrer aux autorités compétentes pour poser des questions avant une quelconque punition ? Ne dit-on pas en langage africain que la nuit tous les chats sont gris ? Si tel est le cas, comment savoir le bon du mauvais chat sans passer par une vérification approfondie ? N’est-il pas dit dans toutes les religions monothéistes dites révélées : « tu ne tueras point » ? Tuer est un crime puni par loi, donc il est inconcevable de tuer une personne sous prétexte qu’il a volé. Où est donc le rôle de la justice ?
Conformément à la loi, toute personne prise en infraction qu’il délit de vol ou autre forme de crime doit être traduit devant les juges pour être jugé conformément à la loi et purger sa peine dans une des maisons de correction du pays. A mon humble avis, la maison d’arrêt et de correction n’est pas seulement un lieu de torture encore moins de tourments, mais c’est aussi et surtout un lieu de recueillement, un lieu où on devrait se remettre en cause. C’est également un cadre de formation et de discipline. N’est-ce pas vrai que certains détenus sortent de prison avec un métier sous appris en ces lieux ? Après de longs moments de détention, n’ont-ils pas tiré leçon de leur passé et commencé à mener une vie normale ? Voila ce que souhaite les juridictions vis-à-vis des prisonniers et non les abattre froidement. Si chacun devait être tué pour les infractions commises, beaucoup seraient aujourd’hui dans un autre monde car le fonctionnaire, qui détourne les deniers publics n’est pas mieux que ce voleur de poulet brulé vif.
Ici, il ne s’agit pas pour nous de défendre les voleurs encore moins encourager le vol, mais plutôt d’attirer l’attention de la population et des autorités au sujet de cette pratique qui n’est pas la bonne manière de rendre justice. Tuer une personne sans qu’elle ait même eu une seule occasion de s’exprimer sous prétexte qu’une personne à crier quelque part « Au voleur » est injustice. Le pire dans cette histoire c’est que certains ont trouvé en cela une occasion de se venger d’un tiers ennemi sans trop se salir la main puisqu’il s’agit de crier simplement « au voleur ! » pour qu’une foule se mobilise pour passer à l’action.
Le vol comme le meurtre sont punis par la loi donc celui qui vole et celui qui tue le voleur sont tous des coupables devant la loi. Les autorités doivent se lever pour mettre fin à cette situation qui n’est vraiment pas une bonne image pour un pays dit croyant.
Amadingué SAGARA
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