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Modibo Sidibé : «Le problème du Mali, c’est l’absence de projet politique»
Publié le mercredi 29 juin 2016  |  Le Reporter
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© aBamako.com par FS
Point de presse du parti FARE -AN KA WULI
Le Président du parti FARE-AN KA WULI, Modibo SIDIBE a animé un point de presse au siège du parti, le 13 Janvier 2016




Déjà les prémisses de la présidentielle malienne de 2018 ? Cela y ressemble fortement si l’on scrute d’un peu plus près la teneur du tour de chauffe de sept jours, certains diraient de l’opération séduction, que vient de s’offrir à Paris Modibo Sidibé, l’ancien Premier ministre d’Amadou Toumani Touré (ATT) aujourd’hui en exil à Dakar.

Alors que son pays est secoué par de violents affrontements entre, d’un côté, l’armée malienne et les troupes de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma), et de l’autre, certains groupes armés du Nord, le président des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare) se présente comme un recours. Échecs du passé, montée du fondamentalisme religieux, crise des migrants, retour de son ex-mentor ATT : il n’y a pas de sujets tabous pour celui qui semble prêt à défier IBK une seconde fois lors de la présidentielle de 2018.

Le Point Afrique : Pourquoi une grande tournée française maintenant ?

Modibo Sidibé : Nous sommes à un moment particulier de la relation entre le Mali et la France. En 2013, François Hollande a su répondre à l’appel du gouvernement malien en envoyant des troupes françaises afin de stopper la progression des groupes armés islamistes au nord du pays. Nous avons beaucoup apprécié cette intervention, ainsi que la venue du président français sur notre sol, un signal fort. Mais on mesure aujourd’hui aux affrontements qui se multiplient à quel point l’État malien reste fragile. Pour reconstruire le pays, il faut sortir du tout sécuritaire et construire une relation de partenaires plus globale entre nos deux pays.

Sur quelles bases imaginez-vous la reconstruction du Mali ?

On se focalise exagérément sur la question sécuritaire, comme si désarmer les groupuscules violents du nord du pays allait solder tous les problèmes du pays. Pour moi, la réponse ne peut pas être simplement militaire. Les enjeux sont aussi économiques et écologiques. Dans cette région, la sécheresse a effrité l’économie traditionnelle, qui a cédé la place à une économie criminelle. Il faut proposer autre chose, un projet économique alternatif, pour que la population puisse reprendre espoir.

Pensez-vous que l’espoir est là, alors que le Mali est un pays de départ pour des centaines de migrants irréguliers qui cherchent à rejoindre l’Europe ?

Le problème du Mali, c’est l’absence de projet politique. Les solutions qui ont été trouvées par l’actuel gouvernement, purement sécuritaires, ne sont pas sous-tendues par un projet politique. Ce projet ne peut pas être dessiné par la France ou la communauté internationale. C’est à nous, Maliens, de l’imaginer. Il faut, certes, commencer par ramener l’autorité là où elle n’est plus présente, et mettre sur pied un État fort et stable. C’est un préalable nécessaire, mais cela ne suffira pas. Il faut aussi discuter avec les populations pour tirer parti des atouts de notre territoire, dans le domaine agricole par exemple, ainsi que des possibilités offertes par les nouvelles technologies. J’étais récemment en visite dans un village où il n’y avait pas l’eau potable : on ne m’a pas réclamé un puits, mais une meilleure couverture réseau pour les téléphones portables ! La jeunesse malienne est inventive, il faut permettre à cette énergie de se libérer. Si l’on s’enferme, si l’on continue à prendre des décisions «entre nous» sans tenir compte de ces attentes, la crise migratoire ne fera que s’aggraver dans les années à venir.

Faute de perspectives de développement, la population malienne n’est-elle pas tentée de se tourner vers le fondamentalisme religieux ?

On ne peut pas nier l’importance de la question religieuse dans notre pays, même si, pour moi, il est faux de parler de fondamentalisme. On assiste bien à un regain de vigueur des religions, mais ce n’est pas un problème tant que la laïcité reste de mise dans la sphère publique. Pour l’instant, aucun leader religieux au Mali ne s’est prononcé contre la laïcité. Il faut faire en sorte de préserver cela en proposant à la population un modèle de développement original, qui ne soit pas forcément occidentaliste, mais pas non plus islamo-fondamentaliste. Pour faire émerger ce modèle, il faut s’appuyer sur la neutralité de l’armée et de l’administration, qui doivent être non partisanes, ainsi que sur une laïcité réaffirmée.

Le gouvernement actuel peut-il porter ce projet ?

Je ne veux pas faire de politique politicienne, mais l’actuel gouvernement ne me semble pas avoir pris la mesure des enjeux. Je ne vois pas de cap véritablement défini par le président IBK. Il ne suffit pas de préserver la démocratie, il faut la moderniser pour répondre aux attentes d’une jeunesse qui demande plus de gouvernance, plus de transparence, et ne supporte plus les abus constitutionnels.

Quid du retour sur la scène politique de votre mentor, l’ancien président Amadou Toumani Touré ? Son retour au Mali donnerait lieu à de discrètes tractations à Bamako mais aussi à Dakar, où il vit en exil avec sa famille ?

Pour moi, la question du retour d’ATT n’est pas politique, elle est institutionnelle. En tant qu’ancien chef de l’État dont personne ne conteste le patriotisme, il a le droit de vivre dans son pays. On se doit de lui reconnaître un statut. Cela est-il en cours de négociation : je ne suis pas dans le secret des Dieux…

Source : le Point Afrique
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