Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aBamako.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Mise en œuvre de l’Accord: ce qu’on ne dit pas !
Publié le lundi 4 juillet 2016  |  Info Matin
Réunion
© AFP par Farouk Batiche
Réunion d’urgence des pays membres de la médiation
Bamako, le 19 janvier 2016 l`Algérie a tenu Réunion d’urgence des pays membres de la médiation sur la crise malienne.




Si l’on assiste à une timide reconnaissance des efforts de l’État sous la forme de la nomination d’un Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord ou la signature de l’Entente sur les modalités pratiques de mise en place des autorités intérimaires, des chefs de circonscriptions administratives, le redéploiement des services déconcentrés de l’État et sur le mécanisme opérationnel de coordination ; il n’en demeure pas moins que des avancées significatives sont enregistrées sur d’autres registres nonobstant les contraintes objectives auxquelles il fait face.

À peine l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé que des voix s’élevaient pour dénoncer un retard de l’Etat dans sa mise en œuvre. Les dénonciations de ces derniers mois ont été particulièrement acerbes. Elles ont culminé dans le sillage du premier anniversaire de la signature de l’Accord. Ces attaques venaient et viennent encore autant des mouvements armés que de la Médiation internationale.

Les chicaneries
À l’ouverture de la 8e session ordinaire du Comité de Suivi de l’Accord de Paix, dans sa déclaration liminaire, le Président du Comité de suivi de l’Accord (CSA), l’Ambassadeur Ahmed Boutache (Algérie) disait : ‘’à ce sujet (Ndlr : les questions sécuritaires), il convient de préciser que les représentants des mouvements font des avancées et des progrès au niveau des mécanismes sécuritaires ou plutôt ils conditionnent les progrès au niveau des mécanismes sécuritaires par des progrès au sujet de l’administration intérimaire et nous croyons comprendre que du côté du Gouvernement, c’est la position inverse qui prévaut’’. Il poursuit son blâme de l’Etat par un exemple précis de défaillance de sa part : ‘’nous sommes dans une situation aujourd’hui dans laquelle des questions très simples tel que le plan humanitaire d’urgence n’a pas encore pu être pris en charge’’. En violation flagrante de toutes les règles diplomatiques, en matière de courtoisie, l’ambassadeur s’autorise à invectiver l’État, en déclarant : ‘’nous le savons tous, le problème fondamental auquel nous sommes confrontés est le manque sérieux de confiance entre les parties, qui n’arrivent pas à apprendre à travailler ensemble’’.
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon n’est pas demeuré en reste dans la vague d’inculpation de l’État. En effet, dans un Communiqué en date du 20 juin 2016, date marquant le premier anniversaire de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, on pouvait lire : ‘’le Secrétaire général forme l’espoir que l’ensemble des parties signataires assureront la mise en œuvre rapide et intégrale de l’Accord, avec à l’esprit les nombreux défis qui subsistent’’. Il est clair qu’il dénonce à son tour des lenteurs dans la mise en œuvre de l’Accord. Des lenteurs qui sont imputables à l’État, même si lui, à la différence de Ahmed Boutache fait preuve de délicatesse, pour porter son accusation.
Les mouvements armés ont été de leur côté très actifs dans cette campagne d’incrimination de l’État avec une Plateforme, curieusement plus virulente que le MNLA.
L’Opposition ne pouvait naturellement pas passer une si belle occasion pour mettre au pilori le régime. Dans une interview accordée à un confrère de la place, Tiébilé DRAME, apportait sa touche politique de dénigrement : ‘’le 15 décembre 2015, nous (opposition) avons voulu tirer la sonnette d’alarme sur l’immobilisme dans lequel le processus de paix était plongé. Il y avait un enlisement évident. Nous avons réuni majorité et opposition et les responsables des groupes armés présents à Bamako à l’époque, pour ensemble tirer la sonnette d’alarme. Vous avez pris des engagements à Alger, vous avez apposé votre signature les 15 mai et 20 juin 2015 sur un document, vous avez l’obligation de le mettre en œuvre, ne traînez pas les pieds’’.
À croire les différentes réactions, c’est comme si rien ne se passait que l’Accord est resté lettre morte.

Des avancées appréciables
Pourtant, outre la décision du Président de nommer M. Mahamadou DIAGOURAGA comme son Haut Représentant pour la mise en œuvre de l’Accord, ainsi que la signature par le Gouvernement et les groupes armés signataires du Protocole d’Entente sur les autorités intérimaires et d’autres arrangements connexes, il y a bien d’autres ‘’avancées significatives’’ dans le processus de paix. Pour des raisons obscures, l’on se garde soigneusement d’en parler, mettant le focus sur les deux événements les plus récents. Pourquoi cette dissimulation ?
Les avancées concernent les domaines ci-dessous évoqués.

D’importantes réformes
Au titre des réformes politiques et institutionnelles initiées dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord, il convient de noter : la mise en place et l’installation des Agences de Développement Régional (ADR) ; la nomination et l’installation des gouverneurs des deux régions nouvellement créées, Taoudénit et Ménaka ; l’adoption en cours par l’Assemblée nationale malienne des projets de textes relatifs aux autorités intérimaires, conformément aux dispositions y afférentes de l’Accord ; la validation par la Cour constitutionnelle de la loi relative aux autorités intérimaires qui contribuera à faciliter la mise en place des autorités intérimaires et à favoriser l’avancement du processus de mise en œuvre de l’Accord ; l’amorce de la révision constitutionnelle, à travers l’élaboration de projets de décrets destinés à prendre en charge les dispositions de l’Accord relatives à la création de la deuxième Chambre du parlement.
Dans le domaine du développement économique, social et culturel, l’on peut relever les progrès suivants : la poursuite des actions de développement sur le terrain là où les conditions de sécurité le permettent, à travers des projets et programmes sectoriels ; l’organisation de la Conférence de Paris, le 22 octobre 2015, pour la mobilisation des fonds nécessaires à la mise en œuvre de l’Accord (des annonces de contribution ont été faites pour un montant de 3,2 milliards d’euros) ; la réalisation de la Mission d’Évaluation Conjointe (MIEC) sur le Nord du Mali dont le rapport final vient d’être communiqué aux parties maliennes ; l’élaboration de la Stratégie Spécifique de Développement des Régions du Nord du Mali (SSD/NM) dont la première mouture est déjà prête ; le gouvernement envisage d’organiser des missions de sa restitution sur le terrain ; la tenue, les 24 et 25 mars 2016, d’une concertation sur le financement des infrastructures pour le désenclavement des régions du Nord du Mali, 5 projets routiers et 5 projets aéroportuaires ayant été soumis.

La défense et la sécurité
Les questions de défense et de sécurité ont également été prises en compte par le Gouvernement. À cet sujet, l’on peut citer : la création du cadre institutionnel de la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) et la nomination d’un commissaire à la RSS ; la création de la Commission Nationale Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (CN-DDR) et de la Commission d’Intégration (CI) ; l’identification des 24 sites à viabiliser par la MINUSMA pour le cantonnement des combattants et début de réalisation de trois sites à Likrakar, Fafa et Inegar, ainsi que l’accord pour la construction de cinq autres sites ; la réalisation de la première patrouille mixte (Forces armées Maliennes, Plateforme et CMA), formule susceptible d’évoluer, selon le vœu des parties elles-mêmes, vers des ‘‘ unités mixtes ‘‘.
Pour mettre en marche le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), le gouvernement a mis à sa disposition 42 véhicules en vue d’assurer les patrouilles mixtes dans les régions du Nord du Mali. D’une valeur de plus 2 milliards de FCFA, ces véhicules de type pick-up, contribueront à l’organisation de patrouilles mixtes (FAMAS et mouvements armés). À noter que ce fonds provient des 5 milliards de FCFA que le gouvernement a engagés pour le fonctionnement du MOC.

La justice-réconciliation
En ce qui est des questions relatives à la Justice-réconciliation nationale-questions humanitaires, des initiatives heureuses ont été prises par le Gouvernement. L’on peut mentionner à cet effet : la relance des services sociaux de base dans les régions du Nord du Mali a constitué l’une des priorités majeures de l’action du gouvernement du Mali, à travers, notamment, la réouverture des écoles dans certaines villes dont Kidal, le rétablissement de l’électricité à Kidal (acquisition et mise en service d’un générateur renforcé et distribution de kits solaires pour l’éclairage des centres de services sociaux) ; l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie et d’un plan d’action en faveur du retour des réfugiés et des personnes déplacées ; le démarrage effectif des travaux de la Commission Vérité-Justice et Réconciliation (CVJR) composée de 25 membres, au lieu des 15 prévus initialement, pour améliorer le caractère inclusif de cet organe et accroître la représentation des mouvements, cet organe particulièrement important ayant porté à sa vice-présidence une militante de tout premier plan d’un Mouvement politico-militaire du Nord du Mali ; les préparatifs de la Conférence d’Entente Nationale sont lancés et, dans ce cadre, le gouvernement a préparé un avant-projet de termes de référence et adopté un décret d’application de la Loi relative à l’indemnisation des victimes des évènements de 2012.

Des contraintes objectives
Les chicaneries de l’État devraient être atténuées par les avancées appréciables ci-dessus mentionnées ; si tant que l’on est de bonne foi.
À cela, il faut ajouter quand même que c’est pratiquement l’État seul (même si dans l’Accord pour la paix il est très souvent stipulé ‘’les Parties’’) qui prend tous les engagements dans l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger. Par conséquent, il est attendu sur l’ensemble des points et en même temps. Ce qui représente une contrainte majeure.
D’autres contraintes existent, à savoir l’indisponibilité de tout le financement nécessaire à la réalisation des projets et programmes prévus à l’annexe 3 de l’Accord ; la persistance de l’insécurité ambiante qui freine la relance des actions de développement, en particulier, au Nord ; les menaces liées à la persistance du terrorisme et du narcotrafic ; la complexité des procédures de décaissement du financement déjà acquis et, d’une manière générale, certaines lenteurs dans le processus décisionnel pour la concrétisation des mesures stipulées dans l’Accord…
En définitive, sans être d’un optimisme béat, le chemin de tout processus de paix étant semé d’embûches, il y a de bonnes raisons d’être positif, de voir le verre à moitié plein, au lieu du verre à moitié vide.

Par Bertin DAKOUO
Commentaires