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Marche contre les autorités intérimaires : Après Gao, jusqu’où la révolte?
Publié le jeudi 14 juillet 2016  |  L’aube




Bavure, dérapage, incapacité ou incompétence sécuritaire, la marche du 12 juillet 2016 à Gao contre les autorités intérimaires ressemble fort à une répression sanglante contre la liberté d’expression. Des corps sans vie, du sang par terre, des personnes arrêtées et emprisonnées etc. sont autant d’actes qui ont engendré une levée de boucliers des populations maliennes, qui ont subitement décidé d’être solidaires envers les jeunes de Gao qui ont payé le lourd tribut de la marche de mardi.
Ainsi, en plus des multiples condamnations des partis politiques et de la société civile, d’autres organisations et mouvements projettent des marches de soutien à Gao, devenue désormais le concentré du Mali qui résiste. Au même moment, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) persiste dans l’arrogance et la provocation.
L’Etat malien a failli, en tuant ses propres fils. Le président de la République a renié son serment du 4 septembre 2013 en laissant mourir ses concitoyens. Et pour cause : mardi 12 juillet, les forces de sécurité maliennes ont réprimé dans le sang une marche pacifique de la jeunesse de Gao contre les autorités intérimaires dont l’installation est prévue pour demain vendredi dans les localités du nord du pays. Le bilan est très lourd : entre 2 et 6 morts ; des dizaines de blessés et plusieurs marcheurs interpellés (puis libérés plus tard sous la pression).
Pourquoi ôter tant de vies pour une revendication aussi légitime que le rejet des autorités intérimaires par une jeunesse qui veut juste rester dans le giron de la République ? Une jeunesse qui ne reconnaît pas un Etat fantôme et fantoche (l’Azawad) que des égarés (les rebelles de la CMA) et des forces obscurantistes (France, Algérie…) veulent lui imposer.
Avec cette répression, l’Etat semble signifier aux populations de Gao, qui ne sont pas à leur première révolte (marche contre la Minusma), qu’il les abandonne et qu’il n’hésiterait pas à le refaire s’il y a lieu.
En attendant, l’enseignement majeur de la répression sanglante du 12 juillet, c’est qu’elle créé une levée de boucliers des Maliens et occasionné une vague de sympathie, de solidarité et de soutien envers la jeunesse de la Cité des Askia.
Ainsi, Tombouctou serait contre l’installation des autorités intérimaires, y voyant, comme Gao, « un pas de plus vers la participation du Mali ».
C’est ainsi que les jeunes patriotes de la ville des 333 Saints ont décidé de sortir massivement ce jeudi 14 juillet pour soutenir l’action patriotique des jeunes de Gao. Cette marche, décrétée pacifique, commence à 9 heures, à la place Sankoré pour rallier le gouvernorat en passant par la rue Kalémé, Foire Yobou.
Pendant ce temps, la jeunesse de Gao poursuit son action. Les manifestants ont passé la nuit du 12 au 13 devant le gouvernorat et y sont restés pendant une bonne partie de la matinée d’hier.
Tout comme Tombouctou, la jeunesse de Bamako et de Kati aussi marche ce matin. Rendez-vous au Monument de l’Indépendance. Cette marche a été décidée hier à la faveur d’une rencontre tenue entre jeunes de la capitale. Sur les réseaux sociaux, ils avaient lancé l’invitation suivante : « Dignes filles et fils du Mali !!!
Réunion par esprit de solidarité avec nos sœurs et frères de Gao...Demain MERCREDI à 16h, à la Maison des Jeunes de Bamako...Merci de répondre à l'appel du Mali !!! Un Peuple - Un But - Une Foi !!! Au nom de la Jeunesse de Bamako et Kati ».
D’autres associations, à l’image de Méritocratie Malienne, soutiennent Gao dans son combat pour rester dans le Mali.
« Soutien total à la population de Gao. Soutenons Gao. Montrons notre indignation. Aujourd'hui, c'est Gao. Demain, ce sera qui ? On nous tue comme des mouches. Et on ne fait que regarder ? Agissons et disons Non à la barbarie des autorités, qui chouchoutent les terroristes et tirent sur sa propre population », peut-on lire sur la page facebook de cette association.
A l’extérieur, la diaspora malienne est de cœur avec les populations de Gao. Ils étaient nombreux hier devant le Consulat du Mali à Paris pour prouver leur soutien à leurs compatriotes restés au pays. Un sit-in bien suivi, selon nos sources.
Ces actions concrètes viennent habiller les communiqués de condamnations politiques et de la société civile.
Vague de condamnations
L’Opposition républicaine et démocratique apporte son soutien total à la jeunesse de Gao et tient le Gouvernement seul responsable des morts et des blessés de ce 12 juillet. Car, pour elle, c'est bien l'aveuglement, l'entêtement et l'autisme du Gouvernement qui sont à l'origine de la tension et des morts de Gao.
« Le passage en force de la loi sur les autorités intérimaires, la violation de la constitution et le piétinement par le Gouvernement de la loi à peine votée, la gestion chaotique de la crise du Nord ont provoqué l'indignation et la colère, légitimes, du peuple malien en général, des populations de Gao en particulier. La flambée de violence de ce 12 juillet, la montée de la tension à Kidal, l'insécurité rampante en 5ème région, la multiplication des attaques djihadistes contre les FAMAS et les populations civiles sont des signes patents des dangers qui guettent notre Nation, et nos autorités semblent être les seules à ne pas percevoir leur gravité », prévient-elle.
Le Bureau Politique National de la CNAS-Faso Hèrè (Convention Nationale pour une Afrique Solidaire) exprime sa vive consternation devant les graves évènements survenus à Gao mardi. Tout en rappelant que l’état d’urgence n’implique pas ipso facto l’interdiction de toute manifestation publique, la CNAS-Faso Hèrè exige qu’une enquête indépendante soit diligentée pour situer les responsabilités et punir les auteurs de la tuerie qui vient d’ensanglanter la Cité des Askia.
Le parti de Soumana Sako constate à nouveau que, loin de régler la crise qui secoue le Septentrion et d’autres zones du Mali, l’Accord d’Alger prépare le lit de la partition de notre pays et prétend imposer des groupes armés minoritaires dépourvus de toute légitimité à la volonté majoritaire du Peuple malien. Les douloureux évènements de Gao confirment le rejet des soit disant ‘’autorités intérimaires ‘’ par le Peuple du 22 septembre 1960 et la détermination de celui-ci à reprendre l’initiative du processus de sortie de crise.
La CNAS-Faso Hèrè invite toutes les forces patriotiques, républicaines, démocratiques et progressistes à redoubler de vigilance et de mobilisation pour défendre notre Etat unitaire et laïc, sa Constitution démocratique, son unité nationale et son intégrité territoriale.
La foutaise de la CMA
A contre-pied de toutes ces motions de soutiens, la Coordination des Mouvements de l’Azawad fait un communiqué de foutaise comme pour narguer les autorités et les populations de Gao. Extrait : « …C'est cependant avec consternation que la CMA apprend que les manifestants portent un grief contre le principe des autorités intérimaires. Celui-ci devrait pourtant permettre aux populations locales, conformément aux dispositions de l'accord d'Alger, de s’autogérer et de prendre pleinement leur destin en main.
Ce même principe garantit qu'aucune force ou personne extérieure à la localité ne viendrait administrer Gao à la place ou lieu de ses ressortissants. Cela s'applique à toutes les localités de l'Azawad et devrait rassurer tout un chacun du bien fondé et de la légitimité de cette évolution. Cette marche nous rappelle à quel point il est aujourd'hui urgent de procéder aux changements nécessaires afin que la population de l’Azawad prenne en charge son avenir et puisse surmonter la misère et le désespoir.
La CMA demande une enquête diligente afin d'identifier les responsabilités ayant causé la mort de plusieurs civils.
La CMA appelle la population de Gao au calme et à la retenue. Elle invite par ailleurs les autorités et responsables locaux à opter pour l'implication au processus des autorités de transition plus tôt qu'au rejet ».
D’autres structures et associations ont condamné soit la marche ou la répression de la marche. Il s’agit de l’Amdh, de la Plateforme, du Conseil national des jeunes. Sans oublier tous ces Maliens qui ont marqué leur indignation via les réseaux sociaux (lire notre deuxième article).
Sékou Tamboura
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