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Gouvernance au MALI: Entre contradiction, égarement et populisme
Publié le vendredi 29 juillet 2016  |  La Sentinelle
Primature:
© aBamako.com par mouhamar
Primature: La passation de pouvoirs entre le PM sortant Moussa Mara et le PM entrant, Modibo Keita
Bamako, le 09 janvier 2015. La passation de pouvoirs entre le Premier ministre sortant, Moussa Mara et le Premier ministre entrant, Modibo Keita a eu lieu ce vendredi à la Primature.  




Pendant que le ministre Baby s’échine à créer des emplois, son homologue de l’administration territoriale les supprime. Pendant que Salif Traoré de la sécurité intérieure s’applique à lutter contre l’insécurité, la Gouverneure du District favorise le banditisme… Et encore, pendant que le gouvernement tente de décourager l’immigration, il pousse au même moment les potentiels candidats à prendre la mer… Les contradictions et asymétries ne manquent décidément pas dans la gouvernance au Mali sous IBK ! Un tel phénomène est symbolisé par Ouroboros, le grand serpent de la mythologie gréco-latine dévorant éternellement sa propre queue : l’allégorique de l’éternel recommencement et de la contradiction.
Sous le prétexte d’une opération dénommée «Bamako Ville-propre», la nouvelle Gouverneure du District procède, à l’heure actuelle à la démolition et au déguerpissement des installations censées encombrer la voie publique.
Le summum de l’irresponsabilité
Certains usagers s’en réjouissent pendant que les politiques gardent un silence assourdissant et inculte. Heureux les simples d’esprit ! C’est, dit-elle, dans la perspective du sommet France-Afrique et… Disons-le tout de suite: le Mali n’a nullement besoin d’un quelconque Sommet, mais de se réconcilier avec lui-même. Si la France, pour des raisons de courtoisie diplomatique ne peut le signifier à qui de droit, les Maliens se doivent eux, d’y renoncer. C’est une question de bon sens. L’heure est grève et nul besoin de populisme stérile !
Et soi-dit en passant: qu’a donc reproché le camp présidentiel à l’opposition politique à propos de sa marche initialement prévue pour le 23 avril dernier ? Ah oui, que le moment ne se prêtait pas à un tel exercice au regard de l’état de déliquescence du pays ! Cette situation s’est-elle améliorée ? Nous nous contentons juste de montrer le tableau: un président de la République pas au summum de sa forme et contraint d’effectuer une «visite privée» et précipitée en France ; revers de l’armée à Nampala; troubles à Gao, Kidal toujours incertaine ; des litiges fonciers entrainant mort d’hommes un peu partout au sud du pays; des mouvements de grèves en perspective ou en cours; une situation socioéconomique pas reluisante et c’est le ministre Boubou Cissé qui l’atteste. Invité de l’émission «Action Gouvernementale» diffusée sur l’ORTM Dimanche dernier, Dr Boubou Cissé a effet confessé ceci : «On entend les plaintes des Maliens pour la simple raison que nous sommes nous-mêmes des Maliens. Nous avons des parents dans des conditions difficiles que vous voyez tous les jours. Nous ne pouvons pas faire tout en un seul temps. C’est de façon progressive».
C’est dans ce contexte que cet Etat, qui au demeurant n’a rien construit du tout, décide de démolir. On ne dira pas que c’est l’Opposition qui cherche à compromettre les maigres acquis et déstabiliser ainsi le régime, mais plutôt le Gouvernement lui-même. Vous souvenez-vous de la cause immédiate du «Printemps Arabe» en Tunisie?
Des milliers d’emplois supprimés et des pertes sèches pour les caisses de l’Etat: un véritable gâchis !
Rien ou presque rien n’est épargné (lire encadré : «quand un confrère force notre admiration»). Les points de vente des PMU-Mali, des sociétés MALITEL et Orange-Mali, des installations appartenant à des particuliers ont tous été rasés (certains autres appartenant à des nantis ont été cependant épargnés : lire article : «elle épargne les riches»).
Tenez: à lui seul, le PMU-Mali assure à Bamako plus de 5.000 emplois directs ou indirects. Idem pour MALITEL et Orange-Mali. Même si l’on ne peut quantifier le cas des particuliers, l’on sait que le chiffre s’avère très important. Ce, à la grande satisfaction du Ministre de l’Emploi et celui des Maliens de la diaspora lequel s’applique à dissuader les candidats à l’immigration. Ces activités l’y aident puisque de nature à fixer les postulants.
Aussi, ces emplois même précaires et informels contribuent au renchérissement des caisses de l’Etat. Les occupants sont en effet soumis au paiement de l’impôt synthétique (entre 30.000 et 100.000 F CFA) et des taxes municipales quotidiennement reversées au Trésor public. Ces recettes sont ensuite dispatchées entre les collectivités de Kayes à Kidal. A titre illustratif : les recettes de la commune II peuvent par exemple se retrouver à Abeïbara.
C’est dire que la mesure affecte dangereusement l’économie du pays dans un contexte particulièrement difficile et où le désœuvrement des jeunes sévit avec acuité.
En supprimant ainsi des emplois, et pour des raisons très discutables, l’Etat accentue le chômage avec ses corollaires dont le banditisme, la prostitution. On le sait: l’oisiveté reste la mère de tous les vices.
Un terreau fertile pour les recruteurs jihadistes

Les spécialistes sont formels: le terrorisme et le jihadisme en l’occurrence se nourrissent de la pauvreté et de l’injustice. Les Maliens et les jeunes en particuliers connaissent bien ces phénomènes. Ils sont pauvres et sévissent quotidiennement des cas d’injustice. L’attestent, les conflits fonciers à l’issue des décisions de justice très controversées. Il faut désormais ajouter à cela cette opération de déguerpissement et de démolition arbitraire. Arbitraire, parce que ne respectant pas la procédure (ce n’est qu’après coup que certains occupants ont reçu des avis, et d’autres, pas encore).
Aussi, pour des raisons d’ordre social dans notre pays, il est inhumain voir cruel de déloger ou de démolir en période hivernale. Il existe d’ailleurs deux jurisprudences en la matière.
Au mois d’Août 2014 et suite à l’affaire de Kalanbanbougou portant sur des cas de démolitions et d’expulsion, le Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Me. Mohamed Ali Bathily, au moment des faits, a indiqué ceci face à la presse: «On sait qu’en matière de droit, pendant des saisons délicates comme l’hivernage au Mali, on n’expulse pas quelqu’un».
Et pour sa part, le Ministre de la justice ayant succédé à Me Bathily, il prit une décision (N° 0378/ MJDH-SG du 23 juin 2015) interdisant toute opération d’expulsion et de démolition en période hivernale. Voici un passage de la décision concernée et adressée à tous Procureurs Généraux, tous Procureurs de la République et tous Juges de paix à compétence étendue:
«L’exécution des décisions de justice, est sans conteste, un moment fort dans le processus de distribution de la justice (…). Cette exécution, peut, toutefois, s’avérer socialement incompréhensible lorsqu’il s’agira par exemple, par temps de pluie, de faire sortir une famille d’une concession qu’elle a toujours habitée ou de la démolir… Aussi, pour donner à notre institution un visage plus humain, je vous invite, en accord avec les huissiers de justice de vos ressorts respectifs, à surseoir à l’exécution des décisions d’expulsions et de démolition et cela, pendant toute la période hivernale qui s’annonce sur notre pays. (Signé: Mahamadou Diarra, Ministre de la justice et des Droits de l’Homme).
L’hivernage est particulièrement sensible dans notre pays puisque correspondant également à la période économique dite de soudure, très éprouvante pour les ménages.
En définitive, ces populations déjà fragilisées par les aléas socioéconomiques sont susceptibles de constituer des cibles faciles pour les recruteurs jihadistes que l’on sait présents dans notre pays. Et l’Etat lui-même leur aurait créé les conditions favorables. Ignore-t-il qu’une partie non négligeable de ses administrés est prédisposée au phénomène ?
Aussi, pour des raisons de survie tout court, les victimes de ce déguerpissement abusif peuvent verser dans la petite ou grande délinquance et exacerber ainsi l’insécurité déjà perpétuelle. Tout cela par à cause du populisme des autorités.
Le moment ne se prête pas à une telle opération. L’urgence à Bamako reste la lutte contre l’insécurité et la réduction du chômage. Mais voilà: à la recherche du confort en faveur de quelques passants l’on fait perdre les acquis de plusieurs années à certains.

B.S. Diarra
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