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Chronique satirique: madame la gouverneure ou madame bulldozer ?
Publié le lundi 1 aout 2016  |  Le Procès Verbal
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© aBamako.com par Momo
7 conférences des Ministre en charge de l’emploi et de la formation professionnelle de l’espace UEMOA
Bamako, le 14 juillet 2016 les rideaux sont tombés sur les travaux de la 7 conférences des Ministre en charge de l’emploi et de la formation professionnelle de l’espace UEMOA au Radisson Blu de Bamako. photo Amy Kane




La nouvelle gouverneure du district de Bamako, Amy Kane, s’ennuyait ferme dans son bureau depuis sa nomination. Après s’être bien creusé la tête (à la matraque ?), notre gentille dame, contrôleur de police de son état, s’est découvert une mission de la plus haute importance et de la plus extrême urgence : démolir les petits commerces installés au bord des routes et chasser à coups de bâton les occupants. L’affaire est dans les cordes de la gouverneure qui, lors de son séjour à la tête de la Brigade des Mœurs de Bamako, a acquis une solide réputation de « Dame de fer ». La Margareth Tatcher locale, quoi ! Un prétexte royal de démolition est tout trouvé: l’an prochain, notre belle capitale doit abriter le sommet France-Afrique et il ne faudrait pas (surtout pas !) que par le hublot de leurs avions ou la vitre de leurs limousines noires, les hôtes de marque (dont l’empereur François Hollande 1er) voient les misérables kiosques et les hordes de mendiants qui encombrent les trottoirs. Outre ses fines compétences de démolisseur et le prétexte du Sommet franco-africain, Madame la gouverneure a tous les moyens de sa politique, pardon!, de sa mission: les bulldozers de la mairie de Bamako, les policiers (ses vieux amis) et, bien entendu, de pleines cargaisons de gaz lacrymogène destinées aux occupants récalcitrants. Cerise sur le gâteau, si Amy Kane réussit à déguerpir le beau monde des trottoirs, elle recevra assurément les vives félicitations de Ladji Bourama, ce qui, en soi, vaut de l’or puisque depuis 2013, certains nomades politiques n’ont même pas eu le bonheur de serrer la main du grand chef. Qui sait ? N’étant pas brouillée avec le Chérif de Nioro ni apparentée à aucun « hassidi » de l’opposition, Madame la gouverneure pourrait devenir ministre. Oh non! Je ne dis pas ministre de la Sécurité (poste jalousement gardé par le tout nouveau général Salif Traoré), ni ministre de l’Administration Territoriale (chasse gardée de l’ex-directeur de campagne de Ladji Bourama). Je veux dire simplement ministre de quelque chose : pourquoi pas ministre d’Etat chargée des Fossés, des Trottoirs et des Bulldozers ?

Danger économique

Sitôt dit, sitôt fait: voilà la machine de démolition en marche. Depuis plusieurs jours, les kiosques, étals et hangars de fortune tombent les uns après les autres. Parfois, les démolitions interviennent en pleine nuit, ce qui, ironie du sort, ressemble comme deux gouttes d’eau à des opérations « djihadistes » dignes de Kaboul ou de Baghdad. Et que fait-on du butin de guerre, c’est-à-dire de la paille et de la ferraille issues des démolitions ? Ces joyeux débris sont chargés dans des bennes et jetés quelque part entre Bamako et Kati. On aurait peut-être choisi une autre destination sila junte du général Sanogo vivait encore ! Quant à savoir les conséquences sur les populations, Madame la gouverneure ne paraît pas s’en soucier une minute. Depuis quand une policière éprouverait-elle des états d’âme ? Or, en fait de conséquences, il y en a à la pelle !
L’affaire cause un sacré manque à gagner au trésor public. Les centaines de kiosques et de petits commerces que l’on détruit versaient bon an mal an au moins 30. 000 FCFA d’impôt synthétique et de lourdes taxes aux municipalités. De contributeurs, messieurs les déguerpis deviennent du jour au lendemain des mendiants à la charge de leur famille, laquelle, depuis longtemps, ne voit même pas une queue de diable à tirer.
Bien sûr, je n’oublie pas les milliers d’emplois jetés dans le lac. De fait, il n’y aura plus personne pour opérer dans les kiosques du PMU-Mali ou d’Orange Money emportés par les bulldozers. Les vendeuses de colas et de beignets qui vivaient de la menue monnaie glanée journellement sur les trottoirs vont devoir rester à la maison et vivre d’eau chaude, de « tô » et de « monni ».

Quelle urgence ?

Bon ! On me dira que l’Etat souverain du Mali a assez d’argent pour se passer des malheureux impôts et taxes issus des trottoirs. Fort bien! Mais alors, pourquoi, avant de démolir les kiosques, notre richissime Etat n’a-t-il pas commencé par goudronner les avenues, rues et ruelles de la cité ? Pourquoi les bulldozers n’ont-ils pas d’abord vidé les caniveaux qui, partout, rejettent des cadavres de poules et de rats ? Je me souviens que pour justifier sa carence dans le ramassage des ordures, la mairie de Bamako s’est dite dépourvue de bennes et d’argent pour rémunérer ses prestataires: c’est d’ailleurs pourquoi l’Etat, sans doute pour éviter une épidémie de peste, a fait appel aux services de l’entreprise marocaine « Ozone ». Pourtant, il a suffi que la gouverneure décide de démolir des installations pour qu’une immense armée de bennes et de bulldozers apparaisse ! Quelqu’un cachait-il donc ces engins dans l’Azawad ou dans le Macina, le royaume d’Amadou Kouffa ? Ou bien le Mali a-t-il enfin receptionné les 5000 milliards promis par les Chinois ?
Avant de jeter tout ce beau monde dans la détresse, l’Etat aurait pu mettre en place un fonds d’indemnisation. Ou indiquer un lieu de recasement. Mais je ne vois rien de tel. A moins que dans les heures à venir, Madame la gouverneure ne songe à ouvrir devant ses bureaux une cantine publique destinée aux nécessiteux qu’elle aura créés… En tout cas, je ne crois pas que pour des démolitions d’une telle ampleur, on ait observé un minimum de légalité et de sensibilisation. Beaucoup de victimes n’ont pas reçu d’avis individuel de déguerpissement et n’ont pu, de ce fait, éviter le pire. Certaines n’ont reçu d’avis qu’après le passage des bulldozers. Madame Bulldozer, pardon!, Madame la gouverneure croirait-elle suffisants les avis et communiqués lus à l’ORTM ? Et puis, la plupart des usagers se croyaient en règle et hors d’atteinte des bulldozers puisqu’ils payaient régulièrement des taxes à la mairie et détenaient des autorisations d’occupation dûment délivrées par le maire. Le petit peuple des trottoirs n’ayant pas passé une agrégation en droit, il ne peut imaginer qu’un « papier » délivré par le maire ne vaut que des haricots en face d’un Sommet France-Afrique ! Par ailleurs, Madame la gouverneure ne peut ignorer qu’on se trouve en saison des pluies, une période difficile où la loi n’encourage guère à jeter quelqu’un dehors. C’est le sens de l’article 711 du Code de procédure civile qui permet au juge de suspendre l’exécution des jugements d’expulsion et de démolition en hivernage. C’est aussi le sens de la lettre-circulaire n° 0378/ MJDH-SG du 23 juin 2015 par lequelle l’ex- ministre de la justice, Mahamadou Diarra, a instruit aux procureurs de s’opposer à toute expulsion ou démolition en hivernage et ce, « pour donner à notre institution un visage plus humain ». Apparemment, nos chers amis démolisseurs préfèrent un « trottoir plus beau » à un « visage plus humain »!
En définitive, j’approuve dans dans le principe la volonté d’assainir la ville et de dégager les artères. Mais l’impréparation qui entoure « l’opération bulldozer » de la gouverneure lui ôte toute légitimité et toute légalité. Du coup, la chose est vécue, non comme une oeuvre de salubrité publique, mais plutôt comme une grave injustice. Amy Kane l’a d’ailleurs appris à ses dépens. Samedi 30 juillet, elle a échappé de peu au lynchage suite à la révolte des usagers. En tirera-t-elle les leçons ou les tirera-t-on à sa place ?

Tiékorobani


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