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Révision constitutionnelle au Mali: Et si le Fédéralisme était désormais la meilleure forme de Gouvernance ?
Publié le jeudi 4 aout 2016  |  Carrefour
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© Autre presse par EMA
lancement de l`opération militaire en appui des forces armées maliennes baptisée Serval




A la faveur de la signature de l’Accord di d’Alger pour la Paix et la Réconciliation au Mali, suite à la triple crise sécuritaire, institutionnelle et humanitaire, à partir de janvier 2012, le Mali est obligé d’aller à une révision constitutionnelle pour non seulement l’adapter à un certain nombre d’engagements pris par le régime d’IBK, mais aussi afin que le Mali puisse rester dans une forme d’indivisibilité.
Le régime a trop concédé aux belligérants sans s’en référer à une concertation nationale afin de délimiter le contour de ce qui peut être accepté sans aller à un bouleversement total et refuser ce qui n’est pas négociable. IBK en évitant cela, a voulu sauver son régime, sans vouloir sauver le Mali avec lui.
La France a également imposé au régime, une autre forme de gestion de la région, à défaut de pouvoir lui donner l’indépendance à la faveur de la crise de 2012. C’est ce qui explique en grande partie la position de la France en soutenant vaille que vaille les positions des Ifogas de Kidal. Ce n’est donc pas de guetté que le Mali va à une révision constitutionnelle qui est à sa troisième tentative depuis l’avènement de la démocratie. Alpha Oumar KONARE a tenté en 2001 sans succès, il est parti sans pouvoir le faire.
Son successeur ATT a tenté sans succès, et un Coup d’Etat a emporté et lui et son projet de révision constitutionnelle. IBK va-t-il réussir là ou ses prédécesseurs ont échoué ?
Rappelons pour cela, quelques passages de l’accord qui obligent une révision de l’actuelle constitution. On peut citer entre autres :
Dans le cadre des mesures destinées à assurer une meilleure gouvernance, le règlement définitif du conflit nécessite une gouvernance qui tient compte des spécificités locales et qui s’articule autour des éléments tels que:
- la mise en place d’une architecture institutionnelle fondée sur des collectivités territoriales dotées d’organes élus au suffrage universel et de pouvoirs étendus ;
- la gestion par les populations des régions concernées de leurs propres affaires sur la base du principe de la libre administration ;
- une plus grande représentation des populations du nord au sein des institutions nationales ;
- le renforcement de l’Etat de droit en rapprochant la justice des justiciables ;
- la mise en place d’un système de défense et de sécurité basé sur les principes d’unicité, d’inclusivité et de représentativité ;
- une participation active et significative des populations, en particulier celles du nord, à la gestion de la sécurité locale ;
En ce qui concerneles questions Politiques et Institutionnelles et la réorganisation territoriale, les parties ont convenu de mettre en place une architecture institutionnelle permettant aux populations du nord, dans un esprit de pleine citoyenneté participative, de gérer leurs propres affaires, sur la base du principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ces populations au sein des institutions nationales. A cet effet, il est prévu certaines dispositions à savoir:
Au niveau local
- La région doit être dotée d’une Assemblée Régionale élue au suffrage universel direct, bénéficiant d’un très large transfert de compétences, de ressources et jouissant des pouvoirs juridiques, administratifs et financiers appropriés ;
- Le Président de l’Assemblée est élu au suffrage universel direct. Il est également le chef de l’Exécutif et de l’Administration de la région ;
- Les cercles et les communes sont dotés d’organes délibérants (Conseil de cercle et Conseil communal) élus au suffrage universel direct et dirigés par des bureaux ayant une fonction exécutive avec à leur tête un Président du Conseil de cercle et un Maire élus ;
- Il est reconnu à chaque région le droit d’adopter la dénomination officielle de son choix dans le cadre des dispositions relatives au statut juridique et au fonctionnement des régions.
Au niveau national
- réactiver et diligenter le processus de mise en place de la deuxième chambre du Parlement sous la dénomination de Sénat, de Conseil de la Nation ou de toute autre appellation de sa nature et de son rôle, et en faire une institution dont les missions et la composition favorisent la promotion des objectifs du présent Accord ;
- améliorer la représentation des populations à l’Assemblée Nationale par l’augmentation du nombre de circonscription électorales et/ou toutes autres mesures appropriées ;
- à court terme, prendre des mesures dans le sens de l’ouverture du Haut Conseil des collectivités notamment aux représentants des notabilités traditionnelles, aux femmes et aux jeunes ;
- assurer une meilleure représentation des populations du nord du Mali dans les institutions et grands services publics, corps et administrations de la République.
Pour ce qui est de la représentation de l’Etat et contrôle de légalité dans cette partie du Mali.
L’Etat nommera auprès des collectivités territoriales un Représentant, aux fins de préserver l’intérêt général. A ce titre, il relaiera la politique du Gouvernement sur les grands projets et facilitera la politique de développement économique et social et d’aménagement du territoire.
L’Etat, à travers son Représentant, exercera un contrôle de légalité a posteriori des actes administratifs des collectivités territoriales, les modalités d’exercice de ce contrôle seront définies par la loi.
Pour mieux comprendre les motivations des rebelles, il faudra rappeler aussi les formes d’administration par lesquelles l’Etat du Mali est passé depuis l’indépendance du pays. Ils jugent ces formes inappropriées et se sont plaints selon eux depuis 1960 jusqu’à maintenant.
Par forme de l’Etat on entend l’organisation des relations entre l’Etat et les collectivités qui le composent. De 1960 à 1991, nous avons eu à faire à un Etat unitaire concentré.
C’est celui dans lequel tout pouvoir de décision émane de l’Etat, de la capitale. Lorsqu’une question se pose dans une collectivité l’Etat envoie des agents spécialisés afin de la résoudre. Les collectivités composante ne disposaient en revanche d’aucun pouvoir ni d’aucune compétence. En général, les autorités locales ne sont même pas élues, elles sont nommées par le pouvoir central. Ce modèle largement inapplicable dans des Etats d’une assez grande taille reste à l’heure actuelle un modèle purement théorique.
De 1992 à 1998, l’Etat est passé par la forme unitaire déconcentrée.
C’est celui dans lequel des pouvoirs de décision sont accordés à des agents de l’Etat répartis dans les circonscriptions administratives et subordonnés à l’autorité hiérarchique de l’administration centrale. Ce modèle d’organisation existait toujours et était ainsi des organes déconcentrés, les préfets, quelques communes qui agissaient dans leurs circonscriptions sous le contrôle des autorités centrales.
De 1998 à 2012, l’Etat est passé par la forme décentralisée, celle dans laquelle certaines compétences étaient attribuées par l’Etat à des collectivités locales autonomes dotées, à côté de l’Etat de la personnalité juridique.
Cependant, l’Etat décentralisé revêt deux formes : celle technique et celle territoriale (politique). Dans notre cas, c’était la décentralisation territoriale donc politique, qui s’est manifestée par le fait que les collectivités territoriales s’administraient librement généralement par des Conseils élus. Les collectivités territoriales (région, département, communes), disposaient ainsi d’une certaine liberté quant à la gestion des affaires relatives aux intérêts qui leur étaient propres. Elles disposaient en principe d’un pouvoir réglementaire.
Avec la énième crise du nord en 2012, et à la faveur des assises sur la décentralisation en fin 2013, on nous a fait comprendre que cette forme contenait plusieurs insuffisances notamment le fait qu’elle ne puisse pas sa source dans le régionalisme politique suivant lequel s’affirment à côté de l’Etat proprement dit, des communautés culturelles, sociologiques et économiques.Egalement, elle ne se caractérisait pas par un partage de la puissance législative entre l’Etat et les collectivités qui devraient être autonomes.
Pour entériner la paix entre l’Etat central et sa partie du nord, occupée par les soit disant rebelles un accord contenant des dispositions contraires à l’actuelle constitution a été signé et, nous a amené de facto à une autre forme de gestion des collectivités appelée la Régionalisation ou l’Etat régional. C’est celui dans lequel les collectivités supérieures (les Régions) disposent du pouvoir d’adopter certaines lois dans une série de matières énumérées par la constitution. Là, il s’agit d’une véritable décentralisation politique, dans la mesure où l’Etat qui reste unitaire va transféré par la constitution une partie de ses compétences législative aux régions qui seront désormais autonomes.
En fait, l’Etat régional projeté dans l’Accord d’Alger pour la paix et la réconciliation peut être appelé aussi Etat autonomique se caractérisant par un partage de la puissance législative entre l’Etat et les Collectivités autonomes. Ces Collectivités qui disposeront de statut ne sont pour autant pas dotées comme les Etats fédérés d’une véritable constitution.
La libre détermination des politiques pour une libre administration dans les secteurs vitaux comme l’école, la culture, la santé, l’agro-pastoral etc… parmi une palette variée de domaines relèveront tous désormais de la compétence régionale qui aura les moyens financiers et les ressources humaines pour se faire.
Cette mesure s’applique à l’ensemble du territoire. Ce qui est une bonne chose, même si on peut craindre l’imminence au détriment de l’ensemble étatique unitaire en vigueur depuis le 22 septembre 1960 de petites entités micro étatiques autonomes dans la partie nord du Mali sur lesquels le pouvoir centrale n’aura pas d’emprise et même sur certains secteurs dits de souveraineté (l’armée, la sécurité, la justice). C’est pourquoi, certaines sources disent en Suisse, en Espagne, en Suède et en Norvège pensent que cet accord d’Alger est le bon, car il va donner à Kidal l’indépendance dans quelques années.
Si l’accord d’Alger se limitait à cette vision d’un Etat Régional avec des compétences à constitutionnaliser, il y avait rien à dire. Mais l’Accord va au-delà et nous amène dans un fédéralisme qui ne dit pas son nom.
Création d’une zone de développement des régions du nord sur une période de 10 à 15 ans pour booster leurs indicateurs de développement.
Je crains en voyant la liste longue de tous les engagements auxquels le gouvernement a souscrit, ne laisse la partie sud du Mali pour compte.
L’administration de la justice n’est plus uniforme sur l’ensemble du territoire national, du fait de la résurgence du système traditionnel basé sur les ‘’cadis’’.
L’Etat existera-t-il encore après la mise en œuvre de l’Accord ?
La représentativité du nord dans les institutions, dans les grands services de l’Etat et les corps armés deviendront désormais une réalité avec la mise en œuvre de l’accord,car les termes de l’accord sont clairs en la matière. Pourquoi alors les autres régions du Mali, ne peuvent-elles pas bénéficier de cette représentativité régionale dans les futurs gouvernements ?
Déjà avec les Autorités Intérimaires il y a problème, car il s’agit de chasser les conseillers civils des collectivités élus selon la constitution et les faire remplacer par des ex-combattants qui les géreront selon les désiratats de la CMA. Une fois installées, ces autorités ouvreront pour un référendum d’auto-détermination du peuple de l’Azawad. Bien entendu que la notion d’Azawad selon la CMA, englobe l’ensemble des régions du nord (Taoudéni, Kidal, Ménaka, Gao, Tombouctou). Ensuite on se retrouvera dans les mailles du système des Nations-Unies pour une question d’indépendance de cette partie du Mali.
Déjà actuellement, les régions du sud sont traitées avec la portion congrue de la libre administration. Depuis janvier 2012, 11 nouvelles régions ont été créés par ATT. C’est seulement à la faveur de la crise multidimensionnelle que Taoudéni et Ménaka ont eu droit à la nomination de leur Gouverneurs. Les neuf autres nouvelles régions sont laissées pour compte par le régime IBK. Ce qui ne nous semble pas normal. Pour une question d’équilibre, elles auront dû avoir aussi leurs Gouverneurs. Mais hélas, on a l’impression que les maliens sont trompés sur marchandise par IBK. Cet accord n’est pas réellement pour le Mali, mais pour le nord.
Déjà à ce stade, l’Etat n’a pas eu le courage d’exiger aux négociations, un équilibre entre toutes les parties du Mali dans l’Accord. Pour expliquer cette première défaite, on nous fait comprendre que les parties n’avaient pas la même lecture de l’accord dans sa partie qui concerne la mise en place des Autorités Intérimaires. Quel faut fuyant de la part d’un Etat qui se dit responsable?
L’injustice sera d’avantage flagrante dans la Gouvernance entre le nord et le sud, si l’on considère qu’il y aura une large représentativité des ressortissants du nord dans les instances de décisions, celles existantes et celles à créer. Cela reviendra à équilibrer, la représentation du nord par le nombre fictif. Cela se fera au détriment des populations du sud.
Après tous ces constats et propositions, nous souhaitons que la nouvelle constitution du Mali lui permette d’avoir son territoire, une identité nationale, sa souveraineté, les autres facettes d’un Etat tel que l’hymne national, le drapeau, un seul Président de la République, retrouver son cœur qui est l’entité administrative à travers l’Etat régionale que d’aucuns qualifient de décentralisation poussée.
Pour éviter cela, il faudra aller au fédéralisme entre toutes les régions fonctionnelles ou non. Dans ce cas il faudra un fédéralisme né par dissociation (Eclatement d’un Etat unitaire en 19 régions, plus le district de Bamako).

Badou S. KOBA
Source: CARREFOUR
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