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Me Mamadou Ismaël Konaté : «La justice qui renaît, cette justice est désormais aveugle, elle va poursuivre toutes les personnes qui sont en violation du droit, qui sont en inobservation de la loi…»
Publié le mercredi 24 aout 2016  |  Le Reporter
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© Autre presse par DR
Me Mamadou I. Konaté
Me Mamadou I. Konaté avocat pour le soutien du comité de soutien à notre confrère disparu




Le ministre de la Justice, des Droits de l’homme, Garde des sceaux, Me Mamadou Ismaël Konaté, a estimé vendredi qu’aucune opinion ne pouvait justifier de telles violences. C’est pourquoi l’État va se retourner contre tous ceux dont la responsabilité sera établie.

En plus de Ras Bath, ce sont 19 personnes, qui ont été interpellées à la suite de la manifestation de mercredi dernier. Ces 19 détenus vont sans doute être présentés devant le juge et répondre non seulement de leurs faits et gestes, mais également de la casse qui a été faite au tribunal de la commune IV. «L’Etat va se retourner, en termes de responsabilités, contre toutes les personnes qui seront mises en cause et dont les responsabilités ont été établies», a-t-il déclaré lors de sa visite au niveau du tribunal de grande instance de la commune IV, voici l’intégralité de son intervention.

«Je suis venu surtout m’enquérir de votre état d’esprit, après un acte aussi regrettable comme celui-ci. Ce que je vois ici, ce matin, Monsieur le président, est un spectacle de désolation, ni plus, ni moins. Aucune liberté, aucune opinion, aucune démarche ne peut justifier ce genre d’acte. Ce qui était mis en cause, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs du tribunal, c’est vos vies. C’est vos vies qui étaient en danger, parce que simplement un mouvement de foule, comme celui-ci, il est non seulement sourd, il est muet, il est aveugle. Il peut s’abattre sur tout le monde, peu importe la personne qui est en face, pourvu qu’il y ait le lien avec le tribunal. Je voudrais non seulement vous saluer, Monsieur le président, mais à travers vous, toute la justice du Mali.

Vous étiez grand hier, avant-hier du moins, et vous avez grandi l’institution judiciaire de ce point de vue-là. Du fond du cœur, je voudrais vous saluer et vous dire combien je suis avec vous. S’il fallait être avec vous, le jour de la manifestation, je serais là parce que simplement une personne, un individu réclamant la liberté et la justice, au nom de la liberté et de la justice, s’est exprimé dans les conditions et dans les excès tels que la justice a décidé de le poursuivre. Nul n’est au-dessus de la loi, fut-il ministre, fut-il président de la République, fut-il député à l’Assemblée nationale.

S’il y a un message qu’il faut faire passer dans ce pays, c’est que la justice renaît, à travers vous, à travers votre courage et à travers votre engagement. Au-delà de la justice qui renaît, cette justice est désormais aveugle, elle va poursuivre toutes les personnes qui sont en violation du droit, qui sont en inobservation de la loi. Et je suis heureux qu’aucune vie n’ait été mise en cause ici, à l’exception de la personne qui est décédée, pour laquelle je m’incline, je salue la mémoire. Ceux qui ont appelé à descendre dans la rue, ceux qui se sont mis en mouvement, Monsieur le président, vont devoir répondre vis-à-vis de la loi. 19 personnes ont été arrêtées, 19 personnes ont été déférées, 19 personnes vont être poursuivies ici, et 19 personnes vont répondre de leurs responsabilités.

De ce point vue-là, ce tribunal a été construit grâce à l’argent public, et quand l’argent public ne suffit pas, nous tendons la main à d’autres. Qui peut imaginer deux secondes, dans ce pays, après mars 1991, que quelqu’un se lève pour opprimer une liberté. Des vies humaines ont été massacrées, le 26 mars 1991, justement pour en arriver là. Aucune liberté ne sera opprimée ; aucune personne ne sera poursuivie en raison de son opinion, et quelle qu’elle soit d’ailleurs. Mais il faut qu’on soit responsable dans ce pays-là.

Tous ceux qui se sont levés pour exprimer des opinions par-ci, par-là, ne se sont levés qu’en retard, parce que cette personne, depuis 24 mois, insulte qui il veut, met en cause qui il veut, tout seul, sans aucun respect de rien du tout. Aucune liberté, Monsieur le président, ne sera violée ; aucun droit ne sera violé. J’aime bien ceux qui me critiquent plutôt que ceux qui m’applaudissent. Je veux de la critique, y compris la critique acerbe. Mais, même dans la critique, nos traditions, nos valeurs nous imposent aujourd’hui de ne pas franchir un certain nombre de limites.

Quiconque met en cause les troupes des forces de défense et de sécurité, qui sont dans les positions assez difficiles aujourd’hui, loin de vous, loin de Bamako, sur des foyers de tension où ils mettent en danger leur vie. Quelques-uns tombent. Au regard de cela, de la manière la plus facile, prendre une caméra, prendre un micro, prendre une plume, s’en prendre au moral des troupes, qui sont en place, est inadmissible. Je ne pourrais pas tolérer cela.

On ne laissera pas cela perdurer. La personne qui a été mise en cause a été mise en enquête. Quoi de plus normal, dans un cadre judiciaire, quoi de plus normal, entre les mains des autorités judiciaires, quoi de plus normal ! L’Etat de droit, c’est aussi ça. Tout le monde doit pouvoir se soumettre à l’Etat de droit. Hier, les avocats sont venus me voir en son nom. Ils m’ont expliqué ce qu’ils m’ont expliqué, on est arrivé à un dénouement. J’entends aujourd’hui qu’il a été libéré.

Bien évidemment qu’il a été libéré, mais il est sous contrôle judiciaire. Il est interdit d’antenne ; il lui est interdit de s’exprimer aujourd’hui en public. Il lui est interdit d’aller dans les mouvements de foule. Il lui est interdit aujourd’hui d’aller au-delà de la commune IV. Ce sont des choses appréciables parce que l’Etat qu’on est, que je représente aujourd’hui, est un Etat qui regarde, qui entend, qui voit et qui sait composer. En composant aujourd’hui, ce n’est jamais au détriment de la loi ; ce n’est jamais au détriment du droit, et ce n’est jamais aux déshonneurs des juges que vous êtes. Jusqu’au bout, on est ensemble, Monsieur le président. Jusqu’au bout, on ira ; jusqu’au bout, il faut que vous et moi, nous rappelions au peuple du Mali quelles sont les limites strictes du droit.

Ce faisant, on aura plus de respect vis-à-vis de nous, si nous-mêmes, on se soumettait au droit. À partir du moment où on est soumis au droit, plus personne ne peut échapper au droit ; plus personne ne doit échapper au droit. Les gens sont en train de réagir négativement chaque fois qu’ils ont l’impression d’être injustes. Je veux être juste jusqu’au bout. Et, même quand je me trompe et que je manque de justesse, je suis capable de le reconnaître. Je voudrais vous remercier du fond du cœur, et surtout saluer le courage des forces de défense et de sécurité, notamment des gardes qui ont couvert la sortie du président.

Messieurs, les gardes, vous avez été au service de la nation, vous avez été d’une dignité absolue. Je suis venu au nom du président de la République, au nom du Premier ministre, au nom de l’ensemble des membres du gouvernement, vous saluer et vous dire combien on a été fier de vous. Continuez comme ça, c’est de cette manière là qu’on peut bâtir un pays. Ce pays ne tient pas à grand-chose. Ce pays est le vôtre, si on continue à se comporter d’une certaine manière, ce pays va aller à vau-l’eau. Ce ne serait bon, ni pour vous, ni pour moi, ni pour personne.»

La Rédaction
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