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Au Mali, notre orgueil nous détruit
Publié le dimanche 28 aout 2016  |  Le Reporter
Carte
© Autre presse
Carte du mali
Le pays fait partie de la Communauté économique des États de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) et de l`Union africaine




A. Sous la transition.

En mars 2012, la majorité des villes est occupée. À Tombouctou, le colonel Mohamed Najim, qui ne voulait pas mener des combats à l’intérieur de l’agglomération, demande aux notables de négocier le retrait de l’armée. Les notables hésitent ou traînent des pieds, AQMI s’introduit dans la brèche et prend la ville avant le Mnla qui se contentera d’occuper l’aéroport et le bac de Koriome. À Gao, c’est le même scénario qui se produit. Pendant que le Mnla attend les renforts qui doivent arriver de Ménaka et Ansongo, la colonne du Mujao entre dans la ville par la route de Bourem et coupe la ville en deux. Les combattants du Mnla seront obligés de se précipiter sur le camp Fihroun. L’Azawad dans son ensemble est désormais occupé. Kidal par Ansar Adin et le Mnla, Gao par le Mujao et le Mnla, Tombouctou par Aqmi et le Mnla à l’aéroport et au bac de Koriome. Tous ces mouvements se côtoient, mais chacun avec son propre programme et son propre agenda.

Le Mnla, mouvement nationaliste, qui luttait pour l’indépendance de l’Azawad, recevra très peu d’adhésion. Pire, certains membres, pour affaiblir le mouvement qu’ils taxaient d’être le mouvement de la communauté Idnan, vont se rapprocher de Ansar Adin. Chose encore plus aberrante, un grand nombre va vendre la totalité de son armement aux jihadistes.
Ansar Adin, mouvement jihadistes créé par Iyad Ag Ghali. C’est le mouvement qui recevra le plus d’adhésion au sein de la communauté Kal-Tamachaq aussi bien dans la région de Kidal que de Tombouctou.
Aqmi. Ancien GSPC algérien, Aqmi recevra peu d’adhésion dans la région de Tomboucou qu’il a occupée. Ses renforts viendront surtout des pays maghrébins.
Mujao. Mouvement dont l’ossature vient du Sahara occidental et de la Mauritanie et dont les membres pouvaient facilement se fondre dans la population maure de l’Azawad. Tous les Maures de la région de Gao, les Peulh et les Songhoy d’obédience Wahabbit vont y adhérer. Ils recevront aussi un appui de Boko-Haram du Nigéria. Le Mnla, face à la mainmise des jihadistes sur le territoire, va négocier une fusion avec Ansar Adin qui est le seul mouvement composé d’azawadiens. Les négociations commencent le 5 mai 2012 et prennent fin le 26 mai. Un accord de fusion est signé le 26 à 10h, mais à 22h déjà, il était dénoncé par les différents cadres politico-militaires du Mnla.
Que s’est-il passé ?



Certains disent que Ansar Adin, après signature, avait ensuite changé les termes de l’accord. D’autres disent qu’après signature de l’accord, Iyad Ag Ghali avait mis l’accord de côté et envoyé depuis Tombouctou un ensemble de propositions à prendre ou à laisser. Je penche plutôt pour des pressions des Mouvements jihadistes Aqmi et Mujao sur Iyad. Ils étaient étrangers et avaient besoin d’une caution morale pour continuer à occuper un territoire sur lequel ils étaient étrangers et n’avaient aucun droit, et c’est par Ansar Adin qu’ils ont été embarqués dans l’aventure.

Le 25 ou le 26, les trois mouvements (Ansar Adin, Aqmi, Mujao) avaient tenu une réunion tripartite à Tomboucou, et selon certains, avec la présence de Abdel Malek Droubkel, émir de Aqmi en Algérie. Depuis, les jihadistes vont se fixer comme objectif de chasser le Mnala des centres urbains et pour cela, il fallait utiliser le Mujao qui avait reçu le plus d’adhésion locales au sein des sédentaires comme des Maures afin de créer le plus de rupture possible entre populations locales. Les autres mouvements jihadistes Aqmi et Ansar Adin apporteront leur aide. En cas de conflit, les renforts d’Ansar Adin quitteront Kidal pour aller renforcer les positions de Aqmi à Tomboucou et les troupes de Aqmi quitteront Tombouctou pour venir renforcer celles du Mujao. Selon un habitant de Gao qui a tout observé, les jihadistes vont d’abord faire circuler une liste de 57 personnes que le Mnla voulait abattre on ne sait pour quelle raison. Cela pour créer une fracture totale entre le mouvement Mnla et la population de Gao qui était la plus engagée contre l’occupation.

En juin, quand Mohomodou Idrissa, pourtant ami de tous les responsables du Mnla, est abattu par quatre personnes à motos, personne ne se pose la question : À qui profite le crime ? Tout le monde accuse le Mnla. Les jeunes, le lendemain, organisent une marche de protestation sur le gouvernorat de Gao, siège du CTEA, organe dirigeant du Mnla. Les combattants en faction tirent sur les manifestants, on déplore 13 blessés. Les jihadistes d’Aqmi et du Mujao conduits par Moctar Belmoctar (AQMI) sautent sur l’occasion et engagent les combats. Affaibli par ses dissensions internes, le manque d’ancrage au sein de la population locale et la supériorité de l’armement des jihadistes, le Mnla est chassé de Gao et par la suite de tous les centres urbains.

Pendant tout ce temps, que devient le Sud ? Le 22 mars 2012, un capitaine dont le seul palmarès connu est d’avoir échappé à la capture de Ibrahim Ag Bahanga lors de l’attaque de Diabali, débarque sur la scène politique malienne par un coup d’Etat. La Cédéao comme l’Union africaine suspendent le Mali. L’armée s’affaiblit encore plus à cause de ses querelles intestines entre bérets rouges et bérets verts. Les unités combattantes ne monteront plus vers le nord pour amorcer la reconquête. À Sevare, elles se contenteront de fouiller les cars pour en faire descendre les voyageurs Kal-Tamachaq ou Maures pour les exécuter et les jeter dans le célèbre puits de Sevaré. Finalement, un compromis est trouvé pour assurer la transition entre la Cédéao, l’Union africaine, la classe politique malienne et la Junte. Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale doit assurer cette transition.

En janvier 2013, les mouvements jihadistes : Ansar Adin, Aqmi et Mujao décident d’avancer sur le Sud par Konna et Diabali. Le président de la transition fait appel à la France qui entre en jeu. Quels sont les termes de l’accord entre les autorités de la transition et la France pour cette “prestation de service “? Personnellement, je ne saurais le dire, mais je sais que ce n’est ni par charité, ni par humanisme, car les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. La France chasse les jihadistes tout en entraînant dans son sillage l’armée malienne par l’axe Sevaré-Gao, et Niamey-Gao (troupes de Alhaji Ag Gamou) et Diabali Tombouctou. Le Mnla, sachant les villes abandonnées par les jihadistes, occupe Kidal et Ménaka. Pendant que des négociations sont entamées à Ouagadougou, l’armée, sous la conduite du colonel-major Alhaji Ag Gamou, veut avant tout accord s’installer à Kidal. C’est ainsi que le jour même de l’ouverture des négociations à Ouagadougou, Anefif est attaqué et pris par l’armée malienne. La France demande à l’armée malienne d’arrêter son offensive et d’attendre qu’une entrée pacifique soit négociée pour Kidal.

Durant les négociations de Ouagadougou, les mouvements réunis au sein de la Cma renoncent à leurs revendications indépendantistes et reconnaissent l’intégrité du territoire national. Mais, curieusement, les négociations, qui étaient sur une très bonne voie, sont retirées au Burkina Faso qui avait été désigné médiateur par la Cédéao, pour être confiées à l’Algérie. Un cessez-le-feu avait été conclu pour pouvoir organiser des élections présidentielles et législatives sur l’ensemble du territoire. Le président Ibrahim Boubacar Keïta et son parti le RPM sortent vainqueurs de ces élections.

Sous Ibrahim Boubacar Keïta.
Une fois élu, le président prend à contre-courant les attentes des électeurs et des partenaires techniques et financiers, en déclarant que lui président de la République, ne s’assoira jamais autour de la même table que des bandits. Pire, tous les efforts déployés pour l’entrée à Kidal de l’armée et de l’administration de manière pacifique et consensuelle sont réduits à néant par un Premier ministre fougueux et pressé de rentrer dans l’histoire. Le 21 mai 2014, l’armée et l’administration sont à nouveau chassées de Kidal. En août 2014, pour enlever au problème sa dimension nationale et lui donner une dimension régionale et tribale, le Gatia est créé et s’associe aux mouvements sédentaires et les Maures du MAA pro-Mali. Le 20 juin, l’accord de paix est signé à Bamako, mais les hostilités ne prennent pas fin pour autant. Les combats vont continuer pour le contrôle de Ménaka, Tabankort, Anefif et Kidal toujours entre la Plateforme et la Cma. Après plusieurs combats, les assises d’Anefif créent l’espoir d’une entente définitivement retrouvée. La Plateforme rentre à Kidal dans l’allégresse générale. Mais tout d’un coup, sans qu’aucun des protagonistes ne puisse vous donner une explication satisfaisante, des échanges de tirs ont lieu entre des éléments de la Plateforme et des éléments de la Cma, ils font deux morts et 1 blessé. Le Premier ministre nigérien se propose en médiateur et convoque les deux parties à Niamey. Le lendemain de l’accord entre les deux parties à Niamey, le 21 juillet exactement, les choses dégénèrent en affrontements de grande envergure dans la ville de Kidal d’abord, les 21 et 22, et deux semaines plus tard à Tassikt et Adjlal. Depuis, des négociations sont en cours à Bamako pour trouver une sortie de crise.

Pourquoi toutes ces tueries pour Kidal ?

Je ne crois pas à la carte tribale au vu des protagonistes : Cma (Hcua-Mnla-Maa) contre la Plateforme (Gatia-Maa). Au vu de la situation politique de Kidal, où les mentalités ont beaucoup évolué puisque actuellement le député est Imghad et le maire aussi. Je ne crois pas à la carte du contrôle de la drogue, car Kidal n’est en rien une plaque tournante. Les barons se trouvent tapis à l’aise dans les capitales de l’Afrique de l’ouest, et Kidal n’est pas un point de passage obligé pour les transporteurs qui sont chargés de lui faire passer le Sahara. Chacun a ses propres itinéraires. Alors pour l’agenda de qui roulent les protagonistes ? Bien malin, celui qui répondra à cette question.

Zouda Ag Doho
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