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Mali : le capitaine Sanogo a enfin du boulot…
Publié le samedi 16 fevrier 2013  |  LeMonde.fr


© aBamako.com par A S
Investiture du président du comité de suivi et de réforme des forces armées de défense et de sécurité
Bamako, le 13 février 2013 à Koulouba. Le capitaine Amadou Haya Sanogo est officiellement investi à la tête du comité de suivi et de réforme des forces armées de défense et de sécurité.


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(Paris) - Etonnante scène de la comédie du pouvoir mercredi 13 février au palais de présidence malienne à Bamako, sur la colline de Koulouba. Le capitaine Sanogo, celui qui se prend pour le De Gaulle du Sahel (!?), a été très officiellement investi en grande pompe à la tête du Comité militaire de suivi des réformes des forces de défense et de sécurité par Dioncounda Traoré. Entre un verre de jus de fruit et des brochettes de capitaine (le poisson), le président par intérim du pays a notamment déclaré que « le capitaine Sanogo a été choisi compte tenu de ses qualités personnelles » [sic].

Afin de mesurer l’impact d’une telle mesure et de telles paroles, souvenons-nous de quelques faits récents revendiqués par le petit capitaine et sa bande de bérets verts.
C’est le 22 mars 2012 que ledit militaire s’est fait connaître aux peuples du Mali et au monde. En compagnie de quelques compères, il chassait le président Amadou Toumani Touré du pouvoir à quelques semaines de la fin de son second mandat à la tête du pays.

Le 26 mars de la même année (une date qui rappelle le jour de la chute du dictateur Moussa Traoré le 26 mars 1991, après 22 ans au pouvoir), le communiqué n°1 du Comité national pour le redressement de la démocratie et de restauration de l’Etat (CNRDRE) le fait chef de l’Etat. Le Mali vient de renouer avec ses démons : les putschs militaires. Sous la pression de la communauté internationale, l’aventure kaki se termine trois semaines plus tard, le 12 avril, puis par la proclamation de Dioncounda Traoré comme président intérimaire du pays. Premier exemple « des qualités personnelles » du petit capitaine...

Le 21 mai, toujours 2012, le même capitaine lance ses sbires à l’assaut du palais de Koulouba, accompagnés d’une foule en colère qui réussit à entrer dans la présidence. Lorsque l’on connaît la configuration des lieux (une seule route donne accès au complexe présidentiel perché sur une colline, donc relativement facile à bloquer...), on ne peut qu’être étonné d’une telle facilité. Le président par intérim Dioncounda Traoré échappe de peu à la mort, lynché à coups de marteau... Deuxième exemple « des qualités personnelles » du petit capitaine...

Au cours des huit derniers mois de 2012, toujours le même capitaine, accompagné de sa cohorte de bérets verts, fait arrêter impunément et généralement nuitamment civils et militaires pour leur faire visiter quelques gnioufs improvisés dans la charmante bourgade de Kati, à quelques kilomètres de Bamako, siège desdits bérets verts. Brimades, traitements dégradants et, pour certains, disparitions pures et simples... Troisième exemple « des qualités personnelles » du petit capitaine...
Cette liste est loin d’être exhaustive. Le 11 décembre 2012, le même homme fait nuitamment arrêter et fait dans la foulée démissionner Cheick Modibo Diarra, le premier ministre par intérim. Dernier exemple : le 8 février dernier, les bérets verts du capitaine tentent de régler leurs comptes aux bérets rouges, la garde prétorienne de l’ancien président Amadou Toumani Touré. En plein Bamako, dans le quartier de Djicoroni, ils attaquent, en vain, le camp militaire.
L’investiture officielle du capitaine Sanogo à la tête du Comité militaire de suivi des réformes des forces de défense et de sécurité signifie-t-elle pour autant une marginalisation du putschiste ? Ce comité censé réformer la troupe malienne et confié à un homme qui fait fi des règles démocratiques et républicaines les plus basiques semble tout de même un peu grossier.
Très hostile à l’intervention française et africaine au Mali, on peut imaginer le genre de relations qu’il devra nouer avec les formateurs européens (essentiellement français) lorsqu’ils débarqueront à Bamako afin d’aider à la reconstruction d’une armée déboussolée à l’efficacité somme toute très relative. Les premiers devraient arriver en avril.

Ce comité permettra-t-il de circonscrire l’influence du capitaine à la sphère militaire ? On pourrait le rêver, mais la réalité semble bien différente. Depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012, Sanogo a réussi à manœuvrer afin d’échapper à l’effacement et à l’oubli. Qu’en sera-t-il dans les prochains mois, alors que Bamako a annoncé la tenue le 7 juillet prochain du premier tour de l’élection présidentielle ? Restera-t-il cantonné gentiment à Kati, en hypothétique spectateur de la scène politique du pays ?

Ce Comité devrait être dissous à la fin de la période de transition, lorsque les peuples du Mali auront enfin voté pour élire leur premier représentant et leurs députés. Le capitaine Sanogo aurait promis qu’il ne resterait pas « à la tête de cette structure après la période de transition ». Peut-on croire les paroles d’un homme, fut-il militaire, qui a participé à la mise à genoux d’un pays que l’Occident croyait sur les rails de la démocratie ?

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