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Charnier de Diago : Le grand déballage !
Publié le lundi 5 decembre 2016  |  L’aube
Découverte
© AFP par Habibou Kouyaté
Découverte d`un charnier près du camp de Kati
Bamako, le 4 décembre 2013. Un charnier de 21 cadavres de bérets rouges a été découvert dans les environs du camp militaire Soundjata Keita de Kati
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« …dans la nuit du 2 au 3 mai 2012, les 21 bérets rouges qui devaient être exécutés furent embarqués à bord d’un camion militaire, les mains attachés aux dos, les yeux bandés d’étoffe noire pour prendre la direction de Diago sous la garde de Fousseyni Diarra dit Fouss et de Tiémoko Diarra, qui furent rejoints plus tard sur les lieux par Mamadou Koné. Et une fois à Diago, sur les lieux de leur exécution, les suppliciés furent attachés et jetés dans une fosse déjà préparée, avant d’être arrosés par des rafales ». C’est par cette confession que les inculpés Fousseyni Diarra dit Fouss, Tiémoko dit Adama Diarra et Mamadou Koné reconnaissent formellement, dans l’arrêt de renvoi, les faits d’assassinat reprochés à eux dans l’affaire dite des 21 bérets rouges.

Par contre, d’autres comme Amadou Haya Sanogo, Oumar Sanafo dit « Kif Kif », Blonkoro Samaké, Siméon Keïta, Soïba Diarra et Christophe Dembélé ont nié en bloc les faits de complicité d’enlèvement de personnes tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur. Cependant, individuellement, ils se sont accablés, à l’image du colonel Blonkoro Samaké qui aurait confirmé lors de son interrogatoire qu’Amadou Haya était régulièrement tenu informé de la situation des détenus. Aussi, Mamadou Koné a affirmé que Sanogo, son secrétaire général Blonkoro Samaké et bien d’autres membres du Cnrdre ne pouvaient ignorer l’existence de la liste des bérets rouges à exécuter. Autre déballage : Mamadou Koné a déclaré que son chef Soïba Diarra lui a instruit de procéder au creusement d’une fosse, et de lui remettre la liste des 21 bérets rouges détenus au camp de Kati. A quelle fin ? Retour sur des révélations explosives qui ne laissent aucun doute sur le sort des accusés !

Selon l’Arrêt de mise en accusation et de renvoi devant la Cour d’assises dont nous avons obtenu copie, Mamadou Koné, Fousseyni Diarra dit Fouss et Issa Tangara sont inculpés de complicité d’enlèvement de personnes. Les deux premiers ont reconnu devant le magistrat instructeur avoir participé à l’enlèvement des 21 bérets rouges qui ont été exécutés. Ce sont eux, toujours selon le même arrêt, qui ont fait embarquer manu militari les victimes dans un camion militaire pour les amener non loin du village de Diago. Issa Tangara a catégoriquement nié les faits qui lui sont reprochés. Cependant, il résulte de l’information, notamment de la déposition de Mamadou B Berthé, militaire au camp para de Djicoroni, que huit de ses compagnons d’armes, alors blessés lors de la tentative de contre coup d’Etat, ont été enlevés à l’hôpital Gabriel Touré où ils étaient en traitement par le gendarme Issa Tangara et ses éléments pour être conduits au camp de Kati. Et les noms de ces huit militaires font partie des bérets rouges disparus.

Les nommés Tiémoko Adama Diarra, Lassana Singaré et Cheickna Siby sont inculpés d’enlèvement de personnes. Tiémoko Adama Diarra, Mamadou Koné et Fousseyni Diarra dit Fouss ont reconnu sans ambages les faits à eux reprochés et ont déclaré à l’information avoir eu à participer à l’enlèvement des 21 militaires de leur détention (au camp de Kati) pour les conduire à bord d’un camion militaire sur les lieux de leur exécution. Contrairement à eux, Lassana Singaré et Cheickna Siby ont nié les faits d’enlèvement de personnes à eux reprochés.

Mais la chambre a estimé que la dénégation des faits apparait seulement comme une stratégie de défense, en ce sens que leur compagnon d’armes Mamadou Koné les a indexés comme ayant participé à l’embarquement des victimes.

Haya était informé de la situation des détenus

Oumar Sanafo dit « Kif Kif », Amadou Haya Sanogo, Blonkoro Samaké, Siméon Keïta, Soïba Diarra et Christophe Dembélé ont été inculpés de complicité d’enlèvement de personnes.

Les six personnes (Amasongo Dolo étant décédé) ont nié les faits tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur. Cependant, « Amadou Haya Sanogo, alors chef du Cnrdre et les autres membres actifs dudit comité ont tous joué un rôle dans la gestion des détenus bérets rouges du camp Soundiata de Kati », indique-t-on dans l’arrêt. Qui mentionne précisément que Haya, en tant que chef du Cnrdre, avait autorité sur ses collaborateurs, et que tous les renseignements concernant les détenus bérets rouges de Kati lui étaient transmis comme cela ressort de la déposition du col Blonkoro Samaké qui aurait confirmé lors de son interrogatoire que Amadou Haya était régulièrement tenu informé de la situation des détenus. Mieux, après l’échec de la tentative de contre coup d’Etat, le président du Cnrdre était apparu publiquement à la télévision nationale pour présenter les bérets rouges arrêtés. « Dans ces circonstances, hormis lui-même, aucun autre membre du Cnrdre ne pouvait donner des instructions pour exécuter ces militaires ».

Par ailleurs, l’inculpé Mamadou Koné a affirmé dans son procès-verbal d’interrogatoire du 24 décembre 2013 que Amadou Aya Sanogo, son secrétaire général Blonkoro Samaké et bien d’autres membres du Cnrdre ne pouvaient ignorer l’existence de la liste des bérets rouges à exécuter.

L’inculpé Soïba Diarra a lui aussi nié les faits de complicité d’enlèvement de personnes à lui reprochés, alors même qu’au niveau du Cnrdre, il était le chef de la division des opérations et sa participation à l’enlèvement des bérets rouges a été décrite par Mamadou Koné dont il était le chef. Ce dernier a déclaré lors de son interrogatoire du 24 décembre 2013 avoir reçu de son chef Soïba Diarra deux missions : d’abord celle de procéder au creusement d’une fosse, ordre qui sera donné également plus tard à Cheickna Siby, ensuite la remise de la liste des 21 bérets rouges détenus au camp de Kati.

Quant à Siméon Keïta, il a également nié les faits de complicité d’enlèvement de personnes. Sauf que cela ne semble pas convaincre, d’autant plus que lui-même aurait reconnu, lors de son interrogatoire, avoir eu (avec ses éléments) à arrêter des militaires pour les conduire au camp de Kati où ils furent gardés et plus tard exécutés. Mieux, Siméon était de ceux qui ne cessaient guère d’intimider les détenus du camp en menaçant de leur faire subir le même sort que les 21 suppliciés.

Tout comme Siméon, les inculpés Oumarou Sanafo dit Kif Kif et Christophe Dembélé ont aussi nié les faits. Mais eux aussi sont confondus par les faits. Ils étaient tous deux membres du Cnrdre, le premier s’étant illustré par sa combativité et le second était chargé d’assurer la sécurité mobile de Amadou Haya Sanogo. Leur position, selon l’arrêt, laisse présumer qu’ils étaient au courant de l’incarcération des éléments du Régiment des commandos parachutistes et ont bel et bien participé aux opérations militaires à l’issue de laquelle ces derniers furent incarcérés au camp de Kati avant d’être exécutés.

Attachés, jetés dans une fosse et arrosés de rafales

Les nommés Fousseyni Diarra, Cheickna Siby et Lassana Singaré sont inculpés d’assassinat. Les accusés ont reconnu les faits d’assassinat à eux reprochés tandis que les deux autres les ont niés. Les inculpés Fousseyni Diarra dit Fouss, Tiémoko dit Adama Diarra et Mamadou Koné ont expliqué lors de leurs interrogations que dans la nuit du 2 au 3 mai 2012, les 21 bérets rouges qui devaient être exécutés furent embarqués à bord d’un camion militaire, les mains attachés aux dos, les yeux bandés d’étoffe noire pour prendre la direction de Diago sous la garde de Fousseyni Diarra dit Fouss et de Tiémoko Diarra, qui furent rejoints plus tard sur les lieux par Mamadou Koné. Et une fois à Diago, sur les lieux de leur exécution, les suppliciés furent attachés et jetés dans une fosse déjà préparée, avant d’être arrosés par des rafales.

Fousseyni Diarra dit Fouss a reconnu sans ambages avoir tiré sur les 21 suppliciés dans la fosse, et précisa « qu’après avoir donné quelques rafales, il s’était replié immédiatement avec Tiémoko Adama Diarra, à qui il avait expliqué qu’en pareille circonstance, il y a souvent un second peloton d’exécution chargé d’exécuter les premiers exécuteurs ». Après coup, ils refermèrent la fosse et s’en allèrent, très vite.

Amadou Haya Sanogo, Blonkoro Samaké, Soïba Diarra, Siméon Keïta, Amadou Konaré, Mohamed Issa Ouédraogo et Ibrahim Boua Koné sont inculpés de complicité d’assassinat.

En dépit des dénégations des inculpés, « il est clair que la décision prise d’enlever et d’exécuter les 21 bérets rouges est une décision prise par les responsables du Cnrdre en tant que donneur d’ordre ». « Dès lors, la théorie de la responsabilité du supérieur hiérarchique direct comme complice peut recevoir application ».

Là également, le parquet fait appel aux déclarations des inculpés Mamadou Koné, Fousseyni Diarra qui sont formels quant à la connaissance et à la planification des faits par certains membres du Cnrdre. L’ultime signe de cette connaissance ? A leur retour de Diago, « la liste des exécuteurs aurait été remise à Amadou Haya en personne pour la récompense. Mais que ce dernier aurait déchiré cette liste pour ne pas laisser de trace ».

Par ailleurs, il résulte des témoignages cohérents d’Adama Coulibaly et de Bazoumana Kaloussi qu’Amadou Haya aurait même donné un coup de pied à Kaloussi et menacé de le tuer.

Blonkoro Samaké lui-même affirma que Haya l’aurait conseillé, entre autres, d’orienter des parents des disparus vers l’équipe de la gendarmerie.

En ce qui concerne Yamoussa Camara et Ibrahima Dahirou Dembélé, respectivement ministre de la défense et chef d’état-major général des armées, ils sont inculpés de complicité d’assassinat pour n’avoir pas dénoncé les faits.

Issa B Dembélé

Envoyé spécial à Sikasso
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