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Chantage autour de l’accord de réadmission : Comment et pourquoi la France manipule l’UE contre nos chefs d’Etat
Publié le jeudi 29 decembre 2016  |  L’enquêteur
Cérémonie
© aBamako.com par Momo
Cérémonie de remise des prix Litteraires
Bamako le 11 mars 2015, cloture de la biennale des lettres sous le haut parrainage de Madame la premiere Dame KEITA Aminata Maiga, l`epouse du chef de l`Etat. Photo Aminata Dramane TRAORE
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Profitant de la restitution des conclusions de la 10è édition de « Migrance », la semaine dernière, au Centre Amadou Hampaté Ba, l’ancienne ministre de la Culture du Mali, Aminata Dramane Traoré, a engagé le débat pour éclairer la lanterne de ses compatriotes sur un sujet d’actualité devenu explosif : l’accord de réadmission qui n’est autre qu’un instrument de l’immigration choisie de la France de Sakozy, qui a passé la patate chaude en douce à l’Union européenne pour chasser les migrants africains. L’objectif de cette rencontre est de trouver les moyens d’organiser la résistance et de développer une capacité de proposition à travers une mise à niveau des Maliens. Dans cet exercice, Aminata Dramane Traoré était entourée par Taoufik Ben Abdallah, coordinateur du Forum social africain et l’écrivaine française, Nathalie M’Dela Mounier. Tout va être passé au peigne fin disent tout : De l’accord de l’immigration, à l’accord de la réadmission des migrants en passant par les APE et le programme d’ajustement structurel.




La mobilité fait partie de l’histoire du Mali. La France veut l’Afrique sans les Africains ! Elle vient de poser une banane sous les pieds des autorités maliennes à travers un soi-disant accord de réadmission qu’elle dit avoir réussi à arracher aux autorités maliennes sans être capable de brandir une quelconque preuve d’un accord. Un communiqué conjoint a-t-il la valeur juridique d’un accord ? Non et non ! Notre pays n’a pas signé d’accord, mais il a accepté de discuter et d’explorer certains points y afférents. Signé ou pas signé, notre pays ne peut et ne doit s’ériger en gendarme contre les Africains. Cet accord est non seulement dangereux pour la sécurité, l’économie et la politique de nos pays. Dans ce contexte de guerre commerciale, il n’y a pas d’accord possible entre l’Europe et le Mali. Tout simplement nous ne sommes pas égaux. Autrement dit, que le Mali signe ou pas, les Européens vont continuer à chasser des migrants africains comme ils ont l’habitude de le faire. Donc le but visé par cette campagne médiatique pour terroriser l’Etat malien n’est ni plus, ni moins que d’en rajouter à la tension dans une situation déjà conflictuelle. C’ est pourquoi nos intellectuels ont engagé le débat à travers Aminata Dramane Traoré.
« Dans ces 50 dernières années l’Europe a torpillé l’Unité africaine, qui a besoin des richesses, ils nous demandent d’ouvrir nos frontières, nos marchés, mais veulent que nous gardions les victimes de leurs politiques néolibérales chez nous. Ils nous demandent de les aider à chasser nos migrants quand ils viennent (les migrants) en Europe et de leur prêter mains fortes dans l’expulsion de nos concitoyens. C’est inhumain, c’est explosif et c’est irresponsable. » s’indigne Aminata Dramane très remontée contre ce chantage des de l’Union Européenne.
Pour l’altermondialiste, « notre bataille aujourd’hui est une bataille pour la dignité et la souveraineté. Des projets africains souverains au niveau local auraient pu permettre à l’immense majorité de ce qui est parti aujourd’hui de vivre dignement ici. », Ajoutera-t-elle au cours de cette rencontre intitulée « Migrance » et dont l’objectif est de renseigner nos compatriotes sur la migration et les accords de réadmission.
Piqure de rappel
« Avant de déstabiliser et de tuer Kadhafi, il y a eu un sommet Europe-Afrique à Syrte, en Libye, où ils ont promis de créer des emplois et de faire des investissements dans ce qui est devenu aujourd’hui un champ de ruines. Dans le cadre des OMD (Objectifs du millénaire de Développement), on nous a promis de l’emploi, de la paix, de la sécurité et le développement. Aujourd’hui, nous sommes en droit de poser certaines questions. Si on a signé ? Si on n’a pas signé ? Ou si on va signer cet accord de réadmission ? Une chose est sûre : signé ou pas, les Européens vont continuer à chasser tous les jours des migrants. Ils ont besoins des richesses de l’Afrique, ils sont en train de faire en sorte qu’il n’y ait même pas la paix en Afrique pour justifier leur présence militaire, politique et diplomatique. »
Parlant de la prétendue signature de l’accord de réadmission entre le Mali et l’UE, qui est en réalité une instrumentalisation de la France, Aminata Dramane Traoré a été sans ambages : « nous, on ne peut pas confondre un communiqué avec un accord. Un accord a une base juridique. Nous, nous savons que c’est un passage en force. C’est de la pression diplomatique, le chantage de financement, le terrorisme médiatique…, bref les menaces sont réelles. Pourquoi on démarche individuellement les chefs d’Etat africains et proposer séparément cet accord ? Alors qu’ils les ont accueillis tous ensemble au sommet de la Valette ? Nos dirigeants doivent avoir l’intelligence de se mettre ensemble pour dégager leur propre stratégie pour gérer les conséquences de cette politique. », conseille-t-elle.
Pour la présidente du Forum pour un autre Mali, l’Europe est seule responsable de l’échec de sa politique migratoire vis-à-vis des Africains et a intérêt à tirer leçon de ses expériences dont celle du CIGEM, qui était implanté au Mali. « Ceux qui sont appelés aujourd’hui des illégaux ou sans papiers, moi, je ne les appelle pas comme ça parce qu’on leur a refusé le papier. On ne leur a pas donné la possibilité de voyager dans la légalité. Le Mali a la possibilité de faire comprendre à l’Union Européenne pourquoi elle échoue. Le Mali est le seul pays où l’Europe a créé un Centre international de la gestion des migrations (CIGEM). Mais ça n’a pas marché. L’objectif du CIGEM était de faire en sorte que les gens voyagent légalement. Mais certains pays européens ne l’ont pas voulu. Ils ont dépensé beaucoup d’argent mais cela s’est terminé en queue de poisson. Ils doivent tirer leçon de cette expérience. »
De la succession de Yahya Jammeh….
« A partir de ce que nous venons de vivre, il faut que nous nous donnions les moyens pour qu’on ne soit pris de court ou surpris par ce genre de situation. Notre capacité d’analyse, de proposition et d’anticipation est défiée. » Selon Aminata Dramane Traoré, l’Union Africaine et la Cedeao ont leur part de responsabilité dans l’effondrement du continent africain parce tout simplement elles sont instrumentalisées contre le peuple africain. « Si l’UA avait été conforme à ses aspirations des peuples d’Afrique, on n’allait pas en arriver à cette situation. Que la CEDEAO devienne la CEDEAO des peuples ! C’est bien de passer d’un pays à l’autre pour voir la transparence des urnes ou l’alternance comme c’est le cas en Gambie présentement, mais, elle doit se questionner sur quelle politique économique va mettre en œuvre le successeur de Yahya Jammeh. Mais ça, c’est le dernier souci de nos chefs d’Etats. »,regrette-t-elle. « Je n’accuse personne. Nos dirigeants ont le nez sur le guidon et le couteau sous la gorge. C’est aux sociétés africaines de s’organiser aujourd’hui. C’est à nous de développer notre capacité d’analyse et de proposition : les médias, les parlementaires, les ONG… Nous sommes dans une situation nationale et internationale sans précédent. C’est des questions nouvelles. »,a-t-elle conclu.
Deuxième phase du même processus….
Quant au Tunisien Taoufik Ben Abdallah d’Enda Tiers Monde Dakar et non moins coordinateur du Forum social africain, il a expliqué la relation géopolitique entre l’Europe et les Etats africains et comment la France instrumentalise l’UE à tordre la main des dirigeants africains à travers des pseudo accords.
« La raison est toute simple, l’Europe ne veut pas que les africains viennent prendre une partie de leur richesse qu’on leur a prise. Chose fondamentale. C’est une guerre économique. Il y a des gagnants qui veulent tout faire pour rester les seuls gagnants. Pour renforcer sa stratégie, l’Europe ne se prive pas d’enclencher des guerres quand son intérêt est menacé. C’est le cas en Lybie, en Syrie sans en assumer les conséquences. Depuis qu’on a détruit la Lybie, les armes circulent partout et les jihadistes ont renforcé leur réseau. Aujourd’hui, pour des raisons d’ordre stratégique et sécuritaire, l’Europe va vers l’externalisation de ses frontières et utilise nos chefs d’Etat pour faire ce sale boulot en empêchant la libre circulation des personnes. L’Europe ne veut pas que ses frontières se limitent dans l’espace Schengen mais chez nous. De la Méditerranée, ils ont fixé la frontière à la porte du Sahara maintenant.S’agissant des incohérences de la CEDEAO dans le dossier de l’APE, la plupart des pays africains ont ratifié les APE avant de les signer. Maintenant, l’Europe vient avec l’accord de réadmission pour compléter la stratégie : bloquer le libre-échange entre Africains et maintenant bloquer les migrants. Ce n’est que la deuxième phase du même processus. Cette stratégie est catastrophique pour la CEDEAO. Pourquoi ?Les APE vont totalement détruire les marchés intérieurs de la CEDEAO et constituent un risque de destruction de tout potentiel industriel, agricole qui auront des conséquences négatives sur les budgets d’Etat. » a-t-il expliqué aux participants.
François Fillon dans son costume de chef de guerre….
L’écrivaine française, Nathalie M’Dela Mouniera, quant à elle, a parlé de la nature des relations entre l’Europe et l’Afrique. Selon elle, avant tout, l’Accord de réadmission que l’UE veut faire signer aux pays africains est un instrument de politique de l’immigration choisie de la France. Une patate chaude que la France a passée à l’UE pour venir torpiller la main des dirigeants africains et prendre davantage leurs richesses.
Mme M’Dela Mounier accuse, sans sourciller, la France, d’être à l’origine de cette situation qui est elle-même la conséquence directe des politiques d’ajustement structurel imposée par Paris dans les années 90 et la dévaluation du franc CFA, qui ont intensifié l’exode rural et la migration de la communauté ouest-africaine dont le Mali où, la France a une grande part de responsabilité dans l’effondrement de l’Etat. « Elle a détruit l’école, la santé publique et ouvert une voie royale aux institutions islamiques de substitution. », fait-elle remarquer avant de rappeler que les ressources générées par la migration sont plus conséquentes que l’aide publique au développement.
« François Fillon vient de séjourner au Mali, droit dans son costume de présidentiable visiblement impressionné par le statut de chef de guerre que revendique François Hollande, qui a vécu au Mali, le plus beau jour de sa carrière politique dit il revient d’une farce. Puisqu’il en est ainsi, nous souhaitons que les autres candidats à l’élection présidentielle française viennent tous ici. Mais qu’ils déposent leur certitude et leurs habits de guerre. Nous souhaitons qu’ils s’imprègnent des réalités que vit le peuple malien. Qu’ils acceptent d’écouter et d’inscrire le débat dans le cadre des relations franco-maliennes et euro-africaines centrées sur les humains et l’environnement. Voilà ce que nous souhaitons. » espère Mme M’Dela Mounier.
A noter que les rencontres « Migrance » sont une initiative du Centre Amadou Hampaté Ba (CAHBA) et du Forum pour un Autre Mali (FORAM) à la suite des événements de Ceuta et Melilla en 2005. Migrance est un espace de débats d’idées et d’éducation citoyenne qui mobilise chaque année des intellectuels, des artistes et des acteurs politiques et institutionnels autour de la question migratoire. Vivement la prochaine édition !
Aliou Badara Diarra
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