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Le Canard Déchaîné N° 586 du

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Mali : Démêler l’écheveau politique
Publié le mercredi 27 fevrier 2013  |  Le Canard Déchaîné




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De deux autres chantiers dont l’urgence ne fait l’ombre d’aucun doute : la relance de l’économie Après l’adoption de la feuille de route qui assigne deux missions principales au gouvernement de transition, à savoir la reconquête du nord et l’organisation des élections, il est plus que temps de s’occuper nationale et le repositionnement de la vie politique. On pourrait y ajouter un troisième chantier qui est la réconciliation nationale mais c’est une œuvre de longue haleine. Si le Conseil Economique, Social et Culturel a déjà pris à son compte le volet économique au cours de sa 7ème session ordinaire, c’est le silence complet pour le volet politique.

En attendant que les partis politiques daignent se pencher sans indulgence sur l’état de leur conscience, on peut se risquer à quelques constats et analyses d’autant plus que l’assistance de l’armée française a précipité la déroute des envahisseurs, faisant de la restauration de l’intégrité territoriale une réalité tangible. En outre, la meilleure réponse à la demande de négociation du MNLA par qui le malheur s’est abattu sur le pays a été fournie par la justice : un Etat ne discute pas avec des terroristes, des preneurs d’otages et des narcotrafiquants, il les poursuit à l’intérieur et les traque à l’extérieur avec le concours de la CPI. Les Maliens ont compris et bien compris que MNLA, AQMI, MUJAO, ANSAR DINE, c’est le même produit mortel dans quatre emballages pièges. Revenons donc à l’écheveau politique et aux moyens de le démêler.

Les autostoppeurs aux commandes

« Le marigot politique est devenu un véritable panier de crabes »

La politique est un métier qui a ses règles et dont la santé dépend de la qualité des hommes qui l’animent. Parler de repositionnement de la vie politique, c’est reconnaître que la machine a déraillé, que les hommes se sont fourvoyés. Il est vrai que le marigot politique est devenu un véritable panier de crabes. Comme on juge de l’arbre d’après son fruit, c’est-à-dire ce que l’on peut en tirer d’une façon générale, il est raisonnablement difficile de soutenir que la politique au cours des deux dernières décennies a été attractive par les conditions de son exercice, par les qualités morales et intellectuelles des hommes et des femmes qui l’ont pratiquée. L’explication la plus plausible est que les autostoppeurs ont pris les commandes depuis belle lurette. En effet, comme des autostoppeurs, de nombreux responsables de partis politiques ont dépensé et continuent de dépenser des trésors d’imagination pour trouver une place même inconfortable dans le convoi présidentiel. C’est vrai que cinq années d’attente cela peut être long, même très long pour un homme sans véritable programme, sans idéal et surtout sans ressources. Combien de partis peuvent-ils défendre un projet de société sans plagier d’autres ? Le résultat est là : la démocratie agonise et les hommes politiques ne font plus recette. Si les hommes politiques en général, les institutions en particulier avaient joué pleinement leur rôle, la crise actuelle aurait pu être évitée. Voilà comment « le politique business » a étouffé avant de tuer à petit feu la démocratie, jetant du coup sur les voies tortueuses de la corruption et de la dépravation des milliers et des milliers de jeunes, de femmes et d’hommes qui ne demandaient au départ qu’à bien servir leur pays. Les élites au pouvoir comme ceux qui gravitent autour dont on attendait beaucoup pour l’apprentissage et la formation à la citoyenneté se sont transformés au grand dam de tous en véritables prédateurs de l’économie et des mœurs. Quel désastre ! Le Mali a besoin d’un changement qualitatif du leadership aux plans politique, économique, social et culturel puisque la corruption n’a épargné aucun secteur. Si la mise en place d’un bon leadership politique peut servir de fer de lance, le changement doit être envisagé sous l’angle du recadrage des activités des institutions, de l’administration publique, des partis politiques et de la société civile, en faisant une place spéciale à la gouvernance vertueuse afin que désormais, le cadre d’exercice de l’activité publique privilégie la compétence et la probité.

Un autre leadership est nécessaire

« Il ne saurait y avoir de démocratie sans séparation des pouvoirs »

Du point de vue institutionnel, l’architecture est presque parfaite car rien ne manque mais toutes les institutions semblent taillées pour accompagner le président de la république, faisant du principe de la séparation des pouvoirs un leurre. Les dossiers importants partent de Koulouba ou y aboutissent d’une façon ou d’une autre. Doit-on choisir un président d’institution ? La montée de Koulouba est inévitable. Doit-on trancher un litige sensible ? On prendra d’abord le sens du vent qui souffle de Koulouba. Doit-on nommer à un poste important ou attribuer un marché juteux ? On interrogera l’Oracle de Koulouba. Finalement dans un tel système, qui est responsable de quoi et qui doit-on sanctionner en cas de faute ? Le règne de l’impunité tant décrié ne doit donc rien au hasard, il est le produit d’un système voulu et savamment entretenu. Il ne saurait y avoir de démocratie et de transparence sans véritable séparation des pouvoirs alors que dans un régime présidentiel, voire présidentialiste, il n’y a en réalité qu’un seul centre de décision, l’exécutif, c’est-à-dire le président de la république qui écrase de son poids tous les autres. On a privilégié l’axe des hommes au détriment de celui des institutions. L’assainissement du jeu politique s’impose et il devra rétablir la séparation des pouvoirs avec la mise en place d’institutions fortes, animées et dirigées par des hommes et des femmes qui doivent tout à leur parcours professionnel et à leur sens moral. Pour parer à toute éventualité, la mise en examen doit être systématique dès lors que des faits graves attentatoires à l’honneur sont susceptibles d’être reprochés à n’importe quel responsable politique, à n’importe quel grand commis de l’Etat. C’est la seule façon de protéger les intérêts de l’Etat, donc ceux des citoyens.

« Les incompétents n’arrivent jamais tout seul à des postes de responsabilité… »

En ce qui concerne l’administration publique, les avancements et autres promotions doivent tenir compte de la valeur intrinsèque des hommes. Les incompétents n’arrivent jamais tout seul à des postes de responsabilité et ils seront toujours moins coupables que ceux qui les aident à monter. Cela est encore plus vrai pour les préfets et les magistrats qui tiennent à bout de bras l’administration et les communautés dans les démembrements de l’Etat. Leur compétence et leur droiture sont un gage de stabilité et de promotion de l’esprit citoyen, de la vertu. Il en est de même, au plan national des principales régies financières de l’Etat (Trésor, Douanes, Impôts) dont les directeurs sont des acteurs majeurs de la politique économique. Dans un souci de transparence et d’efficacité, ceux-ci doivent être recrutés selon la procédure d’appel d’offres par un cabinet d’audit international notoirement connu, avec des termes de référence précis (caractère apolitique, compétence, probité). Une Cour Suprême (elle-même au dessus de tout soupçon) disposant d’une Chambre administrative, d’une Chambre judiciaire et d’une Chambre des comptes doit pouvoir assurer la mission de remodeler l’administration et les principales régies financières, en veillant à ce qu’aucune décision purement politique ou à caractère népotiste ne puisse interférer dans le fonctionnement du service public. Cela permettra de réussir la lutte contre la corruption et l’assainissement des finances publiques. Un autre avantage que l’Etat pourrait en tirer est la promotion effective des petites et moyennes entreprises (pme) locales en favorisant l’aide à la formation de leurs dirigeants et en les impliquant davantage dans l’exécution des marchés publics. Avec des institutions et une administration performantes, les partis politiques n’auront d’autre choix que celui de la professionnalisation et de la moralisation ou se résoudre à disparaître.

« Contre tout bon sens de nombreux responsables politiques ont contribué à

l’hypertrophie du pouvoir présidentiel et au retour à la gestion de parti unique »

Les partis politiques dont l’objet principal est la conquête du pouvoir d’Etat ont choisi dans la plupart des cas la pratique de l’autostop qui demande moins d’effort, se transformant en courtisans toujours prêts à envisager le don de leur personne sans égard pour le projet politique. La formation à la citoyenneté, l’éveil des consciences, la mission de veille et de contrôle du parti majoritaire ont cédé la place aux intrigues, alliances et combines de toutes sortes, plongeant les militants et les citoyens dans un désarroi indicible. En renonçant à leur véritable mission, de nombreux responsables politiques ont ainsi contribué contre tout bon sens à l’hypertrophie du pouvoir présidentiel et au retour à la gestion de parti unique. La formation et la promotion des jeunes du parti, les rencontres politiques avec des débats démocratiques sur la vie du parti ou la vie de la nation, la sélection transparente des candidats offrant le meilleur profil pour les élections, l’exigence de débats télévisés sur les sujets d’intérêt national, les Maliens sont sevrés de tout cela et pour combien de temps encore ? Avec plus de cent vingt partis politiques dont l’écrasante majorité ne mènent pas une vie de parti, la solution n’est pas malgré tout dans la dissolution qui ferait un mauvais effet au plan international et donnerait au plan national l’occasion à certains de se faire une publicité à moindre frais. Il s’agit, si cela n’est déjà fait, de fixer des règles de création et de fonctionnement strictes et de les faire respecter pour garantir la diversité du plateau politique, mais en évitant que les vrais programmes ne se noient dans le brouhaha de vendeurs d’illusions prompts à pirater et à se parasiter. Cependant, de nombreux créateurs de partis politiques semblent avoir été contraints de le faire pour obtenir un espace de communication face à la boulimie de certains vieux routiers. Il est donc fort possible qu’on assiste à des regroupements significatifs dans un cadre offrant plus de liberté et moins axé sur la promotion personnelle des fondateurs. Un tel schéma permettra à la société civile de rester dans son rôle, celui de marché sur lequel les projets politiques sont exposés, défendus, acceptés ou refusés.

« Les tragédies de l’histoire révèlent les grands hommes, mais ce sont les médiocres qui provoquent les tragédies »

La société civile qui a dû prendre la rue à son corps défendant à cause de l’absence de réactions des partis devant certaines décisions impopulaires, est revenue au devant de la scène lors du vote de la loi sur le code de la famille. On a alors vu les associations islamiques réussir un rassemblement digne d’un grand mouvement. Elles ont refusé d’accepter le fait accompli et elles ont été entendues. Comme les religieux, de nombreux citoyens ont compris que le silence n’est plus une option, que laisser les seuls hommes politiques décider peut conduire à la catastrophe. On a tout de même failli perdre notre pays ! En attendant de savoir à qui les Maliens feront confiance pour diriger le pays, quel pourrait être le profil du futur président et quels sont les défauts qu’il ne devrait pas avoir ? Il suffit de se rappeler que « les tragédies de l’histoire révèlent les grands hommes, mais que ce sont les médiocres qui provoquent les tragédies ». Au vu de l’évolution de la situation du pays, des manquements constatés à divers niveaux, des conséquences dommageables qui ont débouché sur la tragédie nationale que tout le monde a sentie dans son corps et dans son âme, le pays doit être confié à des hommes et des femmes d’honneur qui sont prêts à faire des sacrifices, à réhabiliter le pays en lui donnant une économie forte et une armée véritablement républicaine bien outillée par sa mission.

Les regroupements significatifs de la société civile doivent édicter des valeurs et des comportements de référence dont ils feront une large promotion au plan national et qu’ils pourront opposer le moment venu à ceux qui réclament leurs suffrages. C’est la meilleure façon de servir la politique et le pays. En tout état de cause, faisons en sorte que ni nous, ni nos enfants, ni même nos petits enfants n’aient à revivre ce qui est arrivé. Cela commence maintenant.

Mahamadou Camara

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