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Cour d’Appel de Bamako : Les dérapages du Procureur général
Publié le jeudi 28 fevrier 2013  |  Le Prétoire




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Depuis sa nomination à la tête du Parquet général de la Cour d’appel de Bamako, il ne cesse de faire parler de lui, alternant déclarations publiques et initiatives spectaculaires, comme s’il voulait absolument occuper à lui seul tout l’espace judiciaire. Daniel Tessougué, puisque c’est de lui qu’il s’agit, ci- devant ancien membre du Bureau du vérificateur général, fraîchement désigné Procureur général, tranche décidément avec tous ceux qui l’ont précédé dans l’exercice de cette éminente fonction.

Par un interventionnisme incessant dans les dossiers judicaires et une forte propension à adopter la posture du justicier, là où seules la discrétion et la rigueur sont habituellement de mise, le nouveau Procureur général cultive, depuis sa prise de fonction, une étonnante singularité.

Dans les milieux feutrés de la Justice, cet activisme débridé est au mieux perçu comme relevant de la théâtralité, au pire comme l’expression d’une conception erronée de l’office du magistrat, surtout lorsque celui – ci représente le Parquet, c’est-à-dire l’Etat et, in fine, la société dans son ensemble. Nombre de professionnels du droit s’irritent en effet des excentricités du chef du Parquet général de Bamako et rappellent volontiers ce qu’ils appellent ses bourdes, avant de souligner qu’en sa qualité de Procureur général, l’intéressé devrait faire preuve de plus de retenue et de… professionnalisme. Ce qui résume parfaitement l’ambiance qui prévaut actuellement dans les milieux judiciaires face à un homme déterminé à s’affirmer vaille que vaille, fût-ce en foulant aux pieds les usages et règles qui sous-tendent l’exercice de son métier.

Le rappel de quelques affaires récentes semble malheureusement donner raison aux détracteurs du magistrat.

L’affaire dite de la mise en liberté des bérets rouges

Il s’agit probablement de la première grande gaffe du Procureur général Daniel Tessogué. Dans cette affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat, le juge d’instruction en charge du dossier avait pris en faveur de plusieurs accusés une ordonnance de mise en liberté. Alors même que le délai d’appel imparti au ministère public pour éventuellement s’opposer à la décision prise par le magistrat instructeur n’avait pas encore expiré, le Procureur général déclare sur les média qu’il n’entendait pas relever appel.

La déclaration suscite à la chancellerie, c’est-à-dire au Ministère de la Justice, un malaise tel que le Ministre en personne, Monsieur Malick Coulibaly, est obligé de monter au créneau pour préciser que le recours pouvait toujours être exercé. Et surtout, pour recadrer le Procureur général dont il est, au demeurant, le chef hiérarchique. Inutile de décrire l’effet désastreux provoqué par l’imprudente déclaration du procureur général: soudain, l’on a pris conscience que dans un dossier aussi sensible que celui des bérets rouges, aucune coordination, aucune concertation n’avait été engagée entre le gouvernement, via le Ministère de la Justice, et le Parquet général, auteur des poursuites pénales engagées, alors même que le second est censé représenter le premier au cours des différentes étapes du procès.

Plus que le procès en amateurisme souvent fait au gouvernement que l’affaire a réveillé, ce qu’on retiendra de ce dossier, c’est le spectacle ahurissant d’un Ministre de la Justice contraint d’aller, en toute urgence, contredire publiquement à la télévision d’Etat les déclarations faites par un Procureur général. Cela marquera les esprits dans cette affaire.

Finalement, la raison prévaudra et le ministre de la Justice, qui en avait le droit, s’abstiendra de recourir à des instructions écrites pour ordonner qu’appel soit relevé de la fameuse ordonnance de mise en liberté du juge d’instruction. Ouf de soulagement momentané… Mais ce n’était que la première bourde magistrale de Monsieur Tessougué.

Deuxième gaffe: les déclarations faites à la suite de la visite des troupes à Gao
Au cours d’une interview accordée à l’Ortm et diffusée dans l’émission «Sur la ligne de front», le Procureur général, qui venait d’accomplir une mission de sensibilisation auprès des forces armées maliennes présentes au Nord, se fend contre toute attente, de déclarations sur le moral des troupes et sur les difficultés matérielles auxquelles elles seraient confrontées. L’intéressé évoque le manque de moyens militaires des soldats et dénonce la mauvaise gestion des ressources qui leur sont destinées en indexant sans la moindre preuve la hiérarchie militaire, provoquant stupeur et indignation, à l’état – major des armées comme au sein de l’opinion. C’était dans la nuit du mardi 18 février 2013. Le lendemain, le ministre de la Défense, le général Yamoussa Camara, est contraint de démentir, avec courtoisie mais fermement, les propos tenus par le Procureur général en ces termes: «Je respecte le point de vue du Procureur général, qui a parlé avec son cœur.

La réalité est tout autre». Le sous-entendu est limpide: pour le ministre de la Défense, les déclarations du Procureur général n’ont pas été dictées par la raison !

Ce n’était pourtant pas la dernière gaffe de l’intéressé. Aux yeux du grand public, Daniel Tessogué s’est certes payé pour l’occasion un beau succès en se positionnant en avocat de soldats présentés comme des crève-la-faim, mais pour les observateurs avisés il s’est surtout prononcé, à tort, sur un sujet qu’il ne maîtrise pas et à l’égard duquel il ne peut se prévaloir d’aucune légitimité.

Le mot est lâché: affectant la posture du donneur de leçons, tout porte à croire que le Procureur général veut absolument projeter de lui -même l’image d’un avocat défenseur des plus faibles, celle d’un redresseur de torts, bref celle sympathique d’un chevalier blanc sans peur ni reproche. La dernière gaffe qu’il a commise illustre cette attitude préoccupante.
La dernière gaffe du Procureur: l’interpellation illégale de deux maires
Vendredi dernier, sur instructions du Procureur général Daniel Tessougué, le maire central du district de Bamako est interpellé à la Brigade d’investigations judiciaires. L’affaire fait grand bruit et est abondamment commentée dans la presse: Adama Sangaré, soupçonné de spéculations foncières, est placé en garde à vue pendant trois jours. Un autre élu municipal, M. Issa Balo, maire de la Commune de Kalabancoro, est également interpelé et gardé à vue dans le cadre du même dossier. Quant aux faits, ils sont d’une très grande banalité et relèvent, sur le plan pur du droit, de tout sauf de l’infraction pénale. En effet, quelques titulaires de Titres fonciers, irrégulièrement créés au demeurant, accusent les élus en question d’avoir donné des lettres d’attribution à des tiers sur les parcelles objet desdits titres. Sans autre forme de procès, le Procureur général saute sur l’occasion, c’est-à-dire les plaintes formulées par ces personnes contre Adama Sangaré, pour nettoyer les écuries d’Augias des mairies.

Tout à son empressement à s’ériger en Saint Just révolté contre les privilèges de la « Noblesse » de pouvoir incarnée par le Maire central, le Procureur se lance dans une véritable chasse à l’homme, une traque de la «corruption», en foulant au pied la loi. En l’occurrence, il s’agit des règles de procédure accordant un privilège de juridiction aux Officiers de Police judiciaire que sont pourtant les maires. Elles ont été superbement ignorées en ce qui concerne cette affaire.

Le Code de procédure pénale prévoit en effet une procédure spéciale, consistant pour le Procureur de la République à saisir par requête, et préalablement à toute poursuite, la Chambre criminelle de la Cour suprême « lorsqu’un officier de police judiciaire ou un délégué du Gouvernement est susceptible d’être inculpé d’un crime ou d’un délit qui aurait été commis dans la circonscription où il est territorialement compétent, hors ou dans l’exercice de sa profession».

Devant l’inconsistance des charges, qui n’avaient aucune chance de prospérer au pénal, et surtout face à la détermination des avocats des deux maires, le Procureur général a dû faire marche arrière et les élus arrêtés sont libres depuis le mardi 26 février 2013. Au vu de tous les dérapages décrits plus hauts, une question se pose: qu’est-ce qui pousse Daniel Tessougué à occuper sans cesse le devant de la scène ?

Pour expliquer les actes que pose le Procureur depuis sa nomination, ses amis parlent de son amour de la Justice et évoquent le rejet viscéral que l’injustice provoquerait en lui. Pour beaucoup d’autres, moins cléments, l’intéressé serait mû par la volonté de régler des comptes et l’ambition. Et d’évoquer sa conception sélective de la Justice en pointant du doigt l’inaction dont il aurait fait preuve face aux crimes imputés à la junte militaire, notamment l’enquête sur les crimes commis contre les bérets rouges arrêtés à la suite des évènements du 30 avril 2012 et celle de la tentative d’assassinat du Président par intérim Dioncounda Traoré.

Birama FALL

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