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Maliens, réveillez-vous !
Publié le mercredi 26 avril 2017  |  Le Canard Déchaîné
Marche
© aBamako.com par A S
Marche du collectif des ligues et clubs majoritaires
Bamako, le 25 avril 2017 Le collectif des ligues et clubs majoritaires a organisé une marche en vue de soutenir la décision de dissolution de la femafoot par le gouvernement.
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Les Maliens se sont endormis. Assoupis, comme frappés de la maladie du sommeil. Une trypanosomiase. Comme diraient les vieux infirmiers. Pourtant, les problèmes sont, de plus en plus, complexes ; de plus en plus insolubles. Avec une indifférence de clochard, ils voient, chaque jour que Dieu fait, leur pays sombrer dans l’incertitude du lendemain. Un pays menacé, jusque dans son existence, par d’autres Maliens, à la solde des « puissances d’argent ».

Le Malien d’aujourd’hui peut être peint en peu de mots : inconscience, insouciance et fatalisme. « Tais-toi et bouffe et s’il en reste, la nation pourrait en profiter », disent les uns. Et les autres : « Le pays profite aux autorités et à leurs ayant-droits. Nous, on a rien à y tirer. Et si nous sommes pauvres, incapables de changer les choses, c’est parce que Dieu l’a voulu ainsi. On ne change pas son destin ».

Le Malien : un individu génétiquement modifié

Le Malien a changé du tout au tout. Il est devenu méconnaissable. L’honnêteté, la dignité, l’intégrité morale et intellectuelle….. sont considérées comme des tares au sein de notre société. Le patriote a fait, au fil des ans, place à
l’« apatride », à l’inconscient, prêt à piller son pays pour son bonheur personnel. Un homme prêt à céder son pays aux « puissances d’argent » pour une bouchée de pain. Un « individu génétiquement modifié ». Pour comprendre cette métamorphose, il faut remonter au lendemain du coup d’Etat qui a renversé le père de l’indépendance malienne : feu Modibo Keïta.
Regroupés au sein du CMLN (Comité Militaire de Libération Nationale), un groupe de bidasses, avec à leur tête le lieutenant Moussa Traoré, prend le pouvoir. Sans, disent-ils, tirer le moindre coup de feu. La suite, on la connaît.
Tout ce qui a fait la grandeur et la force du Mali d’alors sont considérés, désormais, comme des tares. Les nouveaux maîtres du pays en donnent, eux-mêmes, l’exemple. Dès le lendemain du putsch, ils se partagent des centaines de millions, trouvés dans les caisses de l’Etat. C’est ce qu’ils appelaient « leurs primes de risque ». Certains putschistes se servent de ces fonds pour se lancer dans le transport, en s’achetant des dizaines de camions. Alors qu’au même moment, le seul compte bancaire du président déchu, logé à la Banque de Développement du Mali (BDM), ne contenait que 200.000 francs malien. Soit l’équivalent de 100.000 CFA. On se rappelle, aussi, que pour pouvoir envoyer sa pauvre mère en pèlerinage à la Mecque, le président Modibo Keïta a dû prêter de l’argent avec un « ami ».

L’éternel recommencement

Avec le CMLN aux manettes du pays, rien ne sera comme avant. Durant 23 ans, la junte militaire a mis le pays à feu et à sang. Les opposants politiques sont envoyés au bagne-mouroir de Taoudénit où, ils sont parfois achevés d’un « coup de barre de fer », la torture ou l’épuisement. S’y ajoutent les tortures, les expéditions punitives. Le détournement des fonds publics est devenu un sport national. Et la corruption, d’un naturel insoupçonné. Ainsi, un planton, proche du pouvoir, est plus « puissant » qu’un chef de service bardé de diplômes. Le Malien n’est plus affecté à un poste, parce qu’il en a la compétence ; mais à cause de ses affinités avec le régime en place. L’homme n’est plus apprécié pour son respect pour le bien public, sa bonne moralité ; mais pour sa richesse. Considérés, autrefois, comme les piliers du « jeune Etat malien », les enseignants sont considérés comme des moins que rien. Parce qu’ils n’ont ni compte bancaire garni, ni voiture de luxe, ni villa. « Un enseignant n’a qu’une chose à offrir à sa femme : la poudre de craie », disaient les femmes. La course à la richesse est, donc, ouverte. Peu importe les moyens utilisés, l’essentiel est de s’enrichir. A tout prix. Ces pratiques, qui ont duré 23 ans d’affilée, ont modifié la « structure moléculaire » du Malien. Qui ne jure plus que par ses intérêts égoïstes ; pas ceux du pays, enterrés depuis belle lurette sous une dalle en béton. La chute du régime GMT (Général Moussa Traoré), intervenue à la faveur de la « révolution de mars 1991 », et l’avènement de la démocratie dans notre pays – avec l’élection du président Alpha Oumar Konaré en 1992 -, n’a pas mis fin à ces pratiques. Avec l’arrivée au pouvoir de « l’enseignant », de « l’époux de l’enseignante » et du « fils de l’enseignant », l’école malienne n’a pas retrouvé ses lettres de noblesse. Bien au contraire. Elle est devenue, à la surprise générale, une fabrique de « chômeurs », de demi-lettrés et de « diplômés-analphabètes ». L’intégrité morale et intellectuelle est devenue l’exception. Et le pillage des caisses publiques, la règle.

Changer la mentalité du Malien : un défi permanent

Tout comme le régime Alpha Oumar Konaré, celui de son successeur, Amadou Toumani Touré (ATT), a construit autant d’écoles, de routes, de centres de santé, de ponts…. Mais tous deux ont oublié de changer la mentalité du Malien, pervertie par 23 ans de gabegie, de népotisme, de laisser-aller et de laisser-faire. Avec la prise du pouvoir, le 22 mars 2012, par le CNRDE (Comité National pour le Redressement de la Démocratie), dirigé par un obscur capitaine, Amadou Aya Sanogo, le Mali a frôlé le chaos. Avec, à la clé, l’occupation de toutes les régions du nord, le départ des partenaires techniques et financiers et la mise au ban du Mali par la communauté internationale. A l’issue de la transition, pilotée par Pr Dioncounda Traoré, le candidat IBK a été élu, à la présidentielle de juillet 2013, avec un score de 77,3 % des voix au second tour. Avec comme slogan « Pour l’honneur du Mali », « Pour le bonheur des Maliens », il était considéré comme le seul candidat à même de restituer à notre pays sa fierté et son honneur, bafoués par plus de 25 ans de mal gouvernance, de tâtonnements et de pilotage à vue.
A, environ, 15 mois de la fin de son quinquennat, jamais le Mali n’est tombé aussi bas. Avec, à la clé, une gestion « patrimoniale » des affaires publiques. Les gouvernements se suivent et se ressemblent. A chaque remaniement ministériel, on reprend les mêmes et on recommence.
Si sous le capitaine-général-Maréchal Amadou Aya Sanogo, des journalistes ont été enlevés et torturés, l’histoire retiendra que c’est sous IBK, le « Sorbonnard » qu’un journaliste, notre confrère Birama Touré, a disparu à Bamako. Sans laisser la moindre trace.
Rendu public, le 11 avril dernier, le gouvernement Abdoulaye Idrissa Maïga n’a pas fait exception à la règle. Surtout, avec le retour de certaines « momies » à la tête de départements, jugés stratégiques, pour l’avenir de notre pays.
Avec cet éternel recommencement, les Maliens sont convaincus que le changement tant attendu n’est pas pour demain. Alors, tout le monde ou presque, fait la même chose pour vivre. Ou survivre.
Le vol du bien public, la magouille, l’argent facile sont, tellement, ancrés dans l’ADN du Malien, qu’il a du mal à s’en défaire, à vivre sans….
Considéré, jadis comme un pays-phare en Afrique, à cause de la qualité de son leadership sur les grandes questions africaines et la compétence de ses cadres, le Mali est, aujourd’hui, tombé bas. Très bas. Trop bas. En Afrique comme en Europe ou en Asie, les Maliens sont montrés du doigt. Soit pour l’incapacité de ses autorités à assurer la sécurité de leurs citoyens ; soit pour leur indifférence face au sort tragique de leur pays.

Le nécessaire changement de cap

Réveillez-vous, Maliens ! Car cette « trypanosomiase » n’a que trop duré. Méfions-nous des politicards, qui nous font croire, qu’avec eux le Mali retrouvera sa gloire d’antan. Et les Maliens, leur fierté perdue. Refusons de vendre notre vote aux « messies-autoproclamés ». Qui ne cherchent le pouvoir que pour en jouir. Méfions-nous des « chauves-souris politiques», ces politicards, drapés du manteau religieux, qui se servent de Dieu et de l’islam, pour nous transformer en « bétail électoral ». Soyons vigilants, désormais, dans le choix de ceux qui auront la charge de gérer notre destin. Nos autorités ne nous respecteront, que lorsque nous leur aurons prouvé que nous sommes dignes de respect. Refusons de vendre notre âme au diable. Et notre vote, aux « politicards du dimanche ». Soyons dignes des Soundiata Keïta, Babemba Traoré, Samory Touré, Askia Mohamed, Firhoun et autres Banzani Théra…. dont nous nous réclamons. Préservons l’héritage qu’ils nous ont légué : le Mali. Au prix de notre sang, s’il le faut. Mettons l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut. Sans distinction de parti politique, de couleur de peau ou de religion.
C’est ainsi seulement, et seulement ainsi, qu’on peut changer notre destin. Celui de notre pays, avec.
Oumar Babi

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