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Me Abdoulaye Garba Tapo à l’Aube : «La révision constitutionnelle est illégale et illégitime »
Publié le jeudi 15 juin 2017  |  L’aube
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« On ne pourra même pas recueillir l’avis de 1/3 des Maliens », « On ne pourra jamais organiser un référendum digne de ce nom », « Ça sera une poignée de gens qui pourront se prononcer et leur opinion ne reflète pas l’opinion générale »… Ce sont là des raisons qui ont amené Me Abdoulaye Garba Tapo à s’opposer à la révision constitutionnelle en cours. Juriste de formation et professeur de droit dans plusieurs universités de la sous-région, Me Tapo trouve cette révision aussi inopportune qu’illégitime et illégale. Au-delà, l’éminent avocat a dévoilé à notre reporter comment le mouvement « Le Mali avance » est né, ses ambitions…

L’Aube : L’Assemblée nationale a voté le projet de loi sur la révision constitutionnelle et le gouvernement compte organiser un référendum le 9 juillet prochain. Quel est votre avis ?



Me Abdoulaye Garba Tapo : Je n’ai jamais caché mon avis à ce sujet. Cette révision, elle est illégale et illégitime, parce que pour la légalité de cette révision, le texte de référence est la constitution de 1992 qui est toujours en vigueur. Et cette constitution à son l’article 118 a interdit la révision constitutionnelle au moment où l’intégrité du pays est menacée. Aujourd’hui, malgré l’avis de la Cour constitutionnelle qui vient de dire le contraire en se basant sur des principes très fallacieux et erronés, comme si c’était une question de droit international alors que c’est une question de droit interne. On ne peut dire aujourd’hui que l’Etat malien a la moindre prise sur une bonne partie de son territoire. Il ne faut même pas aller jusqu’à Kidal ou au nord, prenons simplement Mopti. Déjà à 40 Km de Mopti, le pays est entre les mains des hors la loi. L’école ne fonctionne pas, il n’y a pas d’administration. Comment voulez-vous nous faire croire que l’Etat règne encore souverainement sur ces parties du territoire. Quand on parle d’intégrité, ça veut dire que l’Etat doit exercer son pouvoir sur toute l’étendue du territoire. A partir du moment où une bonne partie du territoire échappe au contrôle de l’Etat, on peut dire que l’intégrité est menacée.

Par ailleurs, c’est illégitime parce que c’est au fond l’acceptation par les citoyens de la mesure invoquée. Pour la constitution, le meilleur baromètre est le référendum où on recueille l’avis de toute la population. Aujourd’hui, on ne pourra même pas recueillir l’avis de 1/3 des Maliens. Surtout dans certaines zones où la population est sous pression des rebelles. On ne pourra jamais organiser un référendum digne de ce nom. Ça sera une poignée de gens qui pourront se prononcer et leur opinion ne reflète pas l’opinion générale.

A travers les réseaux sociaux, vous avez lancé l’idée de la création du mouvement dénommé « le Mali avance ». D’où est venue cette initiative ?

L’initiative n’est pas venue de moi. C’est sur Facebook que j’ai adhéré à ce groupe. Nous portions tous l’idée de voir comment nous allions pouvoir mobiliser la jeunesse, la sensibiliser et en faire une force politique pour quelle puisse peser sur son destin. Parce que, tant que la jeunesse restera telle qu’elle est aujourd’hui, sous éduquée et pratiquement peu consciente de ses responsabilités, elle continuera à se faire manipuler. Finalement, le pays ne s’en sortira jamais. Notre objectif était donc de fonder un mouvement qui se base essentiellement sur les jeunes et, cela dans le but d’en faire une véritable force politique capable de peser sur son propre destin et sur celui du pays.

Pourquoi cette dénomination « le Mali avance » ?

En faite, l’appellation « le Mali avance » n’est pas venue de moi. On a demandé aux différents promoteurs de nous faire des propositions. Et au cours des débats, on a convenu que « le Mali avance » était quelque chose de significatif, parce que c’est porteur d’espoir. Nous connaissons tous les difficultés du Mali aujourd’hui. Nous savons que réellement ça ne va pas, mais on sait dit qu’il faut être optimiste et se dire que quel que soit la situation, le pays ne restera pas dans ce pétrin. Donc, c’est une note d’espoir.

Comment les citoyens ont-ils accueilli ce mouvement ?

Si vous regardez les premières réactions, au bout de dix ans d’existences, nous sommes à 3500 adhérents. Ils sont non seulement de tous les coins du Mali, mais aussi d’Europe, d’Asie et d’Amérique. Partout où il y a des Maliens qui pensent c’est un mouvement porteur d’espoir.

Est-ce un mouvement politique ? Et quels sont les principaux objectifs que vous vous fixez ?

Nous sommes partis du fait qu’unanimement, nous décrions tous les pratiques politiques, à travers les partis qui ont vraiment dévoyé la politique et fait de la politique une sorte d’affaire commerciale et une question d’intérêt. Notre mouvement a voulu se démarquer de cette pratique. Et nous voulons vraiment créer une nouvelle race de politiciens qui pensent avoir pour seule mission la défense de l’intérêt général.

Notre objectif principal, c’est d’abord rassembler le maximum d’énergies pour en faire une vraie force qui pourra peser sur son destin, qui pourra servir de contrepoids à n’importe quel pouvoir et l’obliger à prendre en compte les intérêts du pays. Les élections de 2018 nous paraissent une échéance très importante et il n’est pas exclu que nous puissions soutenir le candidat qui nous paraitra le même à satisfaire à l’intérêt du pays.

Quel regard jetez-vous sur la situation économique, politique et sociale du Mali ?

Et la gouvernance du président Ibrahim Boubacar Keïta ?

Un regard très sombre. Quand vous regardez toutes ces grognes sociales, tous ces mouvements sociaux. Quand vous entendez la population, vous sentez que réellement aujourd’hui il y a une réelle frustration. Vous avez une minorité soi-disant politique qui constitue presqu’une castre et qui est là à s’enrichir, alors que la population croupisse sous la misère. L’éducation, la santé, la justice ne marchent pas, la corruption est galopante. Finalement, où va ce pays ? Ça ne va pas ! Il y a une mauvaise gouvernance.

Vous avez soutenu le candidat IBK lors de la présidentielle de 2013. Quelle est votre appréciation sur la gestion du président IBK ?

Oui, je l’ai soutenu. Je pensais qu’il était le mieux apte à sortir le pays de cette situation. Je pensais qu’il allait s’entourer des meilleurs cadres du pays et les laisser travailler pour le bien-être du Peuple. Ça a été le contraire. Et finalement, il a commis les mêmes erreurs que le président ATT. On a assisté au retour de tous ceux qui ont fait le malheur de ce pays durant les dernières années. Pour ce qui me concerne, je pense que ça a été une grosse erreur.



Propos recueillis par

Mohamed Sylla
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