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Les putschs ne seront jamais la solution
Publié le mardi 26 mars 2013  |  Le Pays.bf




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Faut-il rire ou pleurer de la chute de François Bozizé? Ni l’un, ni l’autre répond le quotidien burkinabé Le Pays.
Chinua Achebe vient de s’éteindre. Toute sa vie, il a rêvé, combattu à travers son œuvre littéraire monumentale, pour l’avènement d’une Afrique libre, démocratique, unie et prospère. Son roman le plus connu, Le monde s’effondre, décrit la fin tragique d’un monde incarné par le suicide de son viril personnage, Okonkwo. Il y a une similitude frappante entre la tragédie qui frappe Okonkwo (ascension, exil et suicide) et la chute politique de François Bozizé.

Malgré l’apparence de robustesse qu’offrait, à première vue, le régime Bozizé, il a suffi de quelques heures de «combats» avec les rebelles de la Séléka, pour que le monde du dictateur putschiste, démocrate de façade, s’effondre. On avait vite compris, après le report de la visite du médiateur, Sassou Nguesso, et de son homologue du Tchad, Idriss Déby, à Bangui, que le glas avait sonné pour Bozizé.

Les fameux accords de Libreville se révèlent finalement comme un compromis politique pourri qui a tenté de maintenir en place le système dictatorial de Bozizé. Ces accords politiquement pathogènes sont devenus mortels pour la Centrafrique elle-même. Et Bozizé a voulu se servir de ces accords pour se protéger, au lieu de les utiliser pour servir la cause de la paix et de la démocratie.

Un pays maudit

A l’origine de l’histoire politique centrafricaine, il y a cet étrange sentiment d’un pays maudit. Et le peuple centrafricain fait ici figure de peuple déchu. Comme si ce pays avait inscrit sa propre existence dans une histoire immuable, pour ne pas dire immobile.

Comment comprendre que depuis son indépendance en 1960, ce pays soit en proie à des rébellions sporadiques qui se terminent toujours par des coups d’Etat? A tel point que ce pays est devenu, de nos jours, un objet d’effroi et de dégoût. On a même l’impression qu’ici, politique rime avec satanisme, c’est-à-dire qu’elle équivaut à une violence démonologique permanente. Car la société centrafricaine est une société où les individus, de manière hobbienne, se font la guerre en permanence. Quant à Bozizé, un homme plat, sans intelligence et talent politiques sérieux, sa conception de la politique est primaire elle se réduit à l’art de duper. Il a oublié que, comme l’a si bien vu Sunzi, «le bon stratège soumet l’ennemi sans combattre».

Bozizé a été victime de sa propre sclérose intellectuelle et politique, basée sur une systématisation pathologique du mensonge, ce qui lui a masqué la vérité profonde sur la nature réelle de son régime. Depuis les accords de Libreville, il se débattait dans le vide, avant de se rendre compte, mais très tardivement, de sa propre fragilité et vulnérabilité politiques. Cet homme avait une mentalité sectaire, ce qui lui faisait nier l’évidence, et lui interdisait de voir la «Lumière».

Croyait-il que le peuple centrafricain duquel son régime était complètement coupé, allait continuer à rester à ses côtés jusqu’au sacrifice suprême? Il faut être un imbécile ou un sodomasochiste pour mourir pour un tel régime, surtout que, comme c’est devenu une coutume en Afrique, son principal inspirateur a pris la fuite et mis sa famille à l’abri. Qui a dit que les dictateurs n’aiment pas la vie?

Ceux qui pensaient que pour défendre son fauteuil, Bozizé allait choisir de se «bunkériser» comme Gbagbo, doivent, tout bonnement revoir leur copie. Le régime Bozizé, c’était juste un régime de jouissance et de dilapidation, corrompu et reposant sur une conception patrimonialiste de l’Etat. Cela dit, après avoir assisté au spectacle du terrassement militaire de Bozizé, faut-il en déduire que la Centrafrique, avec la Séléka, va emprunter un chemin politique nouveau? Soulignons que, quoi qu’il en soit, ce coup d’Etat ne peut que contribuer à noircir encore l’image de ce pays sur la scène internationale. Il traduit la médiocrité des élites politiques et intellectuelles du pays de Boganda.


Le putsch, une mauvaise réponse

A l’heure actuelle, rien n’indique qu’avec la Séléka, la Centrafrique se mettra en marche vers une conquête collective de la démocratie. Certes, les rebelles, en prenant Bangui, n’ont ni pillé, ni violé. Et leurs actions n’ont pas abouti au déclenchement d’une guerre civile. Mais ils ont tout de même emprunté, en ayant recours à la voie des armes, le chemin le plus court pour prendre en main l’Etat, donc de la richesse matérielle.

Soyons clairs: les coups d’Etat ne peuvent apporter aucune solution ou réponse durables aux maux qui minent les sociétés africaines. En Afrique, cette méthode de conquête du pouvoir d’Etat, a fini par acquérir une valeur à proprement parler initiatique. Au XXIe siècle, la démocratie, parce qu’elle institue des sociétés ouvertes, doit être érigée en comportement moral et social dans nos pays.

La Centrafrique représente à la fois une négation de l’idée démocratique en Afrique et son expression la plus caricaturale. Or, bien appliquée et adaptée à l’humus local, la démocratie apporte la sécurité et la paix, deux exigences capitales, et elle empêche que chaque citoyen se mette à agir en dictateur. Agir en dictateur, en se fondant sur la force comme seul moyen de régulation politique et sociale, c’est alimenter les coups d’Etat et les guerres civiles.

La démocratie repose sur la transparence, que les dictateurs tels que Bozizé, considèrent comme d’ignobles inventions pour les empêcher de poursuivre le saccage politique de nos pays. La transparence démocratique révèle la vulnérabilité politique et humaine des dictateurs, et porte atteinte à leur capacité de régner à vie.

Bozizé, l’ange centrafricain déchu, dans sa fuite et dans son exil, finira par méditer sur cette transparence et admettre son incontournable et essentielle puissance. Ainsi, il comprendra, enfin, les raisons de son suicide politique, après avoir refusé, d’appliquer intégralement, les accords de Libreville. Et qu’il sache qu’aucun Centrafricain n’est né pour souffrir éternellement. La chute de Bozizé signe la fin des politiques de résignation présomptive en Afrique, à savoir que, par crainte d’être mouillés par la pluie, certains dirigeants africains finissent par se jeter dans la rivière. A l’arrivée, rien ne change à leur étrange condition. Et de nouveau, le peuple leur tourne le dos, et leur «monde s’effondre». Adieu Achebe. L’Afrique entière te pleure et ne t’oubliera jamais.

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