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Le 22 Septembre N° 285 du

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Commémoration du 26 Mars : La Révolution trahie par ses acteurs
Publié le jeudi 4 avril 2013  |  Le 22 Septembre




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Que reste-t-il encore de la flamme révolutionnaire du 26 Mars 1991? Très peu de choses, pour ne pas dire rien. Au fil des ans, la flamme n’en finit plus de faiblir, au point que l’anniversaire de cette date-repère de l’histoire récente de notre pays passe presqu’inaperçu.

Et pourtant, cette révolution fut portée par un formidable souffle qui a vu le peuple malien se lever comme un seul homme pour mettre bas un régime dictatorial et autocratique de 23 ans. Le changement opéré souleva une immense espérance pour la satisfaction de la plate-forme de revendications : la promotion des libertés collectives et individuelles, y compris la liberté d’expression, l’avènement du multipartisme intégral et un mieux être pour l’ensemble des Maliens grâce à une répartition plus juste des richesses nationales.

Vingt deux ans après, que d’eaux ont coulé sous le pont des Martyrs? Dans la foulée de la révolution, l’on assista effectivement à une libération des initiatives créatrices qui s’accompagna de l’éclosion d’une kyrielle d’associations à vocations diverses dont le nombre dépasse aujourd’hui les 3 000.

Sur le plan politique, le multipartisme intégral, une revendication de base, devint une réalité tangible. Le nombre des partis politiques dépasse aujourd’hui la centaine, même s’il faut préciser que les formations politiques qui vivent réellement atteignent péniblement la quinzaine. La plupart d’entre elles ne sont visibles uniquement qu’à l’occasion des élections et le reste du temps, c’est la quasi-hibernation. Le travail d’éducation et de sensibilisation de leurs militants est superbement ignoré.

Quant aux libertés collectives et individuelles, elles connurent leur âge d’or marqué par une véritable explosion démocratique avec à la clé une profusion d’organes de presse dont plus de 200 radios de proximité (communautaires, commerciales et rurales) et une centaine de journaux privés sur lesquels une trentaine paraissent régulièrement. Si elle a gagné la bataille de la quantité, la presse privée se doit aussi de relever le défi incontournable de la qualité.

Le coup de grâce fut donné à la démocratie malienne à la faveur de la grave crise sécuritaire et politico-institutionnelle que notre pays traverse actuellement. Sans négliger les facteurs exogènes et les considérations géopolitiques, cette crise est, en grande partie, la résultante d’une série d’erreurs voire de fautes commises par nos décideurs politiques qui n’ont pas su anticiper sur les évènements à partir du moment où ils n’ont pas su en faire une lucide appréciation. En avaient-ils, au demeurant, la volonté occupés qu’ils sont à jouir des multiples privilèges que leur procure le pouvoir? Au cas où ils ne sont pas tout simplement perdus dans les dédales des calculs politiciens pour se maintenir au pouvoir?

En vérité, ce sont ses acteurs mêmes qui ont trahi la révolution de Mars 1991. Amadou Toumani Touré, qui a militairement parachevé la révolution populaire, dans l’euphorie du moment promettait à tous qu’il allait mener le «kokadjè», «laver proprement» en bambara. Autrement dit, qu’il allait livrer une lutte implacable contre la corruption.

Des années après, force est de constater que la corruption ne s’est mieux portée que sous l’ère démocratique. Résultat : les milliardaires de la démocratie n’en finissaient plus d’ériger à tour de bras des villas cossues et autres buildings avec une boulimie et une frénésie qui n’ont aucune mesure avec leurs sources de revenus. Et de déployer ostensiblement d’autres signes extérieurs de richesses comme ces 4 x 4 dont l’insolence du luxe insulte l’environnement dans lequel ils roulent. Du haut de leurs colossales fortunes, amassées en si peu de temps à la manière des oligarques russes, nos nouveaux riches narguent le bon peuple, se disant que l’essentiel est d’arriver au sommet de la pyramide sociale dussent-ils emprunter pour cela emprunter les raccourcis les plus abjects. Sous la démocratie on a mangé des deux mains, voire avec les coudes. Les «sourofing», entendez par là les bakchichs, se livrent désormais en plein jour.

Au Mali, tout se vend tout s’achète. Pour être recruté dans l’armée il fallait payer. Idem pour la fonction publique, la police et la douane. Tout s’obtient moyennant finance. Les passe-droits, les sociétés écrans, la concussion, la prévarication et les dessous de table ont droit de cité. Les tares sociopolitiques comme le népotisme, le trafic d’influence, l’affairisme et le favoritisme -contre lesquelles on s’est battu – ont été amplifiées au centuple. L’impunité et le manque de récompense du mérite participent à la dynamique de perpétuation du cercle vicieux, le tout se déroulant sous l’œil laxiste d’ATT. C’est le triomphe de la médiocratie.

L’hydre de la corruption s’est muée en véritable cancer qui, par métastases, a fini par gangrener l’ensemble du corps social. ATT, le héros du 26 mars a-t-il fini par devenir le zéro de la République? Comment ne pas se poser la question devant un tel sombre tableau? Les réalisations socio-économiques qu’il détient à son actif ne pouvant guère faire le poids devant la grave crise dans laquelle sa façon de gérer a fini par nous entrainer.

Pour tout dire, c’est toute la classe politique et l’élite intellectuelle qui ont démissionné. Tous se sont invités au banquet du consensus alimentaire mais soporifique d’Amadou Toumani Touré, l’indépendant. Avec la crise même les libertés fondamentales ont pris un sacré coup face à la multiplication des agressions physiques, les arrestations et autres intimidations de journalistes. D’exemple en Afrique voire dans le monde, le Mali est en train de devenir un contre-exemple en matière de liberté de presse. Et de démocratie tout court.

La société civile, qui aurait pu constituer une force neutre de proposition, est entrée, depuis belle lurette, de plain pied dans le jeu politicien. Peut-être qu’elle ne voulait pas, elle aussi, rester en marge du festin général. La société civile y compris la presse, le chien de garde de la démocratie. Le chien de garde ou le veilleur de nuit a, quant à lui, laissé sa vigilance se prendre à défaut. S’est-il laissé attirer par le fumet appétissant des os charnus qu’on lui lance de temps à autre? A sa décharge, le système politico-administratif l’a précarisé à dessein pour l’instrumentaliser à ses fins.

Alors que la presse qualifiée, à juste titre, de quatrième pouvoir, est censée être l’un des piliers centraux de la démocratie, le dernier rempart contre l’injustice pour le citoyen broyé par la machine politico-judiciaire. Une posture qui fait, ipso facto, de la politique une fin en soi. Les acteurs sont prêts à tout pour acquérir le pouvoir et le garder. L’école, qui symbolise l’avenir même du pays, est devenue le champ clos des luttes politiciennes. Au grand dam du devenir immédiat de la nation et des jeunes, les futurs cadres de demain.

Sous peine d’hypothéquer l’avenir du pays, l’élite politique se doit de s’amender sans délai et de rompre avec une telle attitude. L’affairisme et la défense des intérêts particuliers et sordides doivent céder le pas au culte du patriotisme, le respect du bien public et l’amour du travail bien fait. Le sens de la dignité doit primer sur l’arrivisme et la patrie mise au-dessus de toute autre considération. C’est ainsi et seulement ainsi que le sursaut national si indispensable et salutaire pourrait s’opérer.

Les élections à venir constitueront un test majeur dans ce sens. Les leaders politiques devraient se faire violence, pour une fois, afin de taire leurs dissensions personnelles et leurs querelles de clochers dans le but de sortir le pays du gouffre dans lequel ils ont largement contribué à le plonger.

Pour ce faire, ils devraient se garder de confondre combat de personnes et luttes politiques d’idées pour la construction nationale. Mais force est de constater qu’ils continuent plutôt de se regarder en chiens de faïence en se vouant une haine insensée et dommageable pour le pays. Qu’ils sachent enfin qu’il n’y a qu’un seul fauteuil présidentiel et qu’on peut se rendre utile à son pays et gagner bien sa vie sans être forcément président de la République, ni ministre ni même être Directeur Général ou PDG de société.

Yaya Sidibé

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