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Réplique à IBK !
Publié le lundi 14 aout 2017  |  L’aube
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© aBamako.com
Lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita
Bamako, le 11 juin 2015, le CICB a abrité la cérémonie de lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita, c`était sous la Haute présidence de SEM, Ibrahim Boubacar KEITA
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L’intervention mi- interview, mi- adresse à la nation du Président IBK sur la révision constitutionnelle le 8 août 2017 lors du journal télévisé de l’ORTM peut déjà se prévaloir d’un pâle souvenir d’étalage d’amateurisme en communication. Mais au-delà de cet amateurisme, c’est le contenu même du discours du Président de la République aux accents autoritaristes, aux incohérences patentes et aux contrevérités évidentes qui posent problème et qui trahissent les exigences de la gestion d’un régime démocratique. Les six (06) questionnements qui suivent interpellent le rendez-vous manqué de ce 8 août 2017 qui n’aura contribué qu’à enfoncer le président IBK dans ses propres contradictions et à l’éloigner davantage de son peuple qu’il semble ne plus comprendre.





PREMIER QUESTIONNEMENT : Le Président IBK n’administre-t-il pas la preuve que les concertations en cours ne sont que des opérations de manipulation de l’opinion publique ?

Il avait été savamment distillé que le Président IBK était entré en concertation avec les forces vives de la nation afin de recueillir leur sentiment sur son projet de révision anticonstitutionnelle vigoureusement contesté y compris dans son propre camp.

D’ailleurs à l’entame de son intervention du 8 août 2017, il entretient cette illusion en disant : « Dans un pays, il arrive des moments où le sommet doit essayer de prendre le pool de la Nation. Et cela peut arriver à tout moment, même quand on ne s’y attend pas ; un événement peut en amener un autre. Et cela amène à interroger les uns et les autres sur la pertinence d’une décision que l’on prend sur le plan de l’intérêt général de la Nation. C’est le cas aujourd’hui… ».

Le Président poursuit : « Le consensus, l’apaisement et nous souhaitons toujours qu’une décision, prise au nom de la Nation, dans l’intérêt bien compris de la Nation, soit partagée par cette Nation-là. Il est évident que cet effort-là, nous le conduisons et nous ne le laisserons pas jusqu’à ce que nous fassions le constat. Peut-être, y-a-t-il impossibilité ou refus d’avancer ensemble, mais nous ne baisserons pas les bras et nous continuerons de voir les uns et les autres, telle est notre mission et nous l’utiliserons bien volontiers… ».

A peine le Président IBK a-t-il terminé ces phrases mettant en exergue le consensus et l’apaisement que sont venus complètement pris le dessus, ses intentions belliqueuses, sa tendance à croire détenir lui seul toute la vérité, son inclinaison à toujours en imposer aux autres sans souffrir de la moindre contradiction comme dans une dictature monarchique.

Chacun a pu ainsi apprécier que les soi-disant concertations en cours, ne sont en fait que de pures mises en scène, voire des artifices d’infantilisation des forces vives de la nation qui savent désormais qu’à propos de la révision constitutionnelle, leurs points de vue ne valent absolument rien aux yeux du Président IBK dont la religion est déjà faite sur la question. La meilleure preuve de l’inutilité de ces concertations n’est-elle pas établie par la réaffirmation par le Président IBK de son intention d’aller à sa révision constitutionnelle alors même que les concertations sont toujours en cours ?



DEUXIEME QUESTIONNEMENT : Le Président IBK prônerait-il une démocratie sans libertés publiques ?

L’opinion publique qui n’est pas dupe, n’a certainement pas manqué de se demander si la raison majeure de la sortie du Président n’était pas à rechercher du côté de sa volonté de répliquer à la dernière manifestation pacifique de dénonciation devant les locaux de son ambassade, de l’attitude de la France dans la crise du Nord. En tout état de cause, la condamnation de ces manifestations s’avère une digression bien incongrue dans un sujet portant sur la révision constitutionnelle. Le Président est libre y compris par la voie de la digression, de donner des gages de son soutien indéfectible à la France « libératrice ». Cette même France « libératrice » -le Président IBK l’a certainement oublié-que nos grands-parents et même nos parents comme le mien personnel, avaient aidé elle-même à se libérer de l’Allemagne nazie. Ils ont été nombreux à perdre la vie dans cette mission de libération de la France.

C’est pourquoi au regard de cette vérité historique, le Président de la République n’a pas à cultiver de complexe dans la tête du peuple malien qui a été le premier à défendre la France. N’en déplaise au Président IBK, cela fait aussi partie de la « tradition malienne » et de ses « valeurs et civilisations » d’exprimer, quoi qu’il advienne, son opinion y compris à son libérateur. Le Président apparemment déconnecté des sentiments profonds de ses compatriotes a-t-il véritablement conscience qu’ils sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur l’attitude ambigüe du gouvernement français dans la crise du Nord et à sérieusement douter de cette « amitié française » dont il est le seul à rêver, puisque les Français eux-mêmes n’y croient guère. Le Président IBK se souvient-il de la fameuse formule « La France n’a pas d’amis, la France n’a que des intérêts » ?

De toute façon et n’en déplaise au Président IBK, ce n’est pas parce que « la France est un pays ami » qu’il peut empêcher les Maliens de s’exprimer librement sur sa politique au nord de notre pays.

Le Président IBK doit se souvenir qu’au Mali où la Révolution de Mars 1991 a terrassé la dictature réfractaire à toute contradiction, ce n’est pas le Président de la République bénéficiaire de cette révolution populaire qui va décider seul de ce qui est bon pour les Maliens et qu’en tout état de cause, aucun Président de la République ne peut aucunement interdire dans son principe même, y compris par l’argument facile de la tradition malienne, aux opinons contraires de s’exprimer. En proférant la menace comme quoi il « ne toléra pas ce genre de comportement », le Président IBK a-t-il souvenance de l’article 4 de la Constitution du 25 février qui dit : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion, d’expression et de création dans le respect de la loi » ?

On constate que les opposants à la révision anticonstitutionnelle sont également victimes de cette dérive autoritariste du Président IBK allergique à toute critique de la politique désastreuse qu’il mène depuis son avènement au pouvoir en 2013.

C’est parce que la gouvernance du Président IBK s’écarte dangereusement des principes de la démocratie qu’il a déclaré dans son intervention télévisée : « Dire aujourd’hui qu’il n’y aura pas de révision constitutionnelle n’est pas républicain. Cela est anti national, en tout cas contraire au droit ».

Le Président IBK parle de droit ? Eh bien parlons-en justement dans le troisième questionnement qui suit !



TROISIEME QUESTIONNEMENT : Pourquoi le Président IBK à travers des invectives, fait-il une lecture biaisée de l’Etat de droit qu’il soumet à « deux poids, deux mesures » ?

Pour qui a suivi les pratiques du régime du Président IBK depuis son avènement en 2013, cela fait presque sourire, quand on n’a pas assez de larmes pour pleurer, de l’entendre dire dans son intervention : « Tout cela est respectable et respecté, sauf que dans un Etat de droit, le droit doit être l’unique référence… Dire aujourd’hui qu’il n’y aura pas de révision constitutionnelle n’est pas républicain. Cela est anti national, en tout cas contraire au droit… ».

Il est vrai que le Président IBK s’est spécialisé en invectives qu’il distribue à tour de bras à tous ceux qui osent commettre le crime de lèse-majesté de ne pas lire sa pensée et de penser exactement comme lui. Le simple fait de dire qu’il n’y aura pas de révision constitutionnelle n’est nullement anti républicain encore moins antinational. Au contraire, c’est peut-être plutôt le fait de s’obstiner, comme on l’a déjà connu ici au Mali à d’autres époques, à contraindre son peuple à un tripatouillage inopportun et anti démocratique de sa loi fondamentale qui est anti républicain et antinational. Ces invectives lancées par le Président IBK aux opposants à sa révision anticonstitutionnelle et anti démocratique ne sont pas sans rappeler les propos similaires sorties de la bouche de son ministre chargé de la révision constitutionnelle qualifiant d’antipatriotes ces millions de Maliens soucieux de la défense de l’unité de notre pays, de sa démocratie chèrement acquise matérialisée dans sa loi fondamentale que le Président IBK a entrepris de tripatouiller inutilement.

Par ailleurs, cela fait presque marrer de voir le Président IBK subitement se préoccuper de question d’Etat de droit et de respect de la Constitution et des lois de la République, alors que lui et son gouvernement n’ont fait que piétiner la légalité républicaine depuis leur accession au pouvoir.

Jamais, le Président IBK et son gouvernement n’ont autant malmené leurs obligations constitutionnelles.

Nous proposons à cet égard de rafraichir les mémoires :

Ce régime n’a-t-il pas signé l’Accord d’Alger dont les dispositions sont pourtant en violation flagrante de la Constitution ?


Ce régime n’a -t-il pas ostensiblement refusé d’appliquer une loi modificative du Code des collectivités territoriales relatives à l’institution des autorités intérimaires ainsi que son Décret d’application qu’il a jetés à la poubelle pour aller bricoler un texte sui generis au sobriquet d’ « Entente » totalement inconstitutionnel et illégal ?
Ce régime n’a -t- il pas organisé dans ce pays les dernières élections communales avec une loi électorale expressément abrogée et donc inapplicable ?


Ce régime n’a -t- il pas, en violation de la Constitution, adopté en Conseil des ministres le projet de loi constitutionnelle sans l’avoir au préalable soumis pour avis à la Cour suprême ?


Ce régime n’a -t-il pas refusé de soumettre pour avis à la Cour constitutionnelle le décret de convocation du collège et de campagne électorale du scrutin référendaire du 9 juillet 2017 ;


Ce régime a-t-il jamais abrogé de manière formelle ce fameux décret de convocation du collège et de campagne électorale du scrutin référendaire du 9 juillet 2017 rapporté par simple communiqué du Conseil des ministres comme dans une République bananière ?


Ce régime n’a -t-il pas, en violation de l’article 8 de la loi organique n°97-010 du 11 février 1997 sur la Cour constitutionnelle, envoyé le 15 mai 2017 son ministre Tiéman Hubert de l’Administration territoriale chargée de l’organisation du référendum constitiuonnel, prendre des conseils à la Cour constitutionnelle pourtant responsable du contrôle de la régularité dudit scrutin et interdite pour ce fait de donner une quelconque consultation sur cette question relevant de sa compétence


A cause de la violation évoquée ci-dessus, symbolisant la proximité complice entre la Cour constitutionnelle et le régime du Président IBK, comment ne pas farouchement résister à la tentative du Président IBK de présenter la Cour constitutionnelle comme une sorte d’institution sainte ni touche, alors même que sa déclaration de constitutionnalité de la révision constitutionnelle manque totalement de substance juridique du fait de la réalité criarde de la violation de l’article 118 de la Constitution. Le Président IBK se rappelle -t-il à cet égard de l’épisode du Conseil constitutionnelle de Côte d’Ivoire ?


QUATRIEME QUESTIONNEMENT : Pourquoi le Président IBK ne dit-il pas la vérité aux Maliens sur le contenu réel de la révision constitutionnelle qu’il a tout simplement escamoté ?

A ce titre, on peut citer au moins des contrevérités sur les soi-disant « attendus au plan institutionnel » de l’Accord d’Alger évoqués par le Président IBK.

De quels attendus de l’Accord au plan institutionnel s’agit-il ? Car, sur les 148 articles tripatouillés de la Constitution du 25 février 1992, il n’y a qu’un seul article qui concerne l’Accord d’Alger et qui porte sur le Sénat.

Même à ce niveau, la lecture du Président IBK de l’Accord d’Alger est erronée lorsqu’il met en relation la création du Sénat avec la représentativité de ce qu’il appelle les « légitimités traditionnelles (chefferies et autres) ».

Jamais au grand jamais, on ne retrouve dans l’Accord d’Alger, trace d’un tel lien.

Nous invitons le Président de la République à se référer à l’article 6 de l’Accord d’Alger que n’a évoqué les notabilités traditionnelles qu’au regard des mesures qui devraient être prises à court terme (que le Président IBK a d’ailleurs violées) dans le sens de l’ouverture du Haut Conseil des Collectivités. Nous rappelons d’ailleurs au Président IBK que l’Accord d’Alger évoque d’autres sensibilités qu’il a superbement ignorées, à savoir les femmes et les jeunes.

Le Président de la République n’est pas sans savoir que toutes les modifications constitutionnelles qui instituaient, dans le sens des préconisations de l’Accord d’Alger, un statut politique aux collectivités territoriales, ont été purement et simplement balayées par ses propres députés qui ont, pour une fois, compris qu’il ne s’agissait là que des dispositions de la partition constitutionnalisée du Mali.

En revanche, le Président IBK a profité de la révision constitutionnelle pour se tailler la part du lion, pour ne pas dire la part du Roi dans la répartition des pouvoirs : nomination des Présidents des plus hautes institutions juridictionnelles comme la Cour constitutionnelle, la Cour suprême ; nomination du tiers du Sénat qu’il « gère à hauteur de souhait » comprenez par-là comme il l’entend sans rendre compte à qui que ce soit ; pouvoir de révision parlementaire de la Constitution ; pouvoir de nommer et de démettre le PM sans conditions ; possibilité de rester en fonction au-delà de son mandat normal ; etc……Il est clair ici que le prétexte de l’Accord d’Alger dissimule mal l’opération de concentration des pouvoirs entre les mains du Président IBK avec le risque énorme de dérive autoritariste inadmissible d’une telle démarche.



CINQUIEME QUESTIONNEMENT : Le Président a-t-il conscience que la légalité n’a de sens que pour autant qu’elle s’adosse à la légitimité ?

N’est-ce pas toute la philosophe de l’article 121 de la Constitution où l’on peut lire entre autres : « Le fondement de tout pouvoir en République du Mali réside dans la Constitution. La forme républicaine de l’Etat ne peut être remise en cause. Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’Etat… ».

Il faut préciser ici que la forme républicaine de l’Etat englobe non seulement les institutions républicaines, mais aussi les valeurs et principes qui impriment à notre régime sa forme républicaine. La forme républicaine de l’Etat au sens de l’article 121 de la Constitution ne peut aucunement s’accommoder des piétinements constants de la légalité républicaine de la part du Président de la République et son gouvernement.



SIXIEME QUESTIONNEMENT : Pourquoi pas un conseil de « non antinational », de « non antipatriote », de « non antirépublicaine »et de « non antidémocrate » au Président IBK ?

Si nous avions un conseil à prodiguer au Président IBK, se serait de l’exhorter à se hisser à hauteur de grandeur d’homme d’Etat à l’instar du Président Alpha Oumar KONARE qui, face à la crise de consensus autour de son projet de révision constitutionnelle de 2001, avait fait une adresse à la nation le 20 novembre 2001 où il disait : « Le gouvernement a décidé d’organiser le 23 décembre prochain le référendum sur la loi de révision constitutionnelle. … Mais voilà que des voix se font entendre pour exprimer leur désaccord avec le projet. Ces voix discordantes, que je respecte même s’il n’est pas établi qu’elles reflètent le jugement de la majorité du peuple, émanent de certaines de ses composantes. C’est le signe que toutes les forces vives de la nation ne regardent pas dans la même direction, s’agissant de la loi fondamentale dont la vocation est d’unir les filles et les fils de ce vieux pays pour le présent et l’avenir….

Une révision constitutionnelle ne vaut que par une adhésion populaire et consciente. Pour permettre que les conditions optimales de concrétisation de ce rêve s’établissent, en ma qualité de président de la République, garant de la cohésion et de l’unité nationales, investi de la mission de régulation du corps social, au nom de la concorde, de la paix et de la stabilité, au nom de la démocratie, j’ai décidé de demander au gouvernement de surseoir à l’organisation du référendum prévu pour le 23 décembre prochain… ».

Pourquoi le Président IBK dont le projet de révision importé de France, comparativement moins consensuel, nettement plus attentatoire à la Constitution du 25 février 1992, plus antidémocratique, beaucoup plus dangereuse pour l’équilibre des institutions et l’unité de la nation que les tentatives précédentes , ne pourrait-il pas humblement s’inspirer de la grande sagesse de l’Ex Président de la République Alpha Oumar KONARE, en décidant de son retrait pur et simple réclamé par des millions de Maliens parfaitement démocrates, foncièrement républicains et résolument « anti antinationaux » ?

Dr Brahima FOMBA

Chargé de Cours à Université des Sciences

Juridiques et Politiques de Bamako(USJP)

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