Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Coopération judiciaire contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière : Les recommandations du colloque de Bamako sur l’accord Mali-Niger-Tchad
Publié le mercredi 4 octobre 2017  |  Le Reporter
Comment


Le terrorisme et la criminalité transfrontalière, deux phénomènes gangrénant l’espace sahélien, ne laissent indifférents certains pays de l’espace, tels le Mali, le Niger et le Tchad qui ont dû s’accorder judiciairement pour juguler ces fléaux. Un colloque international, tenu à cet effet du 30 juin au 2 juillet 2017 à Bamako à l’Hôtel Radisson Blu, a permis de sceller davantage les contours de cette coopération.
Les travaux dudit colloque international font suite à l’accord du 09 Mai 2017 scellé entre le Mali, le Niger et le Tchad en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière. Différentes étapes ont marqué cette rencontre ayant réuni le Maire de la Commune IV du District de Bamako, le Directeur National des Affaires Judiciaires et du Sceau, les Ministres de la justice, Gardes des sceaux du Niger, Monsieur Marou Amadou, du Tchad Monsieur Ahamed Mahamat Hassan et du Mali, Me Mamadou Ismael Konaté, et le Directeur de cabinet du Premier ministre, représentant le Premier ministre.



L’ouverture

Après les mots de bienvenue du Maire de la commune IV du district de Bamako et du chef traditionnel des griots du Mali, le Directeur National des Affaires Judiciaires et du Sceau a, dans son allocution, brossé le rôle de la justice pénale, les manifestations du terrorisme et la multiplicité des textes afférents à sa répression. Il a rappelé l’idée qui a conduit à la signature de l’accord tripartite.

Tour à tour, les Ministres de la justice, Gardes des sceaux du Niger, du Tchad et du Mali, respectivement Monsieur Marou Amadou, Monsieur Ahamed Mahamat Hassan et Me Mamadou Ismaël Konaté, ont successivement parlé des objectifs de l’accord tripartite, son intérêt et la nécessité pour les acteurs de s’en approprier pour lui donner vie. Ils ont également lancé un appel vibrant à d’autres pays qui partagent les mêmes préoccupations, notamment l’Algérie, le Burkina Faso et la Mauritanie à adhérer à l’accord. Ouvrant les travaux, le Directeur de cabinet du Premier ministre, représentant le Premier ministre, a mis l’accent sur la nécessité d’unir les forces pour lutter contre le terrorisme.

Des travaux riches de panels

Après la cérémonie d’ouverture, les experts ont débattu sur les différentes thématiques. Comme Panel I portant sur «l’accord de coopération judiciaire Mali-Niger-Tchad : quelles spécificités pour une mise en œuvre efficace ?». Trois thèmes ont fait objet de présentation : «Présentation de l’Accord» ; «Quel arrimage entre l’accord tripartite et le G5 Sahel» et «quel apport de la plateforme d’entraide judicaire des pays du Sahel dans la mise en œuvre de l’accord tripartite ?».

Au-delà de la question du terrorisme, l’accord tripartite couvre le domaine civil au sens large, créant ainsi «un espace juridique et judiciaire inédit» entre les parties (art 3 et 7). Il offre au réseau un champ d’action plus large au niveau des matières couvertes notamment la matière civile et lui permet d’assister les autres professions juridiques. Après les échanges et débats qui s’en sont suivis, il a été question de l’existence de plusieurs accords en matière de lutte contre le terrorisme. Cependant, cette multiplicité ne fait que renforcer la lutte car les accords sont complémentaires.

Il a été demandé de mettre à la disposition de tous les participants, l’accord tripartite qui doit, en outre, faire l’objet d’une large diffusion. Pour bien évaluer les acquis en vue de corriger les lacunes, les experts ont décidé d’attendre 5 ans après. Il a été souligné l’importance de la mise en place d’un programme de deradicalisation, dans la mesure où la majorité des extrémistes avérés tombent dans les organisations terroristes.

Concernant la gestion de l’extradition demandée par deux Etats au même moment pour le même délinquant, soulevée à l’occasion, il a été retenu que cette gestion s’opère cas par cas en analysant les circonstances. La détermination des autorités habilitées à demander l’extradition et la clarification de la notion d’urgence ont été soulevées par les participants.

Par ailleurs, la mise en place d’un plan de réinsertion des détenus terroristes ayant purgé leur peine a été soulignée de même que la protection des autres détenus contre des détenus terroristes. En vue de faciliter et diligenter les procédures, la présence des unités d’enquête sur le théâtre des opérations a été proposée dans les débats. Dans la même lancée, les participants ont fortement soutenu la nécessité d’impliquer l’administration pénitentiaire dans la lutte contre le terrorisme, en ce sens que cette administration est plus militaire que civile et est déjà présente sur le théâtre des opérations.

Aussi, la question relative à l’entrée en vigueur de l’Accord a été clarifiée en ce sens que le processus de ratification est en cours. La mise en place d’un mécanisme de prise en charge des victimes a été proposée dans les échanges en vue d’éviter tout revirement des victimes.

Panel II : La coopération judiciaire internationale dans les pays du Sahel

Deux thèmes ont meublé ce panel : «la pratique de l’entraide judiciaire et de l’extradition en matière de lutte anti-terroriste : difficultés, stratégies et L’«Expérience pays» respectivement présentés par Monsieur Mamoudou Kassougué, 1er Substitut près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du district de Bamako et les pays présents au colloque. Les échanges et débats ont porté sur l’efficacité de l’autorité centrale en ce sens qu’il a été question de laisser cette autorité au niveau des départements de la justice ou essayer de la rapprocher davantage aux praticiens, sur la question relative à la diligence des procédures de coopération qui sont plus fluides entre les autorités policières contrairement aux autorités judiciaires, sur la création d’une structure et d’une unité de police totalement dédiées à la coopération. L’insertion de la politique de la deradicalisation dans les programmes des établissements pénitentiaires (depuis le début de l’incarcération) et le financement du terrorisme et les facteurs de motivation des terroristes ont été aussi débattus.

Panel III: La lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière

Les thèmes exposés à ce niveau portent sur l’ «Evolution de la menace terroriste au Mali et liens avec la criminalité transfrontalière : Vue d’ensemble sur la menace terroriste au Mali et au Sahel», «les Liens entre le Terrorisme et Trafic de drogue», «le pôle judicaire spécialisé du Mali : une réponse adaptée aux évolutions de la criminalité» et «la Saisie et le Gel des avoirs Criminels».

Les discussions, après les exposés, ont porté sur les facteurs engendrant les actes terroristes qui sont entre autres la fibre religieuse, la situation socio-économique, la gouvernance, etc. En somme, chaque terroriste a son histoire et son itinéraire. À cela s’ajoutent des débats sur la notion de djihadisme résiduel, sur les difficultés dans le transfert des mis en cause terroristes, sur la position géographique du pôle judiciaire spécialisé par rapport aux lieux des crimes, car la majorité des crimes sont commis dans le nord du Mali. Des interrogations sur la suffisance du délai de garde à vue prévu par les textes pour mener une enquête terroriste ont été poussés.

Les recommandations

Les travaux du colloque de Bamako ont été sanctionnés par des recommandations ou résolutions issues des travaux qui se présentent comme suit :

Renforcer l’autorité centrale en lui attribuant les moyens financiers et humains pour répondre efficacement aux demandes de coopération ;
Insérer la politique de la deradicalisation dans les programmes des établissements pénitentiaires (depuis le début de l’incarcération) ;
Créer une agence et une unité de police par les Etats pour s’occuper des questions de coopération ;
Elaborer un recueil de différents textes en matière de coopération.
Mettre en place un comité de suivi de l’accord, qui se réunira deux fois par an un ;
Amender la charte de la plate-forme pour l’adapter à l’accord ;
Etendre les rencontres à tous les acteurs de la chaîne ;
Mettre en place un mécanisme de prise en charge des victimes ;
Internaliser l’accord avec les textes nationaux ;
Intégrer les enquêteurs et l’administration pénitentiaire dans le dispositif des opérations conjointes ;
Uniformiser le cadre juridique dans les différents Etats et sa constante adaptation aux évolutions de la criminalité et des mécanismes de coopération ;
Encourager la signature, la ratification et la domestication des dispositions des différentes conventions sur les matières concernées et prévoyant des mécanismes innovants ;
Adopter dans les différents Etats, de lois spécialement dédiées à la coopération judiciaire ;
Créer des cadres d’échanges et de concertations périodiques des autorités centrales des différents Etats et les autres acteurs de la coopération ;
Renforcer les capacités des acteurs de la coopération judiciaire à travers leur spécialisation et leur dotation en moyens conséquents ;
Désigner des magistrats et officiers de liaison entre Etats et de référents en matière d’entraide judiciaire au niveau des autorités judiciaires compétentes (niveau des Parquets généraux au moins) ;
Créer une base de données, un site électronique et une plateforme des autorités centrales et judiciaires, sans négliger les plateformes existantes comme la «PLATEFORME SAHEL», le «réseau WACAP» et le «réseau ARINWA»;
Encourager la coopération informelle qui prépare et facilite la coopération formelle ou permet de l’écarter dans tous les cas où elle n’est pas nécessaire ;
Mettre en place des programmes de protection des témoins et personnels judiciaires ;
Promouvoir la recherche sur les matières couvertes par l’accord et sur la coopération ;
Mettre en place une «police sahélienne» et un «mandat d’arrêt sahélien» ;
Renforcer le plaidoyer auprès des différentes autorités nationales pour une meilleure appropriation des objectifs de la convention de coopération judiciaire et pour vaincre d’une manière générale leurs velléités souverainistes et leur manque ou faiblesse de volonté politique dans sa mise en œuvre ;
Renforcer le plaidoyer autour de l’accord pour engranger l’adhésion d’autres pays ;
Multiplier les échanges de bonnes pratiques en matière d’exécution des demandes d’entraide judiciaire et d’extradition ;
Faciliter l’accès aux outils et manuels de coopération existants (la vulgarisation de l’accord tripartite notamment) et le développement d’outils supplémentaires ;
Sensibiliser les populations sur les dangers que représentent le terrorisme et la criminalité organisée et la diffusion en son sein d’une culture de la dénonciation et de la lutte contre la criminalité.
Décentraliser le pôle judiciaire spécialisé pour un rendement plus efficace ;
Créer une structure pour la gestion des biens saisis sur les criminels ;
Créer un cadre pour suivre l’évolution de notre législation en l’adaptant à la réalité du phénomène ;
D’une manière générale, les interventions ayant marqué la fin du colloque, ont mis l’accent sur la pertinence des résolutions consécutives aux travaux du colloque et insisté sur l’urgence de mettre en place le comité de suivi de l’accord.

Commentaires