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Justice transitionnelle : Une nouveauté face à l’immense défi de réconciliation nationale
Publié le mercredi 4 octobre 2017  |  Le Reporter
Atelier
© aBamako.com par FS
Atelier sur l`état des lieux de la mise en oeuvre des mécanismes de la Justice transitionnelle au Mali
Atelier sur l`état des lieux de la mise en oeuvre des mécanismes de la Justice transitionnelle au Mali a eu lieu les 28, 29 et 30 juillet 2016 à l`Hôtel El Farouk.
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À l’initiative de la représentation de la Fondation Konrad-Adenauer au Mali, Bamako a abrité une table-ronde sur la justice transitionnelle le 28 mai 2016. Il s’agissait de tirer les enseignements (en termes de violation des droits humains) de la grave crise (avec une ampleur multidimensionnelle) que le Mali traverse depuis janvier 2012 et baliser les préalables à la paix et à la réconciliation nationale, donc à une pérenne stabilisation du pays.

«La justice transitionnelle au Mali : défis et enjeux», était le thème de cette table-ronde initiée par la Fondation Konrad-Adenauer au Mali. Elle visait à contribuer à un débat d’actualité sur les enjeux, les défis, et les perspectives liés à la mise en œuvre de la justice transitionnelle dans le pays. Cette Table-ronde a été l’occasion pour divers experts de la société civile, des institutions publiques et des PTF, de débattre de la problématique à travers des contributions intellectuelles.
À la suite de la présidentielle remportée par Ibrahim Boubacar Kéita en août 2013, notre pays a engagé un processus de paix, de réconciliation et de reconstruction. Commencé par la signature de l’Accord de Ouagadougou (2013) ayant favorisé l’organisation des élections, ce processus a continué à travers les négociations inter-maliennes à Alger. Celles-ci ont abouti à l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, qui a été signé le 15 mai et le 20 juin 2015. On notera que le Mali post-crise est face à un défi immense de réconciliation et de reconstruction.

«Le concept de justice transitionnelle est une nouveauté au Mali quoique la question du traitement des violations massives et cycliques des droits de l’Homme se soit posée à maintes reprises au cours de l’histoire du pays», a-t-on entendu à cette occasion. Des tentatives de donner aux victimes un recours judiciaire ainsi que des réparations et d’autres mesures correctives, mais aussi la question du sort à réserver aux membres des régimes faillis ou des combattants, ont été observées à la fin du régime de Modibo Keita en novembre 1968, à la suite de la révolte populaire contre Moussa Traoré en mars 1991, et aux différentes vagues de rébellions du Nord du Mali.

Depuis le début du processus de stabilisation du Mali, après la crise multidimensionnelle de 2012, la justice transitionnelle a été adoptée par les autorités nationales comme une stratégie majeure pour la réparation et la justice, afin de contribuer à la connaissance de la vérité et au raffermissement du «vivre ensemble». Ainsi, le gouvernement (ministère de la Justice et celui de la Réconciliation) et la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), de même que de nombreuses structures publiques et des acteurs non étatiques jouent «un rôle important dans le cadre de la mise en œuvre de la justice transitionnelle au Mali». Dans ce processus, disent des experts, «les contributions intellectuelles sont des éclairages pertinents afin de saisir les enjeux et les défis du processus».

«La justice transitionnelle est un processus dérogatoire du droit régalien qui intervient dans un contexte de sortie de crise suite à des violations massives des droits de l’Homme. Au regard des investigations et des témoignages, de nombreux cas de violations des droits de l’Homme ont été identifiés et analysés au Nord et au Sud du pays», a défini Boubacar Ba, lors de son intervention à la Table-ronde. Pour ce juriste chevronné, «les enjeux de la justice transitionnelle sont étroitement liés à ceux de la politique de réconciliation du Mali et à sa stabilité». Ainsi, avait-il précisé, «la volonté des autorités politiques à réaliser des résultats en termes de justice, de défense des droits de l’Homme et les valeurs démocratiques doivent constituer les facteurs déclencheurs de la justice transitionnelle».

Le processus de justice transitionnelle doit s’orienter sur la réconciliation nationale, la relance du processus démocratique et la restauration de l’état de droit. D’où l’importance de mettre en relation les mécanismes qui doivent être adaptés aux réalités maliennes. Les différents mécanismes (Commission vérité, procédures judiciaires nationales, procédures judiciaires internationales et mécanismes traditionnels) sont explorés en fonction des capacités et des méthodes spécifiques à chaque pays. Le système judiciaire malien s’est engagé à poursuivre les auteurs des crimes de guerre et violations graves des droits humains commis durant la crise. Ce qui est conforme à l’idée selon laquelle les poursuites pénales constituent un mécanisme prépondérant de justice transitionnelle.

En janvier 2013, la Cour suprême a ordonné le dessaisissement des juridictions situées dans les zones occupées et a confié au Tribunal de première instance de la Commune III de Bamako la tâche de juger les auteurs des crimes commis pendant l’occupation du nord. Depuis, l’État malien a également mis sur pied un pôle spécialisé en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Pour M. Ba, l’idée de la mise en chantier de la justice transitionnelle doit être impulsée par l’ensemble des acteurs (Etat, Organisations de la société civile, représentants des victimes, PTF…) avec une réelle implication des forces politiques et sociales du pays dans le processus de conceptualisation.

«La relation entre les différents mécanismes et les autres acteurs nationaux et internationaux doit être fondée sur une stratification évolutive et méthodique. Il s’avère important dès le départ», avait souligné M. Ba. La nouvelle Politique nationale de justice transitionnelle (PNJT) doit désormais s’appuyer sur une vision stratégique portant sur la lutte contre l’impunité, notamment un système général de protection des témoins et des victimes et de renforcement des capacités des personnels judiciaires et parajudiciaires ainsi que des acteurs de la société civile. «La justice transitionnelle doit s’appuyer sur des mécanismes, sur des stratégies et une doctrine permettant d’aboutir à des garanties de non récurrence», a indiqué l’expert Boubacar Ba. Ce mécanisme doit reposer sur le renforcement du portage de la justice transitionnelle.

Les organisations de la société civile doivent alors assurer le portage de la justice transitionnelle par la synergie, la coordination et la complémentarité dans sa mise en œuvre quotidienne. Mais pour Pr. Ibrahima Ndiaye (professeur à l’Ecole normale supérieure et à la Faculté des lettres et sciences du langage), un autre animateur de cette table-ronde, «il est désormais indispensable pour nous de revisiter notre mémoire collective et de redéfinir ensemble les règles de vie en communauté qui nous conviendraient le plus».

Et cela dans le contexte présent dit de «mondialisation» et dans lequel les uns et les autres ne se privent point d’énoncer des valeurs et idéologies auxquelles ils donnent trop facilement le cachet de «droit universel» à appliquer et à faire respecter partout. «Un tel exercice aiderait à clarifier les places, rôles et fonctions des différentes communautés et des institutions qui existent actuellement au sein de notre nation, mais qui sont malheureusement en train de s’adonner à une cacophonie peu propice à l’analyse approfondie et à l’élaboration intelligente de solutions justes et partagées», avait-il préconisé. Cet exercice, à son avis, aiderait aussi à poser les jalons d’une «réconciliation nationale véritable» qui permettrait de contrecarrer définitivement les velléités avouées et inavouées, de maintenir chez nous un climat d’instabilité de longue durée et d’impunité totale.

«À l’instar de nos autorités et légitimités traditionnelles, qui n’ont jamais abandonné complètement nos communautés face aux dangers de toutes natures parce qu’elles sont conscientes de leur statut de dépositaires légitimes de savoir et de sagesse codifiés, les autorités en charge de la 3e République devraient s’assumer plus vigoureusement aux côtés des populations démunies afin que les sacrifices consentis pour l’avènement de l’Etat démocratique en Mars 1991 aient enfin leur sens», a conseillé Pr. Ibrahima Ndiaye, lors de son exposé à la Table-ronde.

En effet, a-t-il insisté, il est grand temps de fédérer à nouveau toutes les communautés de toutes les régions autour de «valeurs cardinales» en adéquation avec «nos aspirations propres et nos besoins essentiels» dans une nation en paix. Il est donc urgent de clarifier les différents processus de pilotage et de définir le lien entre les besoins de paix et de réconciliation avec la justice institutionnelle et ses mécanismes de mise en œuvre !
Hamady TAMBA
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