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L’Indépendant N° 3236 du 16/4/2013

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Exploitation aurifère : Quand la SOMILO fait de la protection environnementale un défi existentiel
Publié le mardi 16 avril 2013  |  L’Indépendant




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La société minière de Loulo détient une certification ISO depuis bientôt quatre ans. Elle est inscrite en bourse ; ce qui lui impose une obligation de se donner une réglementation plus rigoureuse encore en matière de sécurité et de protection de l’environnement que ce que prévoit le code minier malien. » Il y a toujours des idées arrêtées sur les mines ; elles sont émises par des personnes qui ignorent souvent tout du fonctionnement d’une société minière. Chaque année, des journalistes sont invités à venir voir ce qui se fait à Loulo en matière de protection de l’environnement. Chaque année, je suis noté sur cette visite d’inspection des journalistes. Sans compter que les services techniques de la protection de l’environnement viennent régulièrement nous inspecter « , expliquait vendredi dernier, lors d’un entretien qu’il nous a accordé, le Directeur de SOMILO, Chiaka Berthé.
La mine d’or de Loulo, dans le cercle de Kéniéba, région de Kayes, est aujourd’hui la plus grosse mine de l’Afrique de l’ouest. Contrairement à plusieurs sites d’extraction de l’or au Mali comme Morila, Gounkoto, qui sont sous forme de carrière (à ciel ouvert), la mine de Loulo est souterraine. Sa profondeur est d’environ un kilomètre. Elle a démarré en 2005, donc 8 ans d’exploitation, et les prévisions annoncent sa fin pour 2027. SOMILO est une filiale malienne de la société sud africaine Randgold, dirigée par Mark Brisow. A Loulo, il y a deux mines souterraines distantes de 6 km. La société emploie 4 000 personnes (une minorité d’expatriés et des milliers de Maliens). Depuis le 1er juillet 2011, Chiaka Berthé, qui a accompagné les premiers pas de la SOMILO, en est devenu le Directeur. Ce jeune cadre malien, géologue de formation, qui s’est totalement investi dans le secteur minier depuis sa sortie de l’ENI, explique les conditions dans lesquelles fonctionnent les mines en général et celle de Loulo en particulier.
» La mine utilise des produits dangereux, mais elle sait comment les neutraliser « , déclare-t-il en se référant aux mines de Johannesburg en Afrique du Sud. Cette grande métropole est pleine de mines d’or. Mais, assure-t-il, les constructions sont faites de sorte que les habitants ne sentent aucun effet de ces exploitations sur leur environnement.
Quels sont, pour une exploitation minière, les risques réels sur l’environnement ?
Pour Chiaka Berthé, qui parle de mines parle d’utilisation de produits chimiques. C’est grâce à des produits chimiques que le minerai est traité. Le plus dangereux de ces produits est le cyanure. Il faut d’abord savoir que 88 à 90 % de l’or produit est extrait d’une roche. Et on utilise le cyanure pour tirer l’or de la roche dans laquelle il est contenu.
Selon les explications du technicien, il faut une tonne de roche pour extraire 4 grammes d’or à Loulo. La teneur moyenne dans le monde est de 1,3 gramme. Il faut aussi préciser que l’or, par sa nature, se distribue en PPM (partie par million). A Loulo, on a une proportion de 4 PPM (sur le million). Ce sont 360 000 tonnes de roches aurifères qui sont traitées par mois pour extraire 600 kg du métal précieux. Et il n’est pas encore pur. C’est le cyanure qui permet de traiter rapidement la roche pour en tirer le minerai dans une quantité suffisante. Il s’agit de dissoudre l’or pour le séparer du carbone et des autres éléments et procéder ensuite à une électrolyse à anode soluble. Or, le cyanure est un poison. Il se désintègre sous le soleil au bout d’un certain temps. C’est pourquoi un dispositif spécial est installé pour évacuer le cyanure vers un bassin.
A Loulo, ce bassin est situé à 8 km de l’usine. Et la canalisation qui achemine ce produit, c’est-à-dire la tuyauterie, est gardée jusqu’au bassin par des agents pour non seulement veiller qu’il n’y ait aucune fuite, mais aussi éviter que même les oiseaux ne se posent dans le bassin.
Pour éviter que le cyanure ne pollue la nappe phréatique, explique le géologue, un dispositif constitué d’une argile (roche imperméable) spéciale, la dolomite, sert de revêtement du fonds du bassin. Une société externe à la mine s’occupe de la gestion de ce bassin. Ensuite, il y a ce qu’on appelle un épaississeur qui permet de dissoudre la boue dans laquelle le métal jaune est contenu. Cette boue va dans l’épaississeur. On pompe l’eau (le cyanure se retrouve dans la boue) pour en récupérer 75% dans l’usine. Dans le minerai d’or qui se trouve à Loulo, existe aussi une quantité de cuivre. Or, le cuivre réagit de la même façon que l’or ; il y a aussi ce qu’on appelle des ferrosulfates. Des techniques appropriées sont utilisées pour traiter tous ces produits
Tout autour du bassin de détoxication, des forages sont implantés pour filtrer et retenir les produits toxiques. Chaque semaine, souligne Chiaka Berthé, l’eau résiduelle subit un test pour s’assurer de sa teneur. Des contrôles réguliers sont effectués. S’ajoute que, tous les trois mois, l’Etat, à travers des services appropriés, vient vérifier et les résultats sont publiquement remis à la communauté locale à travers ses représentants. Il faut préciser, par ailleurs, que chaque mine fait, chaque semaine, ce qu’on appelle la réconciliation pour voir si l’environnement est sauvegardé en terme de régénération. La mine veille aussi à remblayer chaque trou qui est fait dans la terre.
Concernant la végétation et le bien-être de la population environnante, SOMILO produit 3 000 pépinières remises à la Direction de la protection de l’environnement de Kéniéba. Puisque cette zone connaît comme activités principales l’orpaillage et l’agriculture, la société a décidé d’aider les populations dans le domaine agricole (la terre de cette localité est très riche). » Nous avons payé, l’année dernière, des tracteurs que nous avons donnés à tous les 9 villages autour de la mine. SOMILO injecte, chaque mois, 14 millions de F CFA en médicaments pour équiper les structures de santé du cercle de Kéniéba.
L’hôpital de Kéniéba a bénéficié de 100 millions F CFA en médicaments. Sans compter la prise en charge des femmes enceintes et de plusieurs malades. La société a un budget consacré à cette aide destinée à la communauté. Nous avons bitumé les routes d’accès, construit des écoles tout en prenant en charge le paiement de la moitié des salaires des enseignants, celui des fournitures scolaires. Nous avons aussi construit des cimetières dans plusieurs villages « .
Quid de la certification ISO ?
Pour le Directeur de SOMILO, cette certification, reçue depuis bientôt 4 ans, est la preuve que la mine respecte les conditions d’exploitation définies par les règles du standard international en matière de sécurité et de protection de l’environnement. » Toutes les phases de l’activité minière sont prises en compte : le transport, le traitement, le nettoyage, la détoxication, etc « , révèle-t-il. Cette année, pour obtenir la recertification, d’intenses vérifications ont été faites. Cela ne dépend pas seulement de la mine, mais de tous ses partenaires qui n’acceptent pas que leur argent soit injectée dans une entreprise qui détériore l’environnement ou qui tue des vies.
La question sécuritaire est tellement importante que même les oiseaux sont constamment chassés des environs de la mine et surtout de la zone du bassin. Un exemple, pour un mouton mort sur le site, le Directeur peut être interpellé. En général, les accidents sur le site sont répartis en trois catégories : le niveau faible, le niveau moyen et le niveau élevé. S’il survient un accident de niveau moyen déjà, la mine est obligée d’appeler l’Etat à venir constater le dégât pour la procédure à suivre.
Pour le Directeur de la mine d’or de SOMILO, les risques d’accidents existent mais des efforts en terme de vigilance sont déployés pour les minimiser. A titre d’exemple, le gardien surpris en train de dormir est automatiquement licencié car, à travers cet assoupissement, il met en danger plusieurs vies. Il est scrupuleusement exigé à tous les travailleurs de porter le casque et, particulièrement, ceux qui sont en moto. Bientôt, l’usage des motos sera purement et simplement interdit. Il y a des bus pour le transport du personnel, a-t-il expliqué, mais les gens veulent toujours profiter de leurs motos pour rentrer plus tôt.
M. Berthé a insisté sur le fait que SOMILO fait venir régulièrement une société qui fait le bilan en terme de maladie, de poussière, d’eau, des nuisances sonores (les bruits), d’humidité. Chaque mois, un graphique est fait pour suivre l’évolution de ces facteurs dans la zone. A propos de la poussière, il a expliqué que la terre étant constamment remuée, ceci ajouté aux feux de brousses allumés par les villageois, il est difficile de l’éradiquer. » La donne sécuritaire est tellement préoccupante que la mine a prévu un bonus d’augmentation des salaires si, durant trois mois d’activités, aucun accident n’a été signalé. Une fête est organisée pour célébrer cette quiétude : un million d’heures de travail sans accident ! « , a-t-il indiqué.
Partenariats et production de richesses
La mine d’or de Loulo paie des taxes superficielles s’élevant à 75 000 F CFA par mètre carré de terre exploitée à Kéniéba. Elle consomme 7 millions F CFA de gaz oil par mois pour faire tourner ses générateurs. Et le Directeur de SOMILO de trouver écœurant d’entendre Energie du Mali demander aux gens de ne pas consommer beaucoup d’électricité par incapacité d’en produire suffisamment. » Pour les mines, c’est le système de production intense parce que la demande est forte. C’est pourquoi la mine ne s’arrête pas. La seule hypothèse où elle s’arrête, c’est lorsqu’un tuyau pète… « .
La mine consomme aussi beaucoup de calcaire à travers le ciment. Le remblayage se fait à partir du béton. Et il faut déplorer que le Mali ne profite pas de cette opportunité. Pourtant, le Mali possède beaucoup de calcaire, de Kayes à Tombouctou. Et ce sont les entreprises sénégalaises qui en bénéficient. Pour le carburant, l’approvisionnement est assuré en grande partie par Ben & Co : 708 millions de dollars U S y sont injectés chaque année.
En 2012, la société a produit 15,6 tonnes d’or sur les 50 tonnes produites au Mali. Ce qui équivaut, a ajouté Chiaka Berthé, à10 % du budget du pays, soit environ 200 milliards F CFA. Au même moment Loulo a un crédit de près de 450 milliards F CFA. Parallèlement, elle doit dépenser une somme très élevée, l’exploitation de l’or revenant très chère. C’est pourquoi, en cas de chute des cours sur le marché mondial, certains sociétés subissent des pertes énormes ou mettent carrément la clé sous la porte.
Les gens se plaignent souvent que l’or ne brille pas pour les Maliens. Une façon de dire que ceux-ci ne voient pas la couleur de l’or produit chez eux. Qu’en pense le Directeur de SOMILO ? » Je répond souvent à ces plaintes en disant : vous ne pouvez pas voir la couleur de l’or parce que vous êtes myope ! ».
Les Maliens ne savent pas comment saisir les opportunités que créent les mines d’or pour en tirer profit. Et c’est regrettable. Il faut vendre à la mine et il faut que les maliens se forment dans les domaines susceptibles de servir aux sociétés minières. Comment comprendre qu’il n’y aucune école de formation de miniers au Mali ? Pendant 10 ans, les mines du Mali fonctionnent avec le ciment sénégalais….
Bruno D SEGBEDJI

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