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Université des sciences juridiques et politiques de Bamako : « Dans notre école, les problèmes sont souvent inexplicables à une personne extérieure. Ici l’argent est le maître », dixit le Recteur de l’université
Publié le mercredi 17 avril 2013  |  L'ecole




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L’université en général et l’enseignement supérieur en particulier au Mali est engagé dans une vaste reforme. C’est dans ce cadre que l’université de Bamako, qui était encore l’unique du pays, a été scindée en 4 entités. L’objectif de cette mesure du gouvernement est de répondre à un certain nombre de problèmes qui avaient rendu l’université « ingérable ». Ces problèmes ont pour noms : effectif pléthorique (les effectifs devaient atteindre 100 000 étudiants en 2011), le nombre insuffisant d’enseignants (environ 1000 pour toutes l’université), l’insuffisance des infrastructures scolaires, le chevauchement des années scolaires, etc.

La reforme au niveau de l’unique université de Bamako a donné naissance à l’Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako (USTTB), l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako (USSGB), l’Université des Lettres et Sciences Humaines de Bamako (ULSHB), et l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB).

La semaine dernière, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Messaoud Ould Mohamed Labhib, s’est rendu à l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako. Il était accompagné pour la circonstance des membres de son cabinet.

C’est visiblement très gêné des divergences entre les responsables de gestion qu’il a quitté l’établissement. Lors de sa rencontre avec les enseignants de l’établissement il s’exprime en ces termes : « Je connais vos problèmes. Je connais aussi les problèmes au sein de votre école. Le gouvernement accorde un intérêt particulier au dialogue pour une école apaisée. Nous aurons l’occasion d’échanger sur les questions. Là je suis venu pour une prise de contact ». Il ordonne la levée de séance dans un bourdonnement d’enseignants mécontents qui tenaient à se faire entendre.

L’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako est émanation de la faculté des sciences juridiques et politiques de Bamako. Cette faculté était la plus grande du pays en terme d’effectif. De même, suite à la suppression du centre d’études supérieures de Bamako (CSB), un autre établissement, 6000 étudiants de la filière juridique de cette école ont été reversés à l’université des sciences juridiques et politiques de Bamako.

30 000 étudiants pour une capacité d’accueil de 5000

Du coup, l’université des sciences juridiques et politiques de Bamako, est devenue la plus grande du pays avec plus de 30 000 étudiants. Elle comprend notamment les facultés de droit public, privé et des sciences administratives et politiques.

En plus de l’effectif pléthore, ce sont les problèmes dans la gestion administrative et pédagogiques qui ont également motivé la présente visite du ministre.

Pour une capacité d’accueil de 5000 étudiants, l’université des sciences juridiques et politiques de Bamako compte de nos jours 30 000 pour moins de 200 enseignants. Ici le ratio par enseignant est estimé à un enseignant pour 150 étudiants. Près 70% des enseignants ont seulement le grade d’assistant et ont seulement le niveau DEA.

« Pour enseigner dans une université, le diplôme minimum est le Doctorat. Mais ce sont les détenteurs du DEA qui font la loi à l’USJP. Ils sont les plus nombreux. Ainsi ils remportent à chaque fois qu’il s’agit de vote. C’est le cas lors de l’élection du doyen ou pour prendre certaines mesures au sien de l’établissement », nous a un enseignant de l’établissement. « On nous dit que c’est pour résorber la crise d’enseignants. Mais cela nous pose plus de problèmes qu’il ne résout », explique l’enseignant.

L’établissement manque également d’infrastructures obligeant les autorités à recourir à la location des salles de classe, par exemple, au stade omnisports de Bamako.

« Nous accueillons environ 1/3 des effectifs de l’université de notre pays. Nous avons très peu d’enseignants de catégorie A et les infrastructures que nous utilisons ne sont pas souvent adéquates. Les étudiants et les enseignants souffrent de la non régularité des cours », a expliqué le recteur de l’université des sciences juridiques et politiques de Bamako, Salif Berthé.

150 000 F CFA pour être admis à la classe supérieure

C’est surtout les problèmes liés à la gestion administrative et pédagogique de l’établissement qui font des soucis. Ici la corruption s’est enracinée tant au niveau de l’inscription que lors des examens et de la proclamation des résultats. « Certains enseignants et étudiants sont les causes de cette situation. C’est tous les tissus de l’enseignement qui ont été gangrenés. Les problèmes sont souvent inexplicables à une personne extérieure. Ici l’argent est le maître. Il faut que cela s’arrête et nous y veillerons », a commenté le recteur.

« La gestion de la situation n’est pas hors de notre portée. Il faut tout simplement appliquer les textes de l’Université. Que chacun à son niveau de responsabilité, bref que les responsables administratifs et pédagogiques respectent les textes », a indiqué notre interlocuteur.

A l’USJP, les inscriptions se font durant toute l’année. « Il faut un début et une fin pour les inscriptions. Mais, il y a toujours des étudiants, qui, aidés par certains enseignants font que les inscriptions ne sont jamais closes. Certains étudiants ne s’inscrivent que pendant leur première année. Et pire, cet argent ne tombe pas les caisses de l’université.

De même, à l’USJP, il n’y a jamais une liste définitive pour les résultats des examens. Les résultats des examens sont proclamés souvent plus de trois fois dans l’année sans qu’il ait une fin. A chaque fois, les réclamations à travers l’argent font publier une nouvelle liste des admis. Ainsi, un étudiant selon qu’il paie l’argent (150 000 F CFA) ou pas est fixé sur son sort avant la proclamation d’un résultat.

Indiscipline, Mafia et interminables inscriptions

« II y a des étudiants qui ne sont jamais là au moment des examens, mais qui savent qu’il suffit de payer de l’argent pour être admis à la classe supérieure. Ils le font donc. C’est ce qui explique leur faible niveau », a expliqué un enseignant.

« Le système de la corruption est tel que tout étudiant ou enseignant qui se met en dehors devient l’ennemi à abattre. Les inscriptions sont interminables. L’effort intellectuel personnel de l’étudiant n’est jamais pris en compte. On l’oblige à tricher ». Aussi à l’USJP le règlement intérieur de l’université est foulé au pied. Pas de conseil de discipline même en cas de faute grave. Les sanctions pour fraude à l’examen n’inquiètent pas les étudiants. Ils ne se cachent d’ailleurs pas pour frauder. Pour dire enfin à l’USJP c’est la Mafia de l’argent qu’apprennent les étudiants. Il n’est pas rare d’entendre certains étudiants menacés : « C’est nous qui devons tous décider ici. Celui qui le fera à notre place nous trouvera devant lui ».

Le recteur l’université et quelques rares collègues enseignants qui n’ont jamais voulu intégrer le système de corruption imposé sont devenus les personnes à abattre. Ils font les frais de vouloir mettre l’établissement sur les rails. « En tant que parent d’élève d’abord et en tant qu’enseignant, je ferais jamais tout pour ne pas hypothéquer l’avenir des jeunes qui sont aussi l’avenir de notre pays. Parce que vendre un diplôme à un étudiant revient à cela. Mais les jeunes doivent aussi comprendre qu’on peut acheter un diplôme, mais pas la connaissance. Elle s’acquiert au bout l’effort. J’ai été nommé recteur de cet établissement grâce à mon expérience. J’ai géré l’université quand elle n’était encore qu’une », a dit le Recteur.

« Pour que notre université soit compétitive, il faut que la corruption et les mauvaises pratiques qui font, de nos jours, sa triste renommée prennent fin à travers une prise de conscience et un changement de comportement des acteurs. Très peu d’étudiants étrangers viennent à l’USJP de Bamako, cela n’est pas rien », nous a expliqué un enseignant.

« Souvent c’est même certains parents d’élèves qui utilisent leur influence pour encourager la corruption », regrette notre interlocuteur. La violence fait aussi partie des maux de l’établissement surtout pendant le renouvellement du comité AEEM de l’établissement ou à travers un règlement de compte. Les affrontements entre des étudiants constitués en gang ne sont pas rares au sein de l’établissement. On a encore en mémoire le dernier cas qui a fait un mort (une innocente) et plusieurs blessés.

« Tout cela peut changer à condition que chaque responsable et chaque étudiant applique les textes de l’Université. Il faut donc une implication de tous les acteurs », nous a indiqué le recteur de l’USJP.

Aura t-il une oreille attentive ?

A suivre…

Par B. H. COULIBALY

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