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Situation difficile au Mali : Les propositions de Moussa Mara pour la sortie de crise
Publié le lundi 11 decembre 2017  |  Le Pays
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© aBamako.com par mouhamar
Activités du président Blaise Compaoré au Mali
En visite au Mali pour 48 heures, le président du Faso Blaise Compaoré s’est entretenu avec le premier ministre Moussa Mara dès son arrivée
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La période difficile que le Mali traverse. Qu’est-ce qu’il nous faut pour sortir de la crise ? Nous avons rencontré l’ancien premier ministre, président du parti Yelema, Mousa Mara. Il nous dit tout, sans langue de bois, sur la gestion du Mali de l’avènement de la démocratie à nos jours et donne des pistes pour la sortie de crise. Lisez l’interview
Le Pays : Quelle appréciation faites-vous du report des élections des conseillers communaux, de cercles, régionaux et du district de Bamako initialement prévues pour le 17 Décembre en Avril 2018?



Moussa Mara : Je fais une appréciation négative et cela pour plusieurs raisons. La première, le gouvernement indique ne pas pouvoir respecter ses propres engagements et cela met sa crédibilité en jeu. Quand le gouvernement s’engage par décret à organiser des élections, il doit tout faire pour les tenir surtout que les élections sont le moment phare de la vie démocratique. La démocratie c’est d’abord les élections, le choix du peuple pour élire ses dirigeants. Donc reporter ces élections, fait toujours des mauvais effets surtout qu’elles ont été reportées plusieurs fois. La deuxième raison c’est qu’on dessine l’avenir de notre pays dans le cadre de la décentralisation, dans l’accord de paix, dans les orientations et cela a toujours été répété par le président de la république lui-même. La décentralisation, ce sont les collectivités. Les collectivités, c’est leur organe de direction et de gouvernance. Les collectivités actuelles sont le conseil de cercle, le conseil régional et la mairie du district. Elles sont gérées par les élus dont le mandat est terminé depuis presque 4 ans. Ces élus ne sont plus légitimes et n’auront pas la force pour engager les actions de développement. Donc, il est plus qu’urgent d’organiser ces élections ; les reporter, discrédite la gouvernance des collectivités et par là, la gouvernance du Pays. C’est pourquoi nous disons que c’est une décision regrettable surtout qu’elle n’est pas motivée. Comme motif du report, le gouvernement avance les préoccupations exprimées par certains acteurs sans citer ni les préoccupations ni les acteurs. Je trouve que les arguments que le gouvernement a avancé sont trop légers pour expliquer ce type de report des élections. Cela laisse sous-entendre de manœuvres politiciennes qui n’ont pas leur place dans un cadre démocratique. Comme le gouvernement a décidé, nous le suivons et nous allons à ces élections en Avril 2018 mais on verra le contexte. Il est quand-même regrettable de donner quatre années supplémentaires à des élus en plus de leur mandant. C’est anti démocratique.

Etes-vous d’accord qu’il n’y a pas eu de consensus au tour de ces élections ?

Lors de la réunion que le gouvernement a organisé avec les partis politiques, il y’avait bien un consensus pour aller aux élections. Les partis qui étaient dans la salle, majorité comme opposition, ont, à l’unanimité, souhaité que les élections soient tenues. La position de notre parti a toujours été très claire. Depuis 2014, on veut aller aux élections car elles font partie de la respiration normale de la démocratie. Nous sommes toujours pour son organisation.

Pouvez-vous nous parler un peu de la situation sécuritaire actuelle du Mali ?

La situation sécuritaire actuelle du Mali n’est pas meilleure que celle d’il y a quelques mois. Il y’a plusieurs choses, l’insécurité posée par des actes violents qui entrainent non seulement des pertes en vies humaines de nos FAMAS mais aussi des blessures graves. L’insécurité, c’est aussi perturber la vie quotidienne, faire en sorte que les écoles ne s’ouvrent pas, faire en sorte que l’administration ne soit pas présente partout. Je pense qu’aujourd’hui l’insécurité est préoccupante. Ce à quoi nous devons nous intéresser est : qu’est ce qu’il faut faire pour y mettre fin. Sinon la situation n’est pas rose.

Lors de son congrès tenu à Mopti les 18 et 19 Novembre, votre parti s’est retiré de la majorité présidentielle. Qu’est-ce que vous la reprochez concrètement ?

Nous nous sommes retirés parce que cette majorité n’existe pas. Je pense que tout observateur avisé le constaterait aussi. Cette majorité n’as pas beaucoup de chance. La majorité sous-entend une vision politique, un contenu politique, des ambitions politiques et des actes qu’on pose dans le cadre de cette vision. Cela n’est malheureusement pas le cas de notre majorité présidentielle et depuis des années. Ce que nous reprochons à cette majorité est qu’elle n’arrive pas à jouer son rôle. Elle n’est pas écoutée par le chef de l’Etat. Elle n’arrive pas à obtenir du chef de l’Etat un minimum d’égard pour travailler avec lui depuis quelques années et nous l’avions régulièrement déploré. Aujourd’hui, elle est totalement orientée sur les élections de 2018 et avec l’ambition affichée de faire réélire le président. Ce qui ne nous semble pas être un sujet d’actualité mais aussi sans débat. Une autre raison est que notre parti, Yelema n’a jamais été considéré dans la majorité comme il devrait l’être. Il y’a pas eu de solidarité à notre égard dans le cadre des élections, le cas de Baraouéli par exemple. Au-delà de ma personne, le parti n’a pas eu de poste de responsabilité. Pis, les responsables de Yelema ont été sanctionnés comme un parti d’opposition il y’a trois ans. Le dernier élément, en termes de visions politiques et programmes de gouvernance, nous nous retrouvons de moins en moins à ce qui est fait dans le pays. Et pourtant on a tout fait pour que les idées puissent être prises en compte. Donc c’est au regard de cette situation que les militants de Yelema ont souhaité à l’unanimité de rompre définitivement avec la majorité présidentielle sans pour autant aller à l’opposition.

Pourquoi vous n’avez pas rejoint l’opposition ?

Simplement, nous estimons qu’aujourd’hui, le Mali a besoin d’une nouvelle voie dont la direction ne peut être fixée ni par la majorité présidentielle encore moins par l’opposition. Nous estimons qu’au-delà de leurs divergences conjoncturelles, la majorité et l’opposition ont les mêmes logiciels. Ce sont les mêmes hommes. Ils ont les mêmes procédures et les mêmes façons de faire. Donc à mon avis, ils ne sont pas la solution pour notre pays. Le Mali a besoin d’une nouvelle voie, d’une nouvelle façon de faire, d’une nouvelle gouvernance, de nouvelles élites et de nouveaux responsables exemplaires qui ne sont ni dans la majorité ni dans l’opposition. Nous, on est dans l’alternatif à cette classe politique, à ce système politique qui gère notre pays depuis quelques temps et qui l’a enfoncé. Pendant les 25 dernières années, le Mali s’est plutôt enfoncé aussitôt moralement que sur le plan des valeurs, de la gouvernance et de l’honnêteté. Sur le plan de la corruption, on a reculé ; l’efficacité de l’administration, on a reculé. Si on a besoin de corriger tout cela, nous avons besoin d’hommes politiques neufs qui ont cette vision, qui ont de l’énergie, qui sont exemplaires et qui pourront restaurer la confiance avec les populations. Aujourd’hui, entre les dirigeants et les dirigés, la confiance est quasiment cassée. Donc, nous nous inscrivons dans la dynamique de réinstaurer cette confiance entre l’Elite et la base. C’est pourquoi nous sommes restés neutres des deux côtés.

Que faut-il faire pour qu’il y ait l’alternance en 2018 ?

Je propose l’unité et le rassemblement, pas autour d’une personne mais autour d’idées fortes, de principes forts, de valeurs fortes, de projets clairs et précis. Ensuite, les hommes qui s’identifient à toutes ces valeurs devront se mettre ensemble tout en acceptant de revoir leurs ambitions à la baisse. Ils doivent choisir entre eux celui qui est mieux placé pour être devant et que tous les autres le soutiennent. Dans mon discours à Mopti lors du congrès de notre parti, j’ai clairement dit que si la personne sur qui le choix est tombé n’est pas de Yelema, les militants de Yelema vont soutenir cette personne. Si ce choix n’est pas moi-même, moi, Yelema et tous ceux qui me soutiennent allons soutenir cette personne. La question doit dépasser la personne, elle doit aller sur les projets et idées.

Quelle solution proposez-vous pour une sortie définitive de crise au Mali ?

Pour moi, il faut une vision. D’abord il faut que nous sachions que la sortie de crise du Mali ne se fera pas en 6 mois, en un an, en deux ans, voire même en 5 ans. Je pense qu’il faut plusieurs mandats. La crise n’est pas que l’insécurité. L’insécurité est la conséquence de beaucoup de choses. Si les problèmes de fonds de notre pays ne sont pas réglés, nous ne sortirons pas de la crise et si nous sortons, nous allons retomber dedans comme ç’a été le cas en 2012. Pour moi, il faut une vision qui dépasse un mandat et une personne. Il faut tracer une route pour plusieurs années. On doit décliner les modes de gestions qui devraient nous amener à cette situation. Les questions de transparence, les questions de redevabilité, de rapport entre les élites et la base, d’honnêteté des élites, de lutte contre la corruption. Pour résoudre tous ces problèmes, il faut des hommes transparents différents de ceux-là qui ont pillé le Mali dans ces 20 dernières années .On sait que d’autres peuvent le faire. Donc que ceux qui peuvent diriger dans la plus grande transparence se mettent ensemble, forment une équipe, élaborent une offre politique structurée et la présentent aux Maliens à l’occasion des élections de 2018. Je pense que si on a cette vision, on a les hommes, on a la volonté, on devrait engager les changements qui devraient dépasser un mandat. Il ne s’agit pas de le faire autour d’une personne mais autour d’idées. Sortir de la crise au Mali sous-entend fixer le cap, trouver les hommes, travailler selon un processus où les Maliens vont voir une direction où on demande des efforts à la population et aux Elites. Le Mali, dans les années à venir, ne sera plus comme avant. Soit on l’organise, soit on va nous l’imposer soit par des insurrections des jeunes soit par un soulèvement par d’autres personnes. Nous, les hommes politiques, avons une lourde responsabilité. Il faut que nous qui voulions le changement, le comprenions. La dernière chose est que le Mali de demain sera décentralisé ou ne le sera pas ? Il faut sortir des vieux schémas qui consistent à vouloir gérer le Mali seulement à partir de Bamako. Nous devrons donner suffisamment de moyens aux régions pour que de Kayes à Taoudeni, les gens puissent décider, au moins pour 80% de leur besoin à couvrir, à partir de leurs régions, de leurs communes. Il faut arriver à obtenir ce nouveau Mali de manière pacifique. Nous nous inscrivons dans cette alternative et notre personne n’est pas importante mais on va y contribuer. Si cette personne est moi, tant mieux mais si le pays peut s’en sortir sans nous, je signerai pour le bonheur des Maliens.

Que pensez-vous des problèmes des régions encore non opérationnelles ?

La loi de 2012 n’est pas applicable en l’état. Le gouvernement doit le dire aux Maliens. Cette loi prévoit la création de beaucoup de régions mais aussi de beaucoup de cercles. Le Mali n’a pas le moyen de le faire. Même si on n’était pas en crise, on n’allait pas pouvoir le faire. Il faut relire cette loi. Il faut maintenir le principe de créer de nouvelles régions, je pense même qu’il faut augmenter le nombre. Mais je propose à ce que les cercles soient supprimés car ils ne servent pas à grande chose au Mali aujourd’hui. Les régions, les communes et les arrondissements suffisent largement. Je suis même pour que le Mali aille jusqu’à 30 régions mais pas avec des dizaines de cercles supplémentaires. Créer plus de régions avec des communes sans les cercles, sera l’idéal pour moi.



Réalisée par Boureima Guindo.
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