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Sirakoro Méguétan : La bataille de l’eau
Publié le mercredi 14 mars 2018  |  L’Essor
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Dans ce quartier périphérique de la capitale, la pénurie d’eau atteint des proportions insupportables et les rares forages qui approvisionnent la population semblent souillés par les installations de la centrale électrique Sopam d’EDM

Sirakoro Méguétan est le chef-lieu d’une commune urbaine du cercle de Kati. La localité qui fait partie de l’ex-arrondissement de Kalabancoro est coincée entre les quartiers Yirimadio, Sénou et la Cité des 1008 logements sociaux, dans la périphérie de Bamako. Comme d’autres localités, sa proximité avec la capitale a favorisé son urbanisation rapide.

Et comme tous les quartiers périphériques de Bamako, Sirakoro Méguétan a été l’objet d’une convoitise effrénée des citadins à la recherche de terrains à usage d’habitation et des promoteurs immobiliers. De ce fait, sa réserve domaniale a été vite absorbée.

Mais ceux qui y ont élu domicile, sont aujourd’hui confrontés à un casse-tête : la pénurie d’eau et la souillure des eaux des forages par la centrale électrique Sopam de Sirakoro.
En effet, cette année dès la mi-février, l’eau est devenue une denrée très rare et donc plus précieuse que jamais pour les habitants de Sirakoro. Il faut parfois parcourir des dizaines de kilomètres pour s’approvisionner. Des femmes chargées de bidons de vingt litres ou d’autres récipients ratissent le quartier, maison par maison, à la recherche d’eau. Même les anciens puits des chantiers sont sollicités de nouveau. Dans cette course folle pour l’eau, les maisons dotées forages sont les plus fréquentées. Des propriétaires de pousse-pousse sillonnent le quartier pour approvisionner les ménages, mais à des tarifs prohibitifs. Un bidon de 20 litres peut ainsi coûter entre 100 et 200 Fcfa.

LES FEMMES ET LA CORVÉE D’EAU. Mme Sidibé Djénéba Camara, ménagère, témoigne : «Chaque jour, mes filles et moi-même faisons le tour des puits pour nous procurer de l’eau. Des fois en vain. Nous, nous tournons alors vers les fontaines publiques. Malgré les longues files d’attente autour de ces points d’eau, nous parvenons à nous approvisionner à force de négociations. Les jours où il y a trop de monde autour des bornes fontaines, nous nous rabattons sur les vendeurs d’eau ambulants. A ce niveau, le seau d’eau coûte 100 Fcfa et le bidon de 20 litres est cédé à 200 Fcfa».

Ici, la corvée d’eau commence dès 4 heures du matin pour prendre fin à minuit voire au-delà. Certaines habitantes du quartier sont à bout de patience. C’est le cas de Mme Fatim Coulibaly. «Je me réveille à 5 heures du matin pour prendre de l’eau. Il y a des nuits où je ne dors même pas. Nous vivons un vrai calvaire depuis fin janvier. Les enfants doivent aller le matin à l’école. Nous arrivons à supporter la situation grâce à nos voisins propriétaires d’un forage. Cependant, la plupart des chefs de famille sont obligés d’embarquer des bidons dans leurs véhicules et même sur des motos pour ramener, de leur service, de l’eau potable réservée surtout à la boisson».
Le calvaire vécu par la population est constatable à l’aune de la longueur des files de bidons et autres récipients devant la fontaine publique. Dès 4 heures du matin, des centaines de femmes et de jeunes font le rang autour de ce point d’eau.

Le jeune Massiré est le gérant de cette borne fontaine. Au tour de lui, des femmes sont assises. Certaines allaitent leurs bébés. D’autres sont couchées sur des nattes. «Nous passons la nuit ici souvent pour avoir de l’eau. A bout de force, certaines femmes s’endorment. La période est particulièrement dure pour nous», confie une ménagère.

La foule est encore plus dense pendant le week-end parce que des jeunes garçons accompagnent ou relaient leurs mamans pour remplir les récipients de la famille», explique un jeune homme.
Il faut quand même souligné que la pénurie n’est pas un phénomène nouveau à Sirakoro Méguétan. Mais cette année, elle s’est installée plus tôt que d’habitude et a vite pris des proportions insupportables surtout au moment où les eaux de forages réalisés par des particuliers commencent à montrer des signes d’assèchement. Lesigne évident d’assèchement de ces forages est la couleurs de l’eau qui devient rouge.

COURSE CONTRE LA MONTRE. Autour de ces forages, les premiers arrivants sont les mieux servis. D’où la course contre la montre. Il faut se lever très tôt pour avoir de quoi remplir les jarres et faire la cuisine, au niveau des forages. Les premiers servis sont ceux qui arrivent vers 4 heures du matin».

Par solidarité, certains propriétaires de forages ont mis leur robinet à la disposition des voisins. Parfois, dans un tohu-bohu les bousculades commencent et durent toute la journée.
Une mère de famille au regard inquisiteur confie : « Souvent, il me vient à l’esprit de quitter le quartier à cause du problème d’eau. Chaque année, nous vivons le même calvaire. Si tu n’as pas un forage, tu peux dépenser jusqu’à 1000 Fcfa par jour satisfaire tes besoins en eau».
En effet, il faut noter que la zone de Sirakora n’est pas totalement couverte par la Somagep. Ce sont certains habitants fortunés qui ont donc fait des forages. Mais cela n’est pas une mince affaire car la zone est très rocailleuse et la nappe phréatique se trouve dans une profondeur de 50 à 100 mètres. Par solidarité, certains de ces «privilégiés» ont mis leur robinet à la disposition de leurs voisins voire du reste de la population. Leurs maisons sont prises d’assaut chaque jour par les femmes qui assurent la corvée d’eau. Cependant, la qualité de certains forages est véritablement mise en cause depuis quelque temps. Aussi bien par leurs propriétaires eux-mêmes que par la population.

En effet, il n’est pas rare d’apercevoir dans les eaux de ces forages, des résidus d’huile noire.
Certains puits ou forages dégagent même des odeurs nauséabondes voire de métal. Il ressort du constat fait par les habitants que cette situation concernerait toutes les sources d’eau dans un rayon de 4 km2 de la centrale électrique Sopam de d’EDM et plus de 300 concessions seraient frappées par cette situation.

Exaspérées, les populations ont constitué un « collectif des victimes », coordonné par Siaka Togo. Selon lui, vivre dans le quartier est un vrai calvaire à cause des nuisances de cette centrale. « Il y a quelques années, on se plaignait ici du vacarme et des vibrations causés par des machines de la centrale électrique. Aujourd’hui, nous sommes exaspérés par l’huile de vidange qui s’infiltre dans nos puits et la nappe phréatique, même les forages de 90 mètres de profondeur ne sont épargnés. Cette centrale a déversé ici pendant plus de 10 ans des milliers de tonnes de son huile de vidange. Aujourd’hui, nous avons constaté que jusqu’à 4 km2 de rayon, l’eau est totalement souillée, dégageant même une certaine odeur toxique », assure notre interlocuteur.

UNE VISITE TRÈS ATTENDUE. Face à la situation, le collectif a entrepris des démarches auprès des autorités compétentes. «Depuis 2011, le service de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances de Kati a été saisi. Cette structure est venue constater les faits et mis en garde l’entreprise. Elle avait même invité la société à prendre des dispositions utiles pour fournir de l’eau potable à la population avant de procéder à un audit environnemental. Nous avons saisi la directeur général d’EDM à plusieurs reprises et même le ministre en charge de l’Eau. Mais nous attendons toujours…» lance le chef de famille.
Au département en charge de l’Energie et de l’Eau, l’on assure que la situation est connue et que le traitement de ce dossier dit désormais de « Sirakoro Méguétan » bénéficie de l’attention particulière du ministre.

«Le ministre a été informé de la situation. Et le collectif a eu plusieurs séances de travail avec les techniciens du département. Pour constater de visu la situation et surtout pour écouter et assurer la population de l’engagement du département à résoudre cette situation pénible, le ministre a décidé de s’y rendre en principe vendredi prochain», assure une source au ministère qui a requis l’anonymat.
Ainsi vivent les habitants de Sirakoro Méguétan depuis le début du mois de février. Une vie où s’approvisionner en eau potable est devenue la première préoccupation.

Doussou DJIRÉ
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