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Certification des élections de 2018 par les Nations Unies : QU’en est-il en réalité?
Publié le jeudi 7 juin 2018  |  L’Essor
Antonio
© AFP par MICHELE CATTANI
Antonio Guterres s`exprime devant les forces de la Minusma à Bamako, à l`occasion de la journée internationale des Casques bleus, mardi 29 mai.
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La certification des élections par le système des Nations Unies est un mécanisme politique exceptionnel d’apaisement qui a été rarement utilisé depuis la fin de la période dite de la guerre froide et la vague de démocratisation des années 1990. L’ONU a accompli des missions de certification au Timor Oriental en 2007 et au Népal en 2008. Dans ces cas, elle avait un rôle principal dans l’organisation des élections. Dans le cas de la Côte d’Ivoire en 2010, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies devait certifier des élections dont il n’était pas cependant l’organisateur. Les exemples sont donc rares et la certification est faite surtout dans les pays en crise où les capacités nationales à organiser les élections n’existent pas ou sont très réduites, ou encore lorsque la confiance entre les acteurs politiques est totalement érodée. Dans tous les cas, elle est encadrée par une Résolution du Conseil de sécurité. Elle n’a jamais été imposée par les Nations Unies à un pays membre même lorsqu’il y a une mission de maintien de la paix.

Pourquoi la certification ?
Dans les pays où elle a eu lieu, Il s’agissait de certifier que tous les stades d’un processus électoral donné fournissent toutes les garanties nécessaires pour la tenue d’élections ouvertes, libres, justes et transparentes, conformément aux normes et aux standards internationaux. Le Certificateur, généralement le représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, doit s’assurer que toutes les garanties nécessaires sont réunies pour la réussite des élections. Il s’agit de sauvegarder aussi bien le processus que les résultats des élections. Il ne s’agissait pas à priori de rechercher les failles dans le processus électoral et de les sanctionner.
Il ne s’agissait pas non plus de certifier toutes les étapes des élections, contrairement à certaines idées répandues, mais de veiller à ce que toutes les étapes se déroulent conformément au cadre légal et règlementaire établi.

Le cas des élections de sortie de crise en Côte d’Ivoire
Le cas de la Côte d’Ivoire est une parfaite illustration. La certification, à l’origine, était une demande des parties signataires de l’accord de Pretoria de 2005 de voir les Nations Unies accompagner le processus électoral dans le contexte de sortie de crise, en vue d’élections ouvertes, libres, justes et transparentes. La résolution 1765 adoptée en juillet 2007 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, en son paragraphe 6, a confié au représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies (RSSG) le mandat de certification. Il a exercé ce mandat à titre exclusif.

Les étapes et critères de la certification en Côte d’Ivoire
Les étapes dépendent du contexte et des provisions de la Résolution qui crée ce mandat plutôt exceptionnel de certification. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, la résolution 1826 adoptée le 29 juillet 2008 par le Conseil de Sécurité a rappelé que «la publication de la liste électorale est une étape cruciale du processus électoral» et «prie le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies de certifier cette liste d’une manière explicite».
Il est bien entendu que les résultats allaient être également certifiés d’une façon explicite. C’est une phase du processus tout aussi cruciale que celle de l’établissement de la liste électorale. Les trois autres étapes comme les audiences foraines, l’enregistrement des électeurs, etc. seront certifiées d’une façon implicite, compte tenu de leur caractère dynamique.
Cinq critères cadres avaient été retenus en concertation avec les acteurs politiques ivoiriens et le Facilitateur, à savoir, la paix, l’inclusion, les médias d’Etat, la liste électorale et les résultats. La paix : le processus ainsi que les résultats doivent se dérouler dans un climat apaisé. L’inclusion : le processus électoral doit inclure tous les citoyens qui remplissent les conditions pour être électeurs, et pour la candidature, toute personne éligible. Les médias d’Etat : leur impartialité et leur accès équitable et égal à tous les candidats, partis et groupements politiques, doivent être garantis.
La liste électorale : une liste partiale et non inclusive ne sera pas certifiée. Une fois la liste électorale certifiée explicitement, le Certificateur n’admettra pas sa remise en cause de façon rétroactive. Les résultats: les résultats des élections seront certifiés d’une façon explicite.
Une fois certifiés, le Certificateur n’admettra pas que les résultats fassent l’objet de contestations non démocratiques ou de compromissions.

Le mode opératoire de la certification en Côte d’Ivoire
Une Cellule d’experts établie au sein de l’ONUCI (Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire) assistait le Certificateur dans sa mission de certification. A partir des cinq critères de la certification, la cellule effectue un suivi au quotidien de toutes les étapes du processus électoral, elle identifie, développe et met régulièrement à jour les éléments permettant d’évaluer le processus. Elle souligne les avancées et relève les anomalies ou éléments de risque, conformément à son rôle de veille; elle les porte à la connaissance du Certificateur qui peut alors déclencher les leviers d’action nécessaires à la correction des anomalies constatées afin de ramener le processus dans le respect des critères cadres concernés

Les moyens d’action du certificateur
En cas de dysfonctionnement porté à sa connaissance, le Certificateur disposait de quatre niveaux d’action : 1) Il discute avec les acteurs impliqués et/ou les autorités concernées afin d’attirer leur attention sur les éléments de risque ; il les encourage à prendre toutes les mesures correctives nécessaires. 2) Si cette concertation n’aboutit pas, il contacte les protagonistes ivoiriens afin de trouver des solutions au niveau national. 3) Si cette démarche n’aboutit pas, le Certificateur a la possibilité de faire appel au Facilitateur pour son arbitrage. 4) Si l’arbitrage n’aboutit pas, il fait un rapport au Conseil de Sécurité pour les mesures appropriées à prendre.

Avons-nous besoin d’une certification des élections de 2018 au Mali?
Bien que le Mali traverse encore une crise sécuritaire et que l’opposition politique exige de plus en plus de transparence dans la conduite des élections, on peut noter avec grande satisfaction que la crise actuelle au Mali et celle qui a secoué la Côte d’Ivoire pendant des années ne sont pas de même nature. L’opposition politique de Côte d’Ivoire était une opposition plutôt armée, dans une rébellion qui a entrainé, des années durant la partition de fait du pays. Le Timor oriental était occupé par l’Indonésie et était entré dans une guerre de libération sanglante et dévastatrice; le Timor n’avait aucune capacité à organiser elle-même ses élections.
Le dialogue politique n’est pas rompu au Mali, et aucun groupe au Mali n’est exclu du processus politique. Les modifications récentes apportées à la loi électorale étaient essentiellement des propositions venues de l’opposition politique. Le fichier électoral a été audité par des experts internationaux indépendants avec la participation de l’opposition politique à travers la CENI. L’audit a déclaré le fichier suffisamment fiable pour la tenue des élections de 2018. Les processus politiques maliens ont toujours été inclusifs ; aucun acteur politique ou groupe ethnique n’est ou n’a été exclu du processus électoral.
La Cour Constitutionnelle, malgré les reproches à elle faites, a jusque-là fait preuve de diligence et cette année, elle a engagé une campagne soutenue de communication sur son rôle et la procédure suivie devant elle ; une Commission électorale indépendante existe et dispose de tous les leviers juridiques et politiques pour superviser le processus électoral et contraindre, par les voies de droit, l’administration à respecter les normes en vigueur, le président de la CENI est indépendant des partis politiques et le premier vice-président est de l’opposition.
Des medias indépendants existent au Mali ; on peut, sans se tromper dire qu’il y a même une prolifération de medias indépendants et le Comité d’égal accès aux medias publics a jusque-là, réussi à faire respecter les règles de l’égal accès aux medias d’Etat pour tous les partis politiques, candidats et listes de candidats pendant les différentes campagnes électorales. Les Observateurs indépendants comme l’Union européenne, l’Union africaine, la CEDEAO sont invités à observer le processus électoral et la société civile malienne envisage de déployer des centaines, voire des milliers d’observateurs domestiques.
Le dépouillement et la centralisation des résultats sont effectués en présence des observateurs. L’appui technique du système des Nations Unies à travers la MINUSMA et le PNUD est en soi un capital politique et un gage de transparence. La MINUSMA apporte un appui logistique et contribuera à la sécurisation du processus dans les régions du Nord et du Centre. La possibilité est maintenant donnée aux partis politiques (opposition et majorité) de designer deux des 4 assesseurs du bureau. Ceci est un gage de transparence dans la mesure où ce sont les assesseurs des partis politiques qui authentifieront l’électeur à son arrivée dans le bureau de vote lui ouvrant ainsi la possibilité de procéder à son choix.
Aucun système électoral n’est parfait. Mais il faut reconnaître que le système malien offre bien de possibilités aux Partis politiques, souvent plus qu’on en trouve dans les grandes démocraties occidentales. Le Mali n’a pas besoin de la certification des résultats des élections par les Nations Unies. Le gouvernement a simplement besoin de renforcer le cadre politique de concertation régulière avec l’ensemble des Partis politiques, ainsi que les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) sous l’égide du ministère de l’Administration territoriale. En outre, le gouvernement devra améliorer sa communication ; la rendre plus fréquente, plus consistante et cibler toutes les couches sociales et les groupes ethniques en utilisant les langues nationales.
L’opposition politique devrait, de façon responsable, donner elle aussi des signes d’apaisement en arrêtant de brandir la menace de la violence, civiliser son langage qui frôle parfois la vulgarité et arrêter d’annoncer qu’elle refuserait les résultats si le président en exercice venait à gagner au 1er tour. La loi n’interdit pas de gagner au 1er tour, elle ne limite pas non plus la possibilité de gagner au 1er tour.
Toutes les garanties de transparence sont données par la loi électorale à travers une forte implication des Partis politiques à toutes les phases du processus jusqu’à la centralisation finale des résultats. Les efforts des Partis payeront mieux s’ils se focalisaient à bien préparer leurs militants pour un suivi professionnel de déroulement du scrutin et un renforcement de capacité dans la gestion du contentieux électoral.

Sidi Mohamed
Diawara,
Spécialiste de
l’assistance
électorale

NB : Cette contribution a largement exploité une fiche d’information publiée en mai 2009 par la cellule de certification des élections de l’ONUCI.
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