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28 juillet 2013 : Le délai de tous les dangers
Publié le jeudi 30 mai 2013  |  Le Prétoire


© aBamako.com par S. A
Elections présidentielles 2013 : le premier ministre Djanco Cissoko a visité le Délégué Général des Elections (DGE), l` ACI 2000 et le CENI
Lundi 20 mai 2013. Bamako. le premier ministre Djanco Cissoko a échangé avec le Délégué général des élections (DGE), l` ACI 2000 et CENI dans le cadre des préparatifs des l`élections 2013.


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A moins de deux mois de la date fixée pour l’élection présidentielle, des incertitudes planent sur la tenue de ce scrutin. Le financement des opérations, le recouvrement total de l’intégrité territoriale, la confection des documents électoraux, la participation de tous les Maliens sont des questions qui sont loin d’être résolues.
Bureau de vote au Mali. © Georges Gobet/AFP
Le dernier conseil des ministres extraordinaire a convoqué le collège électoral pour le 28 juillet 2013, date fixée par les autorités maliennes pour la tenue du premier tour de la présidentielle. Cédant ainsi aux injonctions de la communauté internationale, notamment la France et les Etats-Unis d’Amérique qui veulent des autorités dotées de la légitimité populaire, le Mali ayant, depuis plus d’un an, des institutions de transition, pour la plupart installées en violation de la Constitution. L’Occident donc, toujours paternaliste a décidé à la place des Maliens qu’il faut changer la donne. Il faut dire que les dirigeants français et américains ne sont pas les seuls à faire de la tenue de l’élection présidentielle au Mali une exigence, au Mali même, des voix s’élèvent de jour en jour pour demander l’organisation de ce scrutin et la fin de la transition. Soit, mais le Mali peut-il réunir toutes les conditions techniques et financières pour des élections libres, transparentes, démocratiques, crédibles et acceptées de tous ? Le Mali peut-il organiser ces élections sur toute l’étendue du territoire national comme l’exigent certains partis politiques et acteurs de la société civile ? Le Mali peut-il éviter les violences postélectorales comme on en a vu par exemple au Kenya ou en Côte d’Ivoire ? C’est essentiellement à ces questions qu’il convient de donner les réponses adéquates afin de rassurer des millions de Maliens qui redoutent le pire.
En visite au Mali, avant-hier, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, a confirmé ce que les autorités maliennes, notamment le ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, Moussa Sinko Coulibaly, ne cesse de seriner : techniquement, il est possible de tenir l’élection présidentielle à la date indiquée du 28 juillet. Ni le Français ni le Malien ne mentionnent que la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) avait demandé le report du scrutin parce que ses dirigeants estiment que le Mali ne sera pas prêt, techniquement.
Le Malien, bien placé pourtant puisque c’est son département qui est chargé de l’organisation des élections, sait pertinemment que les électeurs ne pourront pas avoir à temps les cartes Nina (numéro d’identification nationale) qui leur permettront de participer aux élections. En effet, non seulement l’opération Ravec (Recensement administratif à vocation d’état-civil) est loin d’avoir été un succès, beaucoup de citoyens n’ayant pas encore été recensés, mais que les différents documents, dont les cartes d’électeur, qui seront confectionnés à partir de cette opération ne le sont pas encore. Et ne sont pas près d’être confectionnés. Et même s’ils l’étaient, leur distribution va poser problème. Dans les grandes villes où se sont réfugiés de nombreux ressortissants venant des régions du nord. Que dire de ceux qui se sont exilés à l’extérieur et qui ne sont pas prêts à retourner dans leurs villes respectives, sachant que celles-ci ne sont pas complètement sécurisées malgré la réussite de l’intervention militaire française ? A coup sûr, la distribution des cartes d’électeur va poser problème. Même dans les campagnes où on voit mal les paysans abandonner leurs champs et les travaux champêtres, en cette période d’hivernage, pour aller chercher des cartes d’électeur dans leur chef-lieu le plus souvent situé à des kilomètres de lieux de labours.
Concernant la situation dans le septentrion, les autorités maliennes, comme la France, soutiennent qu’il ne saurait avoir deux armées dans un même et seul pays. Or, depuis l’opération Serval, la ville de Kidal est sous le contrôle du Mouvement national de libération nationale (Mnla) qui en refuse l’accès à l’armée nationale. Le président de la France, dont l’armée est également présente à Kidal, propose (impose ?) aux autorités maliennes de déployer d’abord l’administration dans cette région, ensuite de faire suivre l’armée. Les autorités maliennes avaient promis que l’armée sera à Kidal au plus tard le 15 mai dernier mais semblent avoir renoncé à affronter les terroristes et rebelles touareg. Que valent des élections organisées sans les forces de défense et de sécurité légales et sous le seul contrôle du Mnla ? Pas grand-chose. Elles ne manqueront pas d’être contestées. La solution, selon certains, est d’organiser les élections sans la région de Kidal, comme cela a été le cas en 1992. Mais nombreux sont les candidats à la présidentielle qui ont déclaré qu’ils ne participeront pas au scrutin tant que Kidal restera sous le joug d’une bande de terroristes indépendantistes, que le Mali est un et indivisible, que Kidal est une région à part entière du Mali. Le Mnla ne partage pas cet avis. Récemment, certains de ses responsables étaient à Ouagadougou, chez le médiateur de la Cédéao dans la crise malienne, où, pendant que tous parlent de négociation et de dialogue, ils exigeaient que la question du statut de l’Azawad soit mise sur la table. Autrement dit, les indépendantistes qui, apparemment, ont renoncé à leurs velléités sécessionnistes, demandent un statut spécial pour des zones qui ne doivent avoir d’autre statut que celui de région. Autant dire alors que si les positions restent inconciliables, et elles le resteront parce que la quasi-totalité du peuple malien ne veut ni fédéralisme ni partition du pays, autant dire donc que Kidal ne sera pas concernée par les élections à venir. Même si l’armée prenait d’assaut maintenant cette région, les affrontements ne feront que faire fuir le peu de population encore sur place.
Une autre raison d’être sceptique quant au bon déroulement du scrutin, c’est l’argent, le nerf de la guerre électorale. Le Mali étant un pays démuni, il compte sur la communauté internationale pour financer ses élections qui coûteront pas moins de quatre-vingt milliards de F Cfa de budget prévisionnel auquel il faut sans doute ajouter les fonds supplémentaires nécessaires à la distribution des cartes d’électeur aux populations exilées ou déplacées, à l’achat du matériel électoral pour les camps de réfugiés, à la couverture et à l’observation des opérations électorales dans les pays d’accueil des réfugiés. Dans certains cercles, on murmure que le budget électoral initial est prêt, dans d’autres, il se dit que cela est faux et que le Mali n’a pas les moyens d’organiser l’élection présidentielle.
Récemment à Bruxelles, plusieurs pays (essentiellement de l’Union européenne, UE) et institutions internationales ont promis de l’argent au Mali, des fonds qui ne seront disponibles qu’après l’installation d’un nouveau président de la République. Mais il se trouve que tous ces pays, sans exception, sont frappés de plein fouet par la crise économique mondiale. La Grèce et l’Espagne sont dans le trou. L’Allemagne est fortement menacée. La France est en récession et sommée par l’UE de redresser sa dette budgétaire dans les deux années qui suivent. Les Etats-Unis n’échappent pas à la catastrophe planétaire. Alors, où est-ce que ces pays vont trouver de l’argent pour financer la relance du développement du Mali à plus de trois milliards d’euro ?

Non, les conditions nationalistes, techniques et financières sont loin d’être réunies pour un scrutin apaisé, ce 28 juillet 2013.

Cheick Tandina

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