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L’Indépendant N° 3267 du 30/5/2013

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Lettre ouverte d’un citoyen au président intérimaire Dioncounda Traoré à propos de Kidal : « Vous devez poser publiquement huit questions à François Hollande »
Publié le jeudi 30 mai 2013  |  L’Indépendant


© AFP par ERIC FEFERBERG
Le président malien de transition, Dioncounda Traoré reçu par son homologue français François Hollande
Vendredi 17 mai 2013, France, Élysée


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À 71 ans, Macono Coulibaly, citoyen malien résident à, Bamako, a une certaine expérience dont le Mali peut profiter. Dans cette lettre ouverte adressée au président de la République par intérim, il pense que celui-ci doit poser certaines questions publiquement au président français François Hollande.



Monsieur le Président par intérim, Dioncounda Traoré,

Il s’agit du Mali. Je viens d’entendre une déclaration ferme de votre part à propos de Kidal, mais je ne peux pas me dire rassuré pour autant, car les pièges restent en place. Par ailleurs, il est habituel que les gens critiquent les dirigeants lorsque ceux-ci ont quitté le pouvoir, ce n’est pas la meilleure façon. C’est pourquoi j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir m’autoriser à vous poser les questions ci-après au sujet du Nord de notre pays en général et de la zone de Kidal en particulier. Je m’excuse de la présentation ou de la forme qui n’est pas la meilleure possible.



1) Apparente complaisance à l’égard des djihadistes

Pourquoi les autorités maliennes utilisent-elles beaucoup plus souvent les termes » terroristes » et » narcotrafiquants » même s’il s’agit manifestement de djihadistes, comme pour la double attaque lancée contre le Niger le 23 mai 2013 ? Après ce qui s’est passé à Konna où avaient déferlé trois organisations incontestablement djihadistes, éviter ce mot ne revient-t-il pas à ménager les intéressés qui sont plus dangereux et ont toutes sortes de possibilités de recrutement d’adeptes ou de complices, dans nos rues, dans nos maisons, dans nos mosquées, etc., alors qu’il faut plutôt que chaque musulman soit sur le qui-vive ?

D’ailleurs, les journalistes de RFI disent » MUJAO malien » ou » MUJAO du Mali « , cela ne mérite-t-il pas une confirmation ou une infirmation à l’intention de l’opinion nationale et internationale, vu ce qui changerait ?



2) Les termes » frères » et » fils du Mali «

J’ai entendu depuis le premier Gouvernement de transition dire que certains des groupes armés sont » nos frères » ou des » fils du pays » et que nous devons les traiter différemment des autres qui sont des terroristes et des narcotrafiquants ou des étrangers. Mais des » frères » ou des » fils du pays » qui prennent les armes pour s’attaquer au pays ne sont-ils pas tout simplement des traîtres qu’il est plus prudent de traiter comme tels au lieu de les encourager par des termes ou des sourires complaisants qu’ils prennent pour de la faiblesse?

3) Le MNLA une force militaire ou un tigre en papier que le dirigeant d’une puissance veut animer et légitimer ?

Monsieur le Président par intérim, posez publiquement au Président François Hollande de la France (pays qui est notre ami et protecteur mais semble être également l’ami et le protecteur du MNLA) les questions suivantes et recueillez ses réponses en supposant qu’il répond, non pas entre vous deux, mais officiellement devant la communauté internationale:

1) Le MNLA n’avait-il pas fait croire en fin décembre 2011 à la diplomatie française du temps de M. Alain Juppé qu’il pouvait combattre AQMI ?Mais a-t-il combattu AQMI ou d’autres terroristes le 17 janvier 2012 lorsque des militaires maliens ont été égorgés peut-être par lui et en tout cas sous ses yeux dans un endroit où il semblait implanté ?



2) Après l’invasion du Nord du Mali par les djihadistes (les terroristes et les narcotrafiquants y étaient déjà), le MNLA n’a-t-il pas été chassé de Gao par un mouvement djihadiste? N’a-t-il pas été chassé de Tombouctou par un mouvement djihadiste ? N’a t’-il pas été vaincu à Kidal, son prétendu fief, par le soi-disant » An Sardine « , mouvement djihadiste de Iad Ag Ghali, lequel, pour des raisons sociales et ethniques notamment, ne l’en a pas chassé physiquement ?



3) Le MNLA n’a -t-il pas été vaincu il y a quelques mois à Ménaka où il a fini par lâchement laisser les gens de la localité à la merci du MUJAO, autre mouvement djihadiste ?



4) Juste avant le déferlement des djihadistes à Konna et Diabali, beaucoup de membres du MNLA n’ont-t-ils pas rejoint » An Sardine » en le quittant ? Après la déroute des djihadistes à Konna et Diabali, ces mêmes transfuges et d’autres membres d’ » An Sardine » ne sont-ils pas revenus à Kidal pour rejoindre de nouveau le MNLA ou pour créer une ou des entités qu’on ne peut vraiment pas prendre au sérieux ?

5) Tout cela ne prouve-t-il pas que le MNLA n’est pas une force militaire et qu’il n’a pas pu durablement occuper quelque partie du soi-disant Azawad que ce soit ?



6) Le MNLA n’avait-il pas proclamé l’indépendance et formé un gouvernement ? Cela a-t-il pu durer? Ce raté dû à la faiblesse intrinsèque, à l’irréalisme et à l’amateurisme du mouvement ne le décrédibilise -t-il pas totalement, y compris aux yeux de ses partisans sincères ? Pourquoi la France a-t-elle peur de voir le MNLA sur l’échiquier politique malien, où on saura ce qu’il vaut réellement ? Sans la duplicité de la France et la perche qu’elle a tendue au MNLA, le problème dudit MNLA qui est inexistant sur le plan militaire et se trouve dans une impasse sur le plan politique n’aurait-il pas déjà été résolu? De toute évidence, il n’est pas exclu que son protecteur l’ait équipé entre-temps loin des autorités maliennes et à l’insu de ces dernières. Mais il ne sera pas facile d’imposer au Mali un statut particulier pour ce mouvement. Monsieur le Président par intérim, pouvez-vous nier que de multiples pièges sont dressés autour de vous, notamment le dispositif mis en place par la France à Kidal (militaires français, militaires tchadiens, aide – que vous ignorez – au MLNA, etc.) et l’axe Kidal-Ouaga ?

7) Si le MNLA avait prétendu qu’il contribuerait à faire libérer les otages français, la France n’est-elle pas fixée à ce sujet ? Que reste -t-il maintenant entre la France et le MNLA ? Peut-être l’aide apportée sous forme de connaissances géographiques du terrain. Cette aide doit elle amener la France à protéger Kidal contre le Mali et à adopter une position qui vient contredire l’objectif déclaré de la belle œuvre qu’elle a commencée?

8) Pourquoi la France elle-même fait-elle preuve de fermeté à l’égard des Basques et de ses indépendantistes corses alors qu’elle nous propose la compromission avec le MNLA?



4) Kidal en général

Monsieur le Président par intérim, la France a réussi jusqu’ici par ses manœuvres et son manque de considération pour vous à isoler Kidal du reste du Mali, tout en prétendant défendre l’intégrité du territoire malien. Cela peut -il continuer ? Ne faut-il pas clarifier la situation ?

Monsieur le Président par intérim, concernant Kidal, le Ministre des affaires étrangères, M. Tiéman Hubert Coulibaly, a parlé il y a quelques semaines du nécessaire désarment du MLNA et il a récidivé le 24 mai dernier à Addis-Abeba. Mieux encore, le Ministre français des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, a lui-même confirmé cette nécessité ici à Bamako. Par ailleurs, le Premier Ministre avait dit que toute négociation future aurait lieu à Bamako. Aux membres de la Commission Dialogue et Réconciliation vous avez dit, il y a quelques jours, qu’ils devaient réconcilier tous les Maliens même ceux qui les insulteraient ; pourtant vous semblez exclure le MNLA de leur domaine de compétence. Tout traitement à part pour le MNLA et les autres dissidents, vieux ou nouveaux, du Nord du Mali signifierait un traitement à part pour Kidal et par voie de conséquence pour le soi-disant Azawad. Or vous avez nommé un Conseiller pour le Nord chargé de négocier avec le MNLA en vous mettant en travers de la voie privilégiée par le Gouvernement (position du Ministère des affaires étrangères), ce après une entrevue avec le Président français. Ce dernier, lors d’une conférence de presse avec le Président Mahamadou Issoufou du Niger, a dit que l’administration civile malienne pourrait être autorisée lors de l’élection présidentielle à Kidal. Interrogé le 25 ou le 26 mai (quelques jours plus tard) à Addis-Abeba (par un journaliste français, les autorités maliennes et les journalistes maliens ne s’autorisant pas à l’interroger à ce sujet), il a cédé un peu en décomposant en deux temps, et l’armée malienne s’installerait à Kidal dans le second temps. Monsieur le Président par intérim, vous venez de dire que vous en avez parlé avec le Président François Hollande et Laurent Fabius lors de votre passage à Paris après Bruxelles et vous avez dit au journaliste de RFI qui vous interrogeait le 26 mai qu’il n’y avait pas de désaccord avec la France. Pourtant ce qui est actuel pour la France, c’est ce que le Président François Hollande a dit. Parlez-vous le même français que les autorités françaises ? En vous isolant de votre Gouvernement, pourrez-vous défendre comme il faut les intérêts du Mali car c’est du Mali qu’il s’agit ? Sans une grande vigilance qui revient à se méfier de la France en ce qui concerne Kidal, ne continuerez-vous pas d’être trompé ? M. Tiébilé Dramé, votre Conseiller pour le Nord vient de parler d’un accord intérimaire. Le Mali ne sera-t-il pas encore le dindon de la farce ? Le désarmement du MLNA avant l’élection présidentielle est-il clairement formulé dans cet accord intérimaire ? La renonciation à l’utilisation du terme » Azawad » pour des raisons politiques y est-elle aussi acquise. Franchement, vu la situation, il n’y a plus à parler ou à négocier en secret, le MNLA et les autres mouvements fantoches nouvellement créés qui parlent d’Azawad ont formulé leurs conditions, le Mali les siennes, ces conditions sont-elles conciliables ? Voilà la question. Est-il besoin de se réunir pour connaître ou faire connaître des positions qui sont connues et en vérité inconciliables?

5) Désarment du MNLA

Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Désarmer le MNLA c’est indispensable, ce qui veut dire la guerre si le mouvement fantoche s’entête. Ressaisissons-nous car Kidal c’est la ligne rouge ; pas de statut particulier pour Kidal. Trêve de contacts avec des gens qui nous trompent et font gagner du temps à des mouvements illégitimes. Vous avez suffisamment cédé, maintenant faites céder Hollande et Blaise d’autant que votre cause est juste. Si nous lâchons Kidal, nos têtes mériteront de tomber : la vôtre, la mienne (parce que je n’aurais pas parlé plus tôt) et celles de tous ceux et de toutes celles qui ont, chaque matin, chaque semaine ou chaque mois ou en d’autres circonstances, l’occasion de vous dire que vous vous trompez et qui ne vous le disent pas. Là nos têtes tomberont car le Bon Dieu nous abandonnera. Pourquoi ne pas clairement et fermement choisir le Mali et s’imposer?. Le MNLA doit être désarmé et si la France n’est pas d’accord, bien que son Ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, en ait confirmé la nécessité, peu importe. Si la belle œuvre commencée a pour finalité de protéger et de légitimer le MNLA afin d’hypothéquer plus tard l’intégrité et la souveraineté du Mali, ne faudra-t-il pas en tirer les conclusions et accomplir malgré tout la mission de désarmement des groupes armés ? La France est une grande nation, elle n’est pas capable de ce qui serait une vraie bassesse ; elle se ressaisira et comprendra, sinon les autres composantes de la communauté internationale (les pays partenaires et les diverses organisations : CEDEAO, UA, UE, ONU, etc.) comprendront la justesse et la noblesse de notre cause, même sans explication supplémentaire. Il s’agit du Mali et est-il acceptable que l’élection présidentielle ait lieu à Kidal dans des conditions dictées par le MNLA et François Hollande, c’est-à-dire dans des conditions différentes de celles qui seront en place dans les autres grandes villes du Mali? N’y a-t-il pas des choses à faire ou à défaire toutes affaires cessantes de peur de perdre la partie et Kidal ?



Kidal encore. Il y a un travail à faire auprès de la France et du Tchad, (pays ami auquel le Mali doit tant). Dites au Président François Hollande la vérité qui l’obligera à se déterminer et à choisir entre le Mali et le MNLA. Dites la même vérité au Président du Tchad dont les troupes sont aux portes de Kidal selon un plan mis au point par la France sans le Mali, sans vous. Avant toute guerre éventuelle, il faut qu’on sache qui est notre ami et qui est notre ennemi. Il va de soi qu’aucun ennemi à nous ne sera autorisé à rester à Kidal au service du MLNA si ce dernier refuse le désarmement non pas par les troupes françaises ou tchadiennes mais par l’armée malienne.

L’aide fournie par le MNLA pour faciliter les combats contre les djihadistes permet-elle de passer un marché contre le Mali ? La France vous avait-elle fait part de son intention de fournir cette forme d’aide au MLNA après les combats ?

Les soldats tchadiens n’ont-ils pas constaté qu’à Kidal les divers mouvements sont » mélangés » ? Cela signifie que le MNLA n’est pas une force distincte, et comment faire confiance à une telle entité qui a toujours besoin des autres ?

6) MINUSMA Sachez que les Nations Unies n’imposent rien aux pays, il faut l’avis de ceux-ci pour toute chose les concernant. Mais si nous manquons de vigilance et exemptons la France du devoir de nous consulter et de recueillir notre assentiment pour tout, le Mali sera le perdant car la France, membre permanent du Conseil de sécurité, équipée d’un matériel sophistiqué et bientôt de deux drones, imposera ce qu’elle veut en le faisant passer pour notre point de vue. Sur ce plan, ne pouvez-vous pas promettre de tenir bon, de rester vigilant et de recommander la même attitude à votre successeur ? La France de François Hollande a déjà eu un programme caché, rien ne l’empêchera de continuer si vous ne faites pas preuve de réactivité et d’esprit d’anticipation Et n’avons-nous pas intérêt à faire passer les choses par la voie » hiérarchique » (CEDEAO, MISMA ou UA ) pour éviter les duperies au sein de la MINUSMA et du Conseil de sécurité?

7) Médiation du Burkina Faso

Monsieur le Président par intérim, n’avez-vous pas dit que vous pensez que le Président Blaise Compaoré se trompait ? Quelles assurances avez-vous eues qu’il ne se tromperait plus. A-t-il obtenu de vous des excuses officielles ou publiques après que vous l’avez pour ainsi dire désavoué ? Vous-êtes vous dédit publiquement ou officiellement pour que le Président Compaoré reprenne du service ? Nul besoin d’être grand clerc pour savoir qu’un accord n’est pas possible parce que tous ces mouvements, nouveaux ou pas, (et on les crée n’importe comment) sont de mauvaise foi puisqu’ils refusent de se définir par rapport aux entités administratives qui existent au Mali. Le temps presse et le Mali a des tâches concrètes à accomplir. Ce qui est d’ailleurs inquiétant, c’est que la médiation burkinabè (en la personne de M. Djibril Bassolé) a dit l’an dernier que des conditions telles que » vouloir imposer la charia à tout le Mali » peuvent être discutées. Et maintenant, la partie burkinabè semble agacée par votre fermeté ; décidément, on aura tout vu. De toute façon, la donne a changé : il faut tout simplement demander au soi-disant MNLA et aux autres mouvements créés pour faire diversion s’ils acceptent d’être désarmés et de laisser l’Armée Malienne faire son travail à Kidal comme partout ailleurs au Mali et s’ils renoncent à l’utilisation du terme » Azawad » dans un sens politique. Est-il besoin d’aller à Ouagadougou ou d’attendre pour savoir cela ?



Par ailleurs, on parle d’accord-cadre ou d’accord intérimaire au départ et il reviendrait au Mali de remplir certaines conditions plus tard. Quelle légèreté ! Monsieur le Président par intérim, pour qui vous prend-on ? Vous êtes Président, mais par intérim, peut-on vous amener à engager l’avenir du Mali et à livrer son nouveau Président à part entière pieds et poings liés au sort ? Êtes-vous habilité à le faire ? S’il est possible d’avoir un accord définitif sur tous les points, mais alors tous les points, et en une semaine, d’accord, sinon ne devez-vous pas vous abstenir et mettre une sourdine à toute cette agitation? Le Ministre français des affaires étrangères est attendu à Bamako. Vous avez dit qu’il n’y a pas de désaccord avec la France. Ne devez-vous pas faire en sorte que l’accord soit ce que vous avez dit : désarmement du MNLA et entrée de l’armée malienne dans Kidal le plus tôt possible ?



Voilà, Monsieur le Président de la République par intérim, les questions que j’avais à poser. À 71 ans, je crois avoir une certaine expérience dont le Mali peut profiter. C’est le lieu de rappeler que certains officiers et hommes de troupe retraités ont fait Kidal et connaissent la zone. Leurs connaissances spécialisées pourront vousservir. Merci.

Par Macono Coulibaly,

citoyen malien, Bamako

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